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Cette fiche vous est proposée par : Vincent, sans pseudo


Les Royaumes du Grand Nord

   Mime venait d’arriver à la plaine de Brimir, le lieu où sont enterrés les braves d’Asgard. Avant de repartir de Muspelheim, le jeune Funfeng avait bandé sa blessure de manière remarquable, il avait même cautérisé la plaie grâce à son pouvoir sur le feu. La douleur avait presque disparu de son épaule.

   Face à la sépulture de Volkel, Mime sentit disparaître en lui les dernières souffrances qui malmenaient son coeur. La culpabilité, la rancune, les regrets, la tristesse, il n’y avait plus rien de tout cela en lui, et en cet instant il se sentit bien, comme jamais il n’aurait espéré l’être. Il avait atteint un état de sérénité tel qu’il lui semblait découvrir chaque chose pour la première fois. Il redécouvrait ces terres gelées, ces vents froids et ce royaume d’Asgard. Mais il découvrit également autre chose, qui lui fit froid dans le dos : il y avait une présence à proximité. Un homme, peut-être même plusieurs, et leurs intentions n’étaient ni celles de simples spectateurs, ni celles d’amis. Une question l’inquiétait plus encore : depuis combien de temps l’observaient-ils ? Peut-être depuis toujours.

   Le guerrier à la lyre feignit de poursuivre son recueillement tout en se concentrant afin de localiser la position précise des espions, mais c’était difficile car leur présence était presque imperceptible.

   « J’ignore qui ils sont et ce qu’ils veulent, mais ils sont doués dans l’art de se camoufler. »

   Il parvint à les localiser : ils étaient derrière un vieux mur à quelques mètres de lui. Le Guerrier Divin se releva brusquement et projeta ses rayons vers leur cachette. Le mur explosa et Mime s’élança. Mais il n’y avait plus personne. Il se sentit humilié de ne pas les avoir remarqués plus tôt et de les avoir laissés s’échapper.

   Toutefois, son attaque avait touché l’un des inconnus car quelques gouttes de sang ainsi qu’un débris métallique de couleur verte gisaient au sol.

   « Un morceau d’armure ? » pensa-t-il en le ramassant.

   Le guerrier d’Eta comprit qu’une menace insidieuse planait en ce moment même sur Asgard. Il devait rejoindre la cité dès maintenant, d’autant que le jour allait se lever d’un instant à l’autre.

   Craignant d’être à nouveau suivi par ces espions, il prit sa lyre et joua une douce musique. Son corps se multiplia en plusieurs exemplaires, et tous, l’un après l’autre, disparurent, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un seul : Mime était à présent invisible.


***


   Au fond de la caverne où se trouvaient les Représentants de la Grande Ourse, la jeune Svartalfienne était couchée sous une épaisse couverture. Ses longs cheveux bleutés s’étalaient jusqu’à sa taille, et ses yeux étaient clos. Lorsque le guerrier de Delta approcha, ses paupières se soulevèrent, révélant des pupilles d’un jaune étincelant.

   « Vous... vous êtes celui qui m’a sauvée ? dit-elle d’une voix faible.

   - Lorsque je vous ai découverte, votre corps était pris dans un bloc de cristal qui vous maintenait en hibernation et vous protégeait de toute menace extérieure. C’est ce carcan qui vous a sauvé la vie. Vous rappelez-vous comment vous êtes arrivée là ?


   - Ou... oui, ça me revient... Un envahisseur, un homme à la solde de Poséidon est venu à Svartalfaheim. Il voulait s’emparer de l’Anneau des Nibelungen, puis il a attaqué les gens, il a tué tout le monde ! Tout mon peuple a été exterminé ! »

   Des larmes silencieuses coulèrent sur ses joues. Elle continua :

   « Et alors qu’il approchait de nos appartements, mon père m’a mise en sécurité grâce à sa maîtrise des cristaux d’hibernation. Puis il est allé au devant de l’envahisseur pour le combattre. Il est sûrement mort à présent. »

   Elle se tut, les yeux mouillés de larmes amères.

   « Soyez sans crainte, dit-il, vous êtes désormais sous la protection des Guerriers Divins. Plus rien ne pourra vous arriver ici. »

   Elle se redressa sur sa couche, puis séchant ses larmes, elle dit :

   « Au fait, quel est votre nom ?

   - Je m’appelle Albérich.

   - Enchantée Albérich, moi c’est Idun. »

   Elle voulut lui tendre la main, mais elle découvrit que celle-ci était couverte d’un bandage.

   « J’ai... j’ai été blessée ? s’étonna-t-elle.

   - Oui, mais ce n’est rien de grave. »

   Ses larmes reprirent.

   « Cette main est importante pour moi : je suis violoniste. Aujourd’hui je me retrouve sans famille ni patrie. Si je perds aussi la musique, il ne me reste plus rien !

   - J’ai moi-même soigné ta blessure, et dans quelques jours, ta main sera comme neuve, aie confiance en moi. A présent repose-toi, tu es encore faible. »

   La jeune fille se rallongea sous la couverture et s’endormit profondément.

   Avant de sortir, Albérich s’arrêta pour la regarder quelques instants. Puis il se reprit et quitta les lieux.


***


   Ce matin-là, quatre gardes surveillaient l’entrée d’Asgard malgré le vent violent qui leur frappait le visage. Leur attention fut attirée par un groupe de personnes venant de l’est : c’étaient Derbal, Loki, Fenrir, Rung, Midgard, Alexei et les Blue Warriors.

   Les sentinelles se remettaient à peine de leur surprise qu’à l’ouest apparurent quatre autres hommes : Siegfried, Syd, Thor et Albérich.

   Les treize guerriers s’approchèrent, et sur un ton qui n’autorisait pas la désobéissance, Derbal dit aux gardes :

   « Appelez immédiatement vos supérieurs. »

   Les quatre soldats n’en demandèrent pas plus pour détaler à l’intérieur de la cité aussi vite que s’ils avaient eu des ailes, laissant les deux ordres de Guerriers Divins face à face.

