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Cette fiche vous est proposée par : Johnny La Confession
Amérique du Nord, Chamberlain, une petite colonie située près de l'Océan Atlantique Au fur et à mesure que le révérend Peter Wilder marchait le long de la route, son effroi augmentait. Il ne reconnaissait plus la ville dans laquelle il avait grandi depuis toujours, une petite colonie fondée par certains émigrants du Mayflower, dont son arrière-arrière grand-père avait fait partie. Certes, à l'origine calviniste, il avait évolué dans son adolescence vers le baptisme, l'une de ces confessions non-conformistes fondée en 1604 par des Hollandais, dont certains avaient ensuite émigré vers le Nouveau Monde pour y diffuser leur foi rigoureuse. Mais il était malgré tout resté fidèle aux principes du christianisme de ses ancêtres, qui conciliaient vie austère et lecture intensive de la Bible. Il avait exercé pendant près de trente ans comme pasteur dans cette petite colonie sans histoires, tout juste perturbée par quelques manifestations festives qu'il réprouvait en son for intérieur. Et il n'était pas là quand le drame était arrivé. Il était en effet parti rendre visite à sa soeur et au mari de cette dernière, qui demeuraient à New York. Et quand il revint chez lui...ce fut la consternation. Sa colonie avait été ravagée par un incendie dont l'ampleur était presque surnaturelle, du moins, c'est ce qu'un des rescapés du drame lui dit en accourant vers lui, la mine affolée : "Révérend Wilder ! L'Eternel soit loué, vous êtes là !" "Mon ami, demanda Wilder, que...que s'est-il passé ? Les maisons...Toutes les maisons, elles ont été réduites en cendres, comme si le Diable en personne était venu répandre son feu dévastateur sur notre communauté de fidèles !" "D'après ce que l'on m'a dit, révérend, confia le rescapé, c'est...c'est à peu de choses près ce qui est arrivé !" "Y'a-t-il eu des victimes ?" "Oui, plusieurs centaines, essentiellement des jeunes gens qui n'avaient même pas vingt ans pour la plupart !" "Quand cela est-il arrivé ?" "Lors d'une fête qui a tourné au drame, révérend." Le pasteur serra le poing droit de rage en entendant ces mots : "Je le savais ! Chaque dimanche que je prêche la parole du Seigneur dans le temple de notre communauté, je mets en garde notre jeunesse contre les distractions, ces...ces futilités qui ne sont rien d'autre que des vices où s'abandonnent ceux que le Seigneur a voués à la damnation éternelle ! Pourquoi notre maire est-il aussi passif face à ces stupidités ?" Puis se retournant vers le rescapé : "Mon ami, pouvez-vous me raconter comment ce drame eut lieu ?" "Non, du moins, pas par mon propre témoignage, car, Dieu merci, je n'étais pas présent là où il y eut des victimes...J'ai eu plus ou moins connaissance de cette histoire en écoutant les rumeurs véhiculées par les habitants qui ont survécu comme moi à cette calamité..." L'homme se tut soudainement, puis reprit : "Toutefois...Révérend, venez avec moi, car j'aimerais vous montrer quelque chose..." Wilder obéit sans se poser de questions et suivit le rescapé. Durant leur marche, qui dura près de cinq minutes, le pasteur put encore mieux contempler les ravages de la catastrophe de la veille. Des maisons ravagées, des jardins perdus à jamais...Même le temple dans lequel il exerçait depuis toujours n'avait pas non plus échappé à l'incendie, aussi fulmina-t-il intérieurement : "Maudit soit ce suppôt de Satan qui a osé toucher à la maison où les chrétiens se réunissent chaque dimanche pour louer le Seigneur ! Je lui souhaite de brûler en enfer où il expiera ses péchés !" Finalement, les deux hommes arrivèrent au terme de leur marche. C'était une petite maison, ravagée elle aussi par l'incendie, mais dont le jardin était décoré de deux croix. Wilder crut comprendre : "Les deux habitants de cette maison sont morts et enterrés ici, n'est-ce pas ?" "Eh bien, avoua le rescapé, en fait, ils sont bel et bien morts, mais seul l'un a été enterré...Nous n'avons pas retrouvé le corps de l'autre victime, sans doute a-t-il été complètement réduit en cendres." Intrigué, Wilder avança de quelques pas, pour identifier les victimes. Ce fut un choc dans son coeur : "Quoi ?!" "Les connaissiez-vous, révérend ?" Le pasteur se retourna vers le rescapé et lui répondit : "Plus ou moins...En fait, je ne connaissais que la mère, dans le passé, elle se déplaçait tous les dimanches pour assister aux offices, mais n'est plus revenue au temple depuis quinze ans. En fait, elle n'est plus revenue depuis que son époux l'a abandonnée, la laissant avec sa fille. Il est mort peu après, suite à une mauvaise chute...Je ne connaissais pas la fille en question, mais sa mère aurait ensuite exercé elle-même le culte chez elle, au milieu de toutes sortes d'icônes chrétiennes ! Il est regrettable que cette femme, dont la piété était un exemple pour notre ville, ait basculé ensuite vers l'idolâtrie et s'est crue capable d'adresser la parole de Dieu..." Soudain, Wilder remarqua que le visage du rescapé était devenu sombre. "Que vous arrive-t-il, mon ami ?" Avec un peu