   « Le sommeil qui frappait hier le peuple d’Asgard semble ne plus agir, dit Loki. En tout cas ils ont décampé comme si leurs cauchemars prenaient vie. »

   Mais les quatre représentants de la Grande Ourse n’avaient pas le coeur à faire de l’humour ; ils ne parvenaient pas à croire que Fenrir était aux côtés de leurs rivaux.

   « Fenrir ! Comment toi, le guerrier d’Epsilon, peux-tu te retourner contre tes frères d’armes ? s’exclama Siegfried.

   - Sale traître ! ajouta Syd. As-tu donc oublié l’ordre auquel tu appartiens ? Et nous qui nous inquiétions à ton sujet !

   - Tu es la honte des Guerriers Divins ! intervint Thor à son tour. Comment peux-tu renier ainsi la princesse ?

   - Veuillez modérer vos paroles ! leur répondit Derbal. Jusqu’à preuve du contraire, cet homme n’a trahi personne, puisqu’il est toujours au service d’Odin. Vous devriez plutôt suivre son exemple et vous rallier à nous. Mais il y a un sujet bien plus grave dont nous devons parler : cette nuit, l’un des nôtres n’est pas revenu. Je suppose que vous ne savez rien à ce sujet ? »

   Au moment où Siegfried allait répondre, le bruit d’une armée en marche se fit entendre. Cela provenait des portes de la ville : tous les soldats d’Asgard s’étaient regroupés et descendaient en cohortes organisées vers la plaine. Dans l’ordre et le calme, ils encerclèrent les Guerriers Divins.

   Ces soldats étaient vêtus de légères armures grises portées par-dessus des tenues de fourrure. Ils avaient des casques surmontés de deux cornes et des boucliers ronds au bras gauche. Tous étaient armés de lances, de haches ou de couteaux.

   Deux phalanges de gardes s’écartèrent pour former une allée, et une jeune femme montant un cheval majestueux y apparut. Elle était habillée très simplement d’une robe banche, et ses longs cheveux gris lui tombaient sur les épaules.

   « Princesse Hilda ! s’écria Siegfried. Vous êtes saine et sauve !

   - Oui, tout va bien Siegfried. Je suis si heureuse de vous revoir en vie.

   - Et moi je craignais que ce sommeil maudit imposé au peuple d’Asgard ne réserve de mauvaises surprises.

   - A notre réveil, une surprise de taille nous attendait tous effectivement, quant à dire qu’elle était mauvaise, je ne saurais me prononcer. »

   Elle se tourna vers Derbal et lui dit :

   « Mais peut-être que l’ancien roi d’Asgard pourrait nous répondre ?

   - Vous le connaissez ? intervint Siegfried, consterné. Comment est-ce possible ?

   - Le sommeil que nous avons subi cette nuit était d’une étrange nature, répondit la reine. Il nous a rendu la mémoire de souvenirs dont nous n’avions même pas idée hier. Oui je connais Derbal, et tout le monde à Asgard l’a connu, même toi. Il n’y a pas si longtemps, il était le grand prêtre d’Asgard, tandis que moi-même je n’étais qu’une des prêtresses à son service, et que toi, Siegfried, tu étais un soldat. Lui et ses acolytes étaient les God Warriors, chargés de défendre le pays. Mais l’impensable se produisit : Derbal, de par son ambition démesurée et sa conduite intolérable, allait plonger la cité dans le Ragnarok.

   - C’est faux ! protesta l’intéressé.

   - Inutile de nier, l’interrompit une voix qui venait de derrière la reine, tout Asgard s’en rappelle désormais. »

   L’homme qui venait de parler fut immédiatement reconnu par ses frères d’armes.

   « Mime ! Toi aussi tu es revenu !

   - En effet. Je suis retourné à Asgard juste avant que le jour se lève, découvrant chaque habitant endormi. Puis j’ai vu les premiers rayons du soleil les éveiller doucement, et alors chacune de leurs paroles m’as appris les tristes souvenirs qui avaient été effacés.

   - Derbal et ses hommes sont donc bien des God Warriors ? dit Albérich. Dans ce cas, pourquoi un nouvel ordre a-t-il été créé ?

   - Sans doute est-ce la manière qu’Odin a de nous punir, lui répondit Hilda. Lorsque Derbal voulut conquérir le monde, bafouant ainsi toutes les lois d’Asgard, un jeune héros donna sa vie pour interrompre le Ragnarok. Son sacrifice fit apparaître l’Yggdrasil, l’arbre soutien du monde, qui purifia le royaume en effaçant de nos mémoires les tristes états de service de Derbal. Son armure et celle de ses hommes, jugées en partie responsables de leur comportement, furent remplacées, et de nouvelles règles furent instaurées. Ces règles, vous les connaissez tous, mais Derbal et ses hommes les ignorent : tout d’abord, le roi ou la reine est désormais extérieur aux Guerriers Divins, évitant ainsi de cumuler plusieurs pouvoirs aux mains d’une même personne. Par ailleurs, les Guerriers Divins ne sont plus les héritiers des grandes familles d’Asgard, mais simplement les plus méritants du royaume, choisis par la grande prêtresse et Odin. Et enfin, la reine d’Asgard a un devoir aux yeux du monde, une responsabilité primordiale : celle de prier le seigneur Odin afin que les calottes glacières ne fondent pas. Jusqu’à présent, notre dieu à tous se chargeait seul de cette tâche ; désormais, il exige notre concours.

   - Dans ce cas, dit Loki, pourquoi avoir ressuscité les deux ordres de Guerriers Divins, si les premiers sont obsolètes comme vous le prétendez ?

   - Je l’ignore. De même, je ne saurais dire pourquoi Odin a choisi de vous ressusciter plutôt que de choisir de nouveaux porteurs pour ses armures divines. Ce n’est pas dans ses habitudes de jouer ainsi avec la vie et la mort.

   - Quoiqu’il en soit, continua Derbal, je pense que seule une menace de taille nécessite de ressusciter nos deux ordres à la fois. »

   Il pointa son doigt vers les plaines au loin.

   « Et cette menace, elle approche en ce moment même ! »

   Tous se retournèrent et virent l’horizon brillant d’une lumière rouge comme le feu.

   « Le... coucher du soleil ? s’exclama Rung. C’est impossible ! Le soleil est encore au-dessus de nos têtes !

   - J’ignore de quoi il s’agit, dit Siegfried, mais ça se rapproche, tel un raz-de-marée plus brûlant qu’un volcan.

   - Serait-ce l’enfer qui vient sur nous ? dit Thor.

   - Je dirais plutôt qu’il s’agit d’une armée, objecta Albérich, et pas n’importe laquelle.

   - Le peuple de Muspelheim, dit Derbal. »

   Les vagues de feu, arrivées à proximité de la ville, apparurent plus clairement aux yeux des Asgardiens : il s’agissait de guerriers dont le corps était entouré de flammes. Cependant ils ne brûlaient pas : les flammes les enveloppaient comme le cosmos entoure le corps des chevaliers. Ils étaient plus d’une centaine, et leurs visages étaient recouverts par des bandes de tissus qui ne laissaient apparaître que leurs yeux.

   En arrivant face aux Guerriers Divins, les soldats de feu se placèrent en un bataillon prêt à charger, tandis que leurs opposants se mettaient en garde.

   « C’est étrange, dit Siegfried, pourquoi sont-ils masqués ?

   - Sans doute pour signifier leur dissidence par rapport à Muspelheim, qui est officiellement en paix avec Asgard. » lui répondit Albérich.

   Chaque Guerrier d’Odin était prêt à attaquer cette armée dont les intentions belliqueuses transparaissaient sans qu’aucune parole ne soit prononcée. Mime en revanche acceptait bien plus mal le comportement de ses frères de sang :

   « Muspeliens, pourquoi attaquez-vous Asgard ? Nous sommes alliés ! »

   Pour seule réponse, l’un des soldats de feu cria d’une voix affreuse :

   « Asgard n’a aucun allié ! Mort aux esclaves de Bolverk ! » et tous les autres guerriers poussèrent des hurlements à sa suite.

   « Bolverk ? s’interrogea Alexei.

   - Le Fauteur de Malheur, lui répondit Derbal sans quitter les envahisseurs des yeux. C’est ainsi que nos ennemis appellent Odin. Ils semblent plus enragés que jamais...

   - Nous devons les empêcher d’atteindre la cité ! cria Siegfried.

   - Quel que soit leur nombre, renchérit Derbal, nous les repousserons ! A l’attaque ! »


   Les deux armées s’élançaient, seul Mime restant près des portes de la ville. Les premières lignes muspeliennes se séparaient en petits groupes afin de s’opposer à chaque guerrier divin. Ils attaquaient avec leurs lances ou avec leurs flammes, et partout sur le champ de bataille le cri des guerriers, le bruit des combats et le râle des morts résonnaient. Les duels se livraient au corps à corps - avec griffes, poings, lances, épées, haches - ou à distance - avec énergie, flammes, glace, souffle. Le retentissement de cette bataille était tel que tous les pays du Grand Nord devaient en percevoir les sons et les lumières. Des flammes, des boules de feu et même des jets de magma étaient projetés par les Muspeliens, tandis que du côté des serviteurs d’Odin, les techniques les plus dévastatrices étaient employées :

   « Wolf Cruelty Claw !

   - Odin Sword !

   - Blue Impulse !

   - Amethyste Shield !

   - Odin Tempest ! »

   Très vite, il fut évident que les soldats de feu n’étaient pas de taille, les attaques de leurs adversaires étaient si puissantes qu’elles les fauchaient par groupe de cinq ou dix. Certains tentaient de résister aux énergies, mais s’ils ne succombaient pas sur le coup, ils étaient laissés dans un tel état qu’il en fallait bien peu pour les achever. D’autres tentaient d’esquiver, mais le résultat était encore pire : leur vitesse étant bien trop inférieure à celle de l’élite d’Asgard, ils périssaient sans comprendre.

   En quelques instants donc, l’armée de Muspelheim, comprenant son erreur d’avoir voulu opposer des groupes de trois ou quatre hommes contre chaque Guerrier Divin, fut mise en déroute. Le reste des bataillons recula et se regroupa en plusieurs rangées resserrées. Les défenseurs d’Asgard, partis pour en finir avec leurs ennemis, s’élancèrent vers les survivants, lorsque la première ligne s’abaissa pour dévoiler une rangée de guerriers tenant tous une lance enflammée, prête à être jetée. Leur feu était si puissant que leurs armes se changèrent en métal en fusion durant leur vol, si bien qu’à l’arrivée, elles représentaient un danger même pour les Guerriers Divins, qui esquivèrent.

   Quelques soldats de feu en profitèrent pour franchir les lignes et atteindre les portes de la cité, mais Mime s’interposa, tandis que les rangs se refermaient.

   « Muspeliens ! Je suis votre frère, mais si vous persistez à rompre la paix, je n’hésiterai pas à vous tuer ! »

   Deux d’entre eux chargèrent sans même l’avoir écouté et Mime les repoussa avec ses rayons de lumière. Mais inconsciemment il n’y mit pas toute sa puissance, les laissant en vie. Un autre guerrier accroissait son aura de flammes, à tel point que le musicien sentait la chaleur envahir les environs. Le guerrier fut soudain brûlé par ses propres flammes, et il s’élança dans les airs, où son corps se changea en une énorme boule de feu.

   « Une attaque suicide ! » comprit le Guerrier Divin. Il esquiva de peu le kamikaze, qui s’écrasa au pied des portes de la cité. Sa chute créa un cratère au milieu duquel il ne restait de lui qu’une mare de lave en fusion.

   Deux autres soldats s’élancèrent à leur tour en kamikaze, et le guerrier d’Eta les esquiva sans difficulté. Les deux boules de feu échouèrent au même endroit que la première, ce qui rendit le trou encore plus profond.

   Mime regardait le cratère, commençant à comprendre.