d'hésitation dans la voix, l'homme se contenta de répondre : "Eh bien...Révérend, je pense qu'il est temps pour vous de tout apprendre sur ce terrible drame qui a eu lieu la veille et frappé notre communauté..." ************ Le Sanctuaire, au pied des douze maisons du Zodiaque Dohko et Sun venaient enfin d'arriver là où débutait la route qui devait les mener au Grand Pope. Le chevalier de la Balance et le récemment promu chevalier du Dragon avaient été profondément marqués par l'émergence des 108 étoiles sorties de la prison scellée par Athéna elle-même, aussi voulaient-ils se hâter de prévenir le chef des chevaliers sacrés. Mais, alors qu'ils allaient entamer la traversée des douze maisons du Zodiaque, une voix les interpella : "Dohko! Sun ! Je suis heureux de vous revoir !" C'était Christian, le chevalier du Verseau et gardien de la onzième maison. Il revenait tout juste de Sibérie, où il s'était entraîné avec ses disciples et les disciples de ses disciples. Dohko le salua : "Nous aussi sommes heureux de te revoir, Christian !...Excuse-nous, mais...nous n'avons guère le temps de palabrer, il nous faut voir le Grand Pope de toute urgence !" "Ah bon ? Et pourquoi donc ?" "Alors que moi et Dohko étions en train de traverser la Chine, après que j'eus gagné l'armure du Dragon, nous sommes tombés sur une tour chargée d'énergie négative et frappée du sceau d'Athéna ! Cette tour, nous l'avions déjà vue lors de notre périple vers les Cinq Pics, mais...mais elle a subitement laissé échapper 108 étoiles chargées de noirceur, juste après que le sceau d'Athéna se soit rompu !"expliqua longuement Sun. Christian se figea sur place en écoutant les paroles du jeune chevalier de bronze. Puis, tâchant de rester impassible face à la nouvelle situation qui s'annonçait, fût-elle aussi critique, il répliqua : "Cela ne me dit rien de bon. Mon défunt maître, l'ancien chevalier du Verseau, qui se nommait Kalmar, m'avait un jour parlé de l'ancienne Guerre Sainte qui opposa Athéna à son pire ennemi en l'an de grâce 1538 ! Il m'avait dit qu'après la bataille, Athéna enferma les 108 âmes des serviteurs du Maître des Ténèbres dans une tour qui se trouvait dans un endroit fort reculé, où aucun simple mortel ne pouvait accéder !...Je suppose qu'il s'agissait de cette tour..." Dohko resta silencieux un court instant, puis répondit : "Sans doute...Excuse-moi, Christian, mais il faut que j'aille avec Sun voir le Grand Pope, c'est urgent !" "Permettez-moi alors de vous accompagner."suggéra le chevalier du Verseau. Le chevalier de la Balance acquiesça d'un mouvement de la tête, puis les trois chevaliers ébauchèrent la traversée des douze maisons du Zodiaque. ************ John Il commence à se faire tard...Je dois me hâter, car mes parents m'attendent pour lire la Bible et chanter quelques psaumes, comme nous le faisons chaque dimanche...Et pourtant, je n'ai pas le coeur à chanter ou lire les Ecritures...Emma...Mon Dieu...Pourquoi m'avez-vous imposé cette difficile épreuve ?...Cette jeune fille...Son corps, il...il est aussi superbe que l'était celui d'Eve avant que le vil serpent du Jardin d'Eden ne vienne la tenter !...Je...Je veux ce corps, mais je ne peux pas l'avoir !...Jeanne, ma promise...Si seulement vous saviez ce que je ressens en ce moment...Je sais que c'est vous qui m'êtes destinée, mais...mais c'est une autre que je désire au fond de moi!...Mon père...Ma mère...Il m'est impossible de vous confier mes tourments...D'ailleurs, je ne sais à qui je pourrais me confier en ce moment !...Je le sais, la confession est un acte banni de notre religion, mais le poids que j'ai sur le coeur m'écrase... J'approche de la maison où mes parents et mon précepteur se trouvent. Je remarque subitement que ce dernier s'avance vers moi, l'air ravi. Que vient-il m'annoncer ? Je connais le révérend Valnoy depuis ma plus tendre enfance, et je ne me rappelle pas l'avoir déjà vu sourire, tant il s'accroche à l'austérité de notre foi...Cela dit, il a sans doute été influencé par son meilleur ami, le révérend Paul Trevor, descendant d'un émigré du Mayflower, qui nous a souvent confié qu'il regrettait de ne pas avoir vécu au temps où Cromwell était Lord Protecteur du Commonwealth...Mais le voilà qui s'avance... "John ! Vous voilà enfin de retour ! Vous n'arrivez cependant pas trop tard pour entendre la bonne nouvelle qui, ironie du sort, m'a été transmise par deux serviteurs de cette déesse païenne !" "Vous avez reçu la visite de deux chevaliers sacrés, cet après-midi ?"lui demandai-je. "En effet, je crois qu'il devait s'agir des chevaliers du Capricorne et du Cancer....John, après-demain, nous quittons ce nid d'idolâtres qu'est le Sanctuaire !" ************ "A ces mots, j'ignore comment j'ai pu faire pour ne pas laisser apparaître mon désarroi sur mon visage...Mais en mon for intérieur, j'étais complètement dévasté..."confia John au révérend Trevor, dont le regard s'était durci depuis quelques instants. ************ John Non ! Nous allons donc partir dans deux jours...Je...Je ne pourrai donc plus jamais revoir Emma, cette jeune fille au corps de rêve...Mon Dieu