   « Ce n’est pas moi qu’ils visent, mais la ville ! Ils veulent détruire la cité et ses habitants ! »

   Tandis qu’il faisait cette découverte, il ne prit pas garde à l’un des Muspeliens qu’il avait mis à terre ; celui-ci se releva et lui planta sa lance dans le dos, et une fois entrée dans la chair, l’arme se changea en métal en fusion, arrachant un cri à Mime. Il se retourna et décapita le traître. La douleur qui lui perforait le dos était atroce, mais il en ressentit une autre à l’épaule : la blessure que lui avait infligée Ull s’était rouverte.

   Hurlant de rage, il projeta ses rayons contre les derniers guerriers qui lui faisaient face, mais l’un d’eux esquiva et contre-attaqua en projetant des flammes avec ses mains. Mime les repoussa à l’aide de ses rayons, mais fortement diminué, il ne parvenait qu’à maintenir l’équilibre avec son adversaire.

   En première ligne, les autres Guerriers Divins parvenaient à repousser l’armée de feu, mais ces derniers résistaient mieux que prévu : les attaques des Asgardiens n’avaient plus les mêmes résultats contre leurs opposants.

   Entre deux offensives, Siegfried se retourna et vit le guerrier d’Eta en difficulté :

   « Tu es blessé Mime ! J’arrive !

   - Non ! Reste où tu es ! lui répondit-il en criant. Il faut les empêcher d’approcher de la ville ! »

   Quelques guerriers de feu avaient profité de la diversion pour franchir les lignes asgardiennes, et ils se lancèrent aussitôt dans les airs en de nouvelles attaques suicides.

   Pour contrer la menace, Mime augmenta la puissance de ses rayons, qui balayèrent le dernier Muspelien qui lui faisait face, et il se jeta en travers des boules de feu afin de les bloquer : il fut percuté de plein fouet par deux d’entre elles, tandis que la troisième s’écrasa dans le cratère.

   Il retomba au sol, son armure détruite par les flammes intenses et sa lyre brisée. Non seulement il avait plusieurs blessures par lesquelles son sang s’écoulait, mais en plus sa peau était brûlée en de nombreux endroits.

   Percevant son état critique, tous les Guerriers se retournèrent vers lui. Le guerrier d’Eta rassembla ses dernières forces et s’écria :

   « Le cratère ! Ils veulent détruire la cité ! »

   Ils furent saisis d’effroi en voyant la mare de lave. Celle-ci était aux portes de la ville et menaçait de s’agrandir pour l’avaler toute entière.

   Profitant de la surprise générale, un nouveau groupe de Muspeliens s’élança dans le ciel pour se changer en boules de feu, toutefois Thor et Rung projetèrent leurs armes volantes pour les intercepter. Une seule d’entre elles leur échappa, mais Siegfried sauta dans les airs et la retint avec les deux mains jusqu’à ce qu’elle se consume.

   Les Guerriers Divins reformèrent une rangée infranchissable, et chacun utilisa ses techniques les plus redoutables contre leurs ennemis. Pourtant les Muspeliens faisaient front et continuaient à résister, tout en poursuivant leurs projections de flammes et de lances en fusion.

   Fenrir, frustré par ce combat qui s’éternisait, chargea les lignes ennemies et attaqua les hommes de feu avec ses griffes. Il parvint à en tuer quelques uns, mais il se retrouva rapidement à bout de souffle. Percevant le danger, il rejoignit ses frères d’armes.

   « Eh bien, déjà de retour ? lui lança Albérich.

   - Une fournaise ! C’est une vraie fournaise là-bas !

   - En effet, tu es en nage ! Je comprends maintenant pourquoi ils résistent aussi bien : en se rapprochant les uns des autres, ils mettent en commun leur capacité à augmenter la température autour d’eux, créant un bouclier thermique si puissant qu’il diminue l’intensité de nos attaques !

   - Si seulement Ull était à nos côtés ! dit Rung. Son épée était l’arme la plus efficace contre ces monstres.

   - Il nous faut une autre stratégie, dit Siegfried.

   - Mais laquelle ? dit Derbal. Si nous affaiblissons nos positions, ils en profiteront pour percer nos défenses et augmenter la taille du cratère ! Et d’ici peu, ce sera un véritable volcan qui explosera à l’entrée même de la ville !

   - Il semblerait que les attaques de froid ont plus d’effet sur eux que les attaques physiques, intervint Alexei.

   - Oui, mais tant que nous les attaquons de front, nous ne pourrons pas les détruire définitivement, et en attendant, le cratère risque d’exploser ! Que faire ? »

   Une voix puissante résonna soudain :

   « Universe Freezing ! »

   L’explosion d’un souffle glacial s’ensuivit : il provenait de derrière les Muspeliens, qui furent presque tous gelés dans l’instant.

   Le responsable de cette attaque apparut dans le calme retrouvé :

   « Ils ne s’attendaient pas à être attaqués à revers, aussi n’ont-ils émis aucune protection en arrière, les idiots ! »

   L’un des derniers rescapés se leva et projeta ses flammes vers le nouveau venu. Celui-ci ne s’en défendit même pas : le feu ne lui fit aucun effet.

   « Il te faudra plus qu’une flammèche pour m’inquiéter ! » lui dit-il, tout en se rapprochant de lui en traversant la fournaise. Il lui saisit le cou, alors les flammes qui nimbaient le corps du Muspelien disparurent, et son corps se changea en glace, puis éclata.

   Les derniers survivants s’élancèrent, mais un dragon à deux têtes les balaya avant qu’ils ne puissent l’atteindre.

   « Dragon Bravest Breath ! venait de crier Siegfried. Puis s’adressant à son ami retrouvé :

   - Hagen ! Je craignais que tu ne te réveilles jamais.

   - Ca aurait sans doute été le cas si je n’avais pas entendu les prières d’une jeune femme ce matin, dit-il en regardant vers le Palais de Valhalla. Je suis heureux de te revoir, Siegfried. »

   Hagen, le Guerrier Divin de Bêta, était un jeune homme aux cheveux blonds et aux yeux bleus. Sa peau légèrement brunie était couverte d’une armure aux formes aiguës, avec sur le bras droit une tête de cheval. Il s’apprêtait à rejoindre ses frères d’armes lorsqu’un grondement leur rappela qu’une menace pesait toujours sur Asgard : le cratère s’était encore agrandit. Hagen s’en approcha et leur dit :

   « Laissez-moi faire. »

   Il plongea dans la lave du cratère et y disparut complètement. Les Guerriers Divins, anciens comme nouveaux, fixaient la cuvette infernale, fébriles. Hilda était également tétanisée. Toute l’armée d’Asgard retenait son souffle.

   Après quelques instants, le niveau de la lave se mit à baisser, jusqu’à disparaître complètement. Plus aucun grondement ne se faisait entendre. Hagen jaillit du trou béant :

   « Le magma est désormais dispersé sous terre, il ne risquera plus d’exploser ou de faire effondrer Asgard, la cité est sauve.

   - Mais pour combien de temps ? » dit Mime d’une voix faible.

   Sa question ramena l’attention de tous sur lui. Ses frères d’armes se rapprochèrent et Syd le prit dans ses bras afin de le maintenir assis. Il était à l’agonie.

   « Je ne comprends pas pourquoi les Muspeliens nous ont attaqués ! continua-t-il. Mon père a combattu toute sa vie pour instaurer la paix entre nos deux royaumes.

   - Ce n’étaient pas des Muspeliens ! » répondit Loki, à la stupéfaction générale.

   Il ramassa l’un des corps et arracha les bandes qui cachaient ses traits.

   « Regardez leurs visages !

   - Ils sont putréfiés !

   - C’est exact, ces hommes étaient déjà morts, et tout le monde ici connaît ceux qui sont capables de manipuler des corps sans vie, ceux-là même qui nous combattent depuis la nuit des temps.

   - Helheim. » lâcha Albérich.

   Le corps que tenait Loki se mit alors à parler avec une voix sifflante :

   « Hé hé hé ! La guerre ne fait que commencer ! Vous n’avez vaincu que l’une des cinq branches de la vengeance ! » Loki lui trancha la tête, d’un air écoeuré. Au même instant le guerrier d’Eta cracha du sang.

   « Mime ! » s’écria Hilda en courant vers le guerrier blessé. Elle apposa ses mains sur ses blessures, mais il était trop tard. Le guerrier regarda la jeune femme et il dit :

   « Princesse... » mais il ne put finir sa phrase, sa vie prit fin. Il ferma les yeux, l’air serein.


   La tempête qui soufflait sur Asgard se faisait toujours plus violente, aussi décidèrent-ils de tous rentrer au palais.


***


   Tandis que la bataille aux portes de la ville s’achevait, un couple d’Asgardiens et leurs trois enfants étaient sortis de leur maison afin de s’enquérir du déroulement des événements.

   « Alors papa, s’inquiéta l’un des enfants. Qu’est-ce qu’il se passe ? Il y a la guerre ?

   - Non, je crois que c’est terminé. » lui répondit-il en le rapprochant de lui.

   La tempête soufflait plus que jamais sur le toit des maisons, et une bourrasque violente décrocha un morceau de la façade d’un bâtiment déjà fragilisé, qui s’écroula sur la famille. Avant que la tragédie n’ait lieu, quatre hommes s’interposèrent et repoussèrent les débris. Ils étaient vêtus comme les soldats de la cité, mais ne portaient ni casque, ni armes. En les apercevant, la mère de famille lâcha dans un soupir de soulagement :

   « Les soldats d’élite !

   - Que faites-vous dehors ? lui répondit sèchement l’un des guerriers. Tous les Asgardiens doivent rester chez eux en cas de forte tempête, vous connaissez pourtant les règles !

   - Pardonnez-nous, intervint le mari, mais une bataille fait rage aux portes de la ville, nous voulions savoir ce qu’il se passait.

   - Raison de plus pour ne pas vous exposer davantage ! renchérit un autre. Rentrez chez vous et laissez-nous assurer votre sécurité dans les meilleures conditions possibles. »

   La famille retourna dans son intérieur en remerciant d’un hochement de la tête leurs sauveurs. Laissés seuls entre eux, les quatre hommes échangèrent quelques mots :

   « Les Guerriers Divins sont revenus à la vie.

   - Oui, et les deux ordres. Quelle plaie !

   - Cela ne me dit rien qui vaille.

   - Moi non plus, mais si telle est la volonté d’Odin, nous devrons nous y soustraire.

   - Quoiqu’il en soit, la bataille est terminée. Retournons au palais auprès de la reine. »


***


   Hilda était assise sur son trône, entourée par les Guerriers Divins, et face à eux le corps de Mime reposait sur un établi.

   « Bon sang, dit Siegfried. Un guerrier comme Mime, tomber dès le premier assaut !

   - Il ne faut pas sous estimer Muspelheim, répondit Derbal, et encore moins Helheim. Ce n’est pas pour rien que nous leur livrons bataille depuis des siècles.

   - Helheim était autrefois capable de faire se relever des morts, intervint Loki, mais ils n’avaient jamais pu les faire combattre ainsi ! Ils ont dû ramener à la vie les plus puissants Muspeliens qui ont affronté Asgard par le passé. Si l’on en croit le soldat que j’ai tué, nous devons nous attendre à être attaqués par les morts de Helheim, Svartalfaheim, Jotunheim et Niflheim.

   - Niflheim ? intervint Alexei, comme au sortir d’un rêve.

   - Oui Alexei, lui répondit Derbal, tu auras sans doute à combattre tes ancêtres.

   - Mes ancêtres ? Pff ! Ce ne sont que des corps manipulés ! Mime a perdu la vie car il a hésité à tuer ceux qu’il prenait pour ses frères. Les Blue Warriors ne feront pas la même erreur.

   - Je t’interdis de parler ainsi de notre frère d’armes ! répliqua Syd. Il a donné sa vie pour sauver le royaume !

   - Ne te méprends pas, je ne voulais pas l’insulter et je reconnais sa valeur, mais contre de tels ennemis, une hésitation peut être est fatale, et sa mort l’a prouvé. »


   Les portes de la salle du trône s’ouvrirent bruyamment, interrompant la discussion en cours, et quatre jeunes soldats entrèrent. Ignorant les Guerriers Divins, ils s’adressèrent à leur reine :

   « Majesté, nous venons faire notre rapport : bien que la tempête devienne de plus en plus menaçante, la curiosité de nos concitoyens quant aux événements actuels les pousse à quitter leurs abris et à s’exposer inconsidérément aux périls des vents polaires. Si vous pouviez adresser un message au peuple, je sais que votre parole sera écoutée.

   - Merci pour l’attention portée à votre mission, leur répondit-elle. Puis s’adressant aux deux ordres :

   - Guerriers Divins, je vous présente Vidar, Forsete, Heimdall et Jarl. Ils sont l’élite des soldats d’Asgard et n’ont eu de cesse d’assurer la protection du royaume depuis votre disparition à tous. »

   Albérich les toisa longuement, un par un.

   « Ils maîtrisent le cosmos ! » pensa-t-il.

   Avant que quiconque ne puisse ajouter un mot, Vidar dit :

   « Si notre présence n’est plus nécessaire, nous retournons veiller sur les habitants dès maintenant, majesté. »

   Sans attente une seconde de plus, ils quittèrent la pièce en refermant les portes derrière eux.


   « Quel manque de respect à notre égard ! cracha Derbal. Ils ne nous ont pas adressé un mot, et ne nous ont même pas regardés !

   - Il est vrai que leur comportement est étrange, ajouta Syd.

   - Je vous prie de ne pas leur en tenir rigueur, intervint Hilda, ce n’est pas contre vous qu’ils en ont. Depuis que la mémoire nous est revenue sur les événements liés aux premiers Guerriers Divins, la méfiance de ces jeunes hommes, comme celle de beaucoup d’Asgardiens, s’est accrue au sujet des armures d’Odin.

   - Pourquoi se méfier des armures qui sont sensées protéger le royaume ? questionna Siegfried. Ca n’a aucun sens !

   - Ils font simplement le bilan : les premières armures ont poussé leurs propriétaires à déclarer la guerre au monde extérieur, tandis que les secondes ont attiré la convoitise de Poséidon qui s’en est servi pour affaiblir ses ennemis. Bref, en quelques mois, les armures divines ont apporté plus de désordre que de tranquillité, et ils pensent qu’Asgard pourrait très bien s’en passer.

   - Ils ne réalisent pas l’importance des Guerriers Divins ! dit Hagen. Le rôle d’Asgard dans le monde est trop important pour se passer de notre protection, et ce ne sont pas des hommes comme eux, dépourvus de protection, qui pourraient repousser une menace comme celle qu’on vient d’essuyer !

   - Effectivement, seuls les Guerriers Divins sont en mesure d’éliminer Helheim, reprit Loki. D’ailleurs, en parlant de détruire nos ennemis, je préconise qu’on attaque leur royaume dès maintenant, avant qu’ils n’envoient leurs autres armées.

   - Et nous laisserions Asgard sans défense entre temps ? répondit Albérich. Voilà un plan particulièrement judicieux !

   - C’est sûr que se cloîtrer ici en attendant d’être assiégés est sans doute une meilleure idée... Mais je comprends que l’idée d’attaquer le Royaume de la Mort t’effraie.

   - Tu parles de peur, toi qui combats tes adversaires à quatre contre un ? Je proposerai pour ma part d’envoyer un éclaireur à Helheim tandis que les autres resteront ici, car nous ignorons d’où attaqueront les prochaines armées.

   - Si tu souhaites y aller seul, je t’en prie.

   - En fait, je pensais plutôt à toi, tu semblais si enthousiaste et courageux en évoquant cette idée. A moins qu’entre temps le loup solitaire soit devenu un chien de compagnie.

   - Ca suffit Albérich ! dit Hilda en élevant à peine la voix. Je te prie de bien vouloir respecter tes nouveaux frères d’armes.

   - Il en va de même pour toi, Loki, ajouta Derbal. Nous avons un ennemi à combattre, et je n’ai nullement l’envie d’assister à un combat de coq !

   - Pour en revenir au sujet qui nous concerne, continua Hilda, l’idée d’envoyer un éclaireur me semble bonne, alors si Derbal est d’accord, je charge Loki de cette mission. »

   Loki se tourna vers son supérieur, qui approuva d’un discret mouvement de la tête.

   « J’accepte, répondit Loki, mais à condition qu’un autre Guerrier Divin m’accompagne, par exemple Fenrir.

   - Quoi ? intervint Albérich. Pourquoi ne choisis-tu pas un homme de ton clan ?

   - Mais voyons Albérich, nous sommes tous du même clan, lui répondit-il avec condescendance. De toute façon, c’est à Fenrir de décider. »

   Tous se tournèrent vers le guerrier d’Epsilon, qui après quelques secondes répondit d’un hochement de tête.

   « Dans ce cas nous sommes déjà partis ! conclut Loki.

   - Soyez prudents, lui dit Derbal. Tu sais comme Helheim est dangereux. La ville est entourée d’un complexe de chemins dans lequel il est très facile de se perdre ou de tomber dans un piège. C’est ainsi qu’ils ont pu nous échapper pendant tous ces siècles.

   - Je sais, maître, mais les artifices de Helheim ne tromperont pas une meute de loups sauvages, n’est-ce pas Fenrir ? » dit-il en lançant un regard à son nouveau compagnon, qui lui répondit d’un sourire carnassier.

   « Quant à nous, reprit Hilda, nous avons un héros à enterrer. »

   A cette déclaration, tous les frères d’armes de Mime prirent un air solennel, à l’exception de Syd, dont le regard ne quittait pas Fenrir alors qu’il disparaissait dans le couloir.


***


   Loki et Fenrir traversaient les allées de la ville lorsqu’ils furent interceptés par une personne leur barrant la route.

   « Syd ! Qu’est-ce qu’il te prend ? lâcha Fenrir en stoppant sa course.

   - Dégage de là, ajouta Loki, tu fais obstruction à une mission ordonnée par Hilda elle-même !

   - Je souhaite juste m’assurer d’une chose auprès de Fenrir, lui répondit Syd.

   - Sauf que Fenrir n’a aucun compte à te rendre, alors éloigne-toi de notre route avant que je ne m’énerve.

   - Fenrir ! dit Syd sans tenir compte de Loki, dis-moi que tu ne vas pas là-bas pour laisser s’exprimer ta rage.

   - Quoi ?

   - Tout le monde t’a toujours considéré comme une bête sauvage incapable du moindre sentiment, mais moi je sais que tu vaux mieux que ça. Je le sais car toi et moi nous ne sommes pas si différents.

   - Tu te moques de moi ? Tu as vécu toute ta vie dans la noblesse et l’opulence, tu es l’exemple type de l’humain qui ne vit que pour protéger sa petite existence, prétendant défendre des valeurs auxquelles toi-même tu ne crois sans doute pas ! Alors ne viens pas m’insulter en te comparant à moi !

   - C’est vrai, je n’ai pas eu à me plaindre dans la vie, mais je sais ce que tu as pu vivre. Je sais que tu as tout perdu : ton enfance, ta famille... »

   Il ne put finir sa phrase : Fenrir lui avait asséné un violent coup de poing à la tête, le projetant à terre.

   « Ma seule famille, ce sont les loups, cria-t-il la bave aux lèvres. Et je t’interdis de parler d’eux !

   - Puisque tu cherches à te battre, lui répondit Syd en se relevant, je vais te donner satisfaction.

   - Tu veux que je m’en occupe ? intervint Loki.

   - Non, c’est entre lui et moi !

   - Tout à fait, Fenrir. Viens, lui dit-il en faisant un signe de la main, laisse sortir ta colère ! »

   L’invitation était de trop, car le guerrier d’Epsilon s’était déjà jeté tel un animal enragé sur le Tigre Viking.

   Les deux guerriers s’attaquaient tour à tour avec souplesse et vélocité, courant, sautant, chargeant tels deux fauves affamés lâchés dans une arène, et aucun ne manquait d’agressivité pour tenir tête à l’autre.

   Loki examinait minutieusement le combat.

   « Ils ont un tempérament très proche, pensa-t-il, et ils prennent un réel plaisir à livrer bataille. Pour le moment ils se sont simplement laissé porter par leurs instincts guerriers, sans même réfléchir à une quelconque stratégie. Mais d’ici peu, ils n’auront pas le choix et devront passer à la vitesse supérieure. »


   Lassés de ces assauts, les deux combattants s’étaient rapprochés, et chacun tentait de frapper l’autre avec ses griffes : d’un côté Fenrir attaquait avec les lames de métal qui ornaient ses poings, et de l’autre Syd utilisait les longs ongles acérés armant chacun de ses doigts. L’échange était intense et rapide, à tel point que de l’extérieur, on ne voyait entre les deux hommes qu’un nuage flou d’où provenaient des bruits semblables à ceux d’un combat d’épée. Mais l’équilibre se maintenait.


   Fenrir, sans doute le moins patient des deux, intensifia son cosmos et cria :

   « Wolf Cruelty Claw ! »

   La rafale de coups de griffes projeta Syd au loin. Il se redressa promptement, le corps marqué de quelques entailles.

   « Technique très efficace ! clama-t-il en crachant du sang au sol. Maintenant, à mon tour ! Viking Tiger Claw ! »

   Syd chargea Fenrir, les griffes en avant et son cosmos glacial en action. Le loup des steppes exécuta un saut périlleux afin de l’esquiver, mais Syd avait prévu sa dérobade et réajusta son coup de manière à toucher son adversaire en plein vol.

   Fenrir tomba à terre, son armure marquée d’une entaille à la poitrine et recouverte de givre. Il se releva presque immédiatement, faisant une grimace en constatant l’étendue des dégâts.

   « Ca te suffit, lui lança Syd, ou tu en redemandes ?

   - Pff ! Ca ne fait que commencer ! » lui répondit le guerrier d’Epsilon, comme s’il avait déjà oublié sa blessure. Son casque s’abaissa sur ses yeux, et il rugit :

   « Wolf Cruelty Claw ! »

   Syd évita le coup en se décalant sur le côté, à la consternation de Fenrir, qui attaqua de nouveau :

   « Wolf Cruelty Claw ! »

   Une fois de plus le coup fut sans effet, et le guerrier du Tigre en profita pour contre-attaquer d’un coup de poing au ventre, laissant son opposant à terre.

   « Tu n’as toujours pas compris ? lui dit-il alors. L’attaque que je t’ai portée a partiellement gelé ton organisme, ralentissant ainsi tes mouvements. Désormais, tes coups n’ont plus une vitesse suffisante pour m’inquiéter, alors abandonne ! »

   Fenrir, en entendant cette dernière phrase, grinça des dents tout en produisant un grognement semblable à celui d’un loup. Sa colère devint fureur, et sa fureur devint rage. Il se releva, les yeux injectés de sang et la bave aux lèvres, tandis que ses veines gonflaient à vue d’oeil. Peu à peu, tout le givre qui recouvrait son armure disparut et la pâleur de sa peau se résorba.

   « Incroyable ! pensa Syd. On dirait que son sang s’est mit à bouillir ! »

   Le guerrier d’Epsilon cria une nouvelle fois :

   « Wolf Cruelty Claw ! »

   Ce coup-ci, le guerrier de Zéta n’eut pas le temps de réagir : il fut atteint en pleine tête et tomba à la renverse, son casque roulant à terre. Il mit quelques secondes à se remettre debout, puis il se plaça en position d’attaque. Fenrir en fit de même.

   Aucun des deux n’avait été particulièrement bavard depuis le début du combat, mais cette fois-ci un silence total régnait. Les deux Guerriers Divins intensifièrent leurs cosmos, s’apprêtant chacun à invoquer une nouvelle technique.

   Malgré l’intensité de l’affrontement, Fenrir fut soudain interloqué par le visage désormais à découvert de son adversaire.

   « Bon sang ! J’ai l’impression d’avoir déjà rencontré cet homme il y a très longtemps. Cela ne m’avait jamais frappé jusqu’à présent, il faut dire que même à l’époque où nous étions frères d’armes, je ne l’avais jamais vraiment regardé. Mais maintenant ça me revient ! Les humains que j’ai côtoyés dans ma jeunesse ne sont pas légion. C’était il y a presque dix ans... »


***


   Alors qu’il était encore jeune et qu’il se familiarisait depuis peu à la vie sauvage, Fenrir s’était essayé à chasser par lui-même sa nourriture, sans l’aide de ses amis les loups. Ce jour-là, il poursuivait un sanglier à peine adulte et il tentait de l’atteindre en lui jetant des pierres, sans grand succès.

   Il entendit un rire. Celui-ci provenait de derrière lui : c’était un jeune garçon un peu plus âgé que lui. Vêtu de haillons et les cheveux en bataille, il tenait à la main un javelot :

   « Je n’ai pas pu m’empêcher de rire en te voyant chasser avec des cailloux.

   - Tu te moques de moi ? Tu vas voir si ces pierres sont inutiles ! » répondit-il en s’apprêtant à lui lancer un projectile.

   Sans même le laisser finir, l’inconnu jeta son javelot. L’arme lui frôla la joue et vola jusqu’au sanglier, qui s’écroula en criant.

   « Les pierres sont tout juste bonnes pour chasser les lapins. Je te conseille d’utiliser de vraies armes pour les plus grosses bêtes. Je te laisse celle-ci, elle te sera sans doute utile. »

   Fenrir n’eut pas le temps de répondre : l’intrus avait déjà disparu.


***


   « Ce fut la seule fois que je rencontrai un humain sans avoir une envie de meurtre, pensa-t-il. Mais est-ce la même personne qui me fait face aujourd’hui ? Il lui ressemble comme deux gouttes d’eau, mais mon instinct me dit que ce n’est pas lui. »

   Syd, voyant son adversaire pensif, lui lança :

   « Alors, Loup des steppes, tu as étanché ta soif de combattre, ou tu as encore besoin de te défouler ? »

   Pour seule réponse, Fenrir abandonna sa pose guerrière et se détourna de Syd. Il s’adressa à Loki :

   « Viens, nous avons une mission à accomplir. »

   Le bras droit de Derbal cru ne pas reconnaître son compagnon, tant son attitude avait changé, mais il le suivit.

   « Tu as raison, ajouta-t-il, nous n’avons que trop perdu de temps. »


   Le guerrier de Zéta brisa à son tour sa garde, et regardant Fenrir droit dans les yeux, il le laissa passer, lui et son nouveau frère d’armes. Lorsqu’ils disparurent au bout du chemin, il dit pour lui-même :

   « Le mental de l’homme et l’instinct du loup. Je compte sur toi, Fenrir, pour trouver l’équilibre entre les deux. »


***


   Au cimetière de Brimir, Hilda, Derbal et les Guerriers Divins étaient tous présents face à cette étendue couverte de tombes tristes et glorieuses afin d’assister à la cérémonie d’enterrement de la première victime de cette nouvelle guerre. Mime de Benetnasch était mort en protégeant Asgard, sa ville d’accueil, et chaque guerrier présent savait qu’il serait peut-être le prochain.

   Tandis qu’une plaque portant son nom était placée sur sa tombe et que trois prêtresses prononçaient quelques prières en dansant autour de la sépulture, une violente secousse fit trembler tous les environs.

   « Qu’est-ce que c’était ? s’écria Siegfried.

   - Après la tempête, voilà que nous subissons un tremblement de terre ? » dit Hagen.

   Comme pour lui répondre, un soldat déboula dans le cimetière :

   « Majesté ! C’est... c’est terrifiant !

   - Parle ! Qu’as-tu vu ?

   - Une armée nous attaque ! Ce sont de véritables monstres !

   - Bon sang ! Helheim ne perd pas de temps ! dit Derbal. Nous devons envoyer des guerriers à leur rencontre.

   - Vous avez raison, lui répondit Siegfried. Thor, Hagen, Albérich : allez-y !

   - Rung, Alexei et les Blue Warriors ! Accompagnez-les ! Siegfried et moi nous retournons au palais avec la reine.

   - Très bien ! » répondirent-ils tous en coeur.


   Les huit guerriers furent rejoints par Syd à l’entrée de la cité, mais ils n’eurent pas le temps de l’interroger sur sa disparition. Ils découvrirent à quelques centaines de mètres de là l’origine des séismes : une nouvelle armée approchait. Elle ne brillait pas par le nombre de ses soldats, mais par la nature de ces derniers : chacun d’eux était au moins aussi grand que Rung ou Thor, et certains les dépassaient même de plusieurs mètres ! Une armée de géants ! Le corps couvert de bandes, ils avaient pour seule arme leurs poings et leurs pieds massifs.

   « Voici donc l’armée de Jotunheim, clama Rung. Je n’aurai jamais pensé les revoir un jour. »

   A une centaine de mètre de la cité, les géants stoppèrent leur avancée et frappèrent le sol. Plusieurs larges fissures se formèrent et s’étendirent jusqu’aux pieds des Guerriers Divins. Syd, Hagen et Alexei, intensifiant leurs cosmos, se jetèrent en travers des failles et glacèrent le sol afin d’en stopper la destruction. Après quelques secondes, les fissures s’étaient résorbées.

   « Les traîtres ! lâcha Hagen. Ils ne veulent pas combattre, ils viennent détruire notre cité ! Nous devons les éliminer au plus vite ! »

   Tous les Guerriers Divins s’élancèrent vers l’ennemi. Albérich s’arrêta dans son élan.

   « Par Odin ! cria-t-il. Je viens seulement de comprendre !

   - Qu’est-ce qu’il te prend ? lui dit Syd. Nous devons vaincre les Jotuniens avant qu’ils ne se rapprochent trop de la cité. Ce n’est pas le moment de se poser des questions !

   - Ignorez mes paroles, et Asgard sera détruite avant qu’on en finisse avec ces géants ! »

   En voyant le visage d’Albérich, figé par l’angoisse, ses frères d’armes comprirent qu’il ne plaisantait pas.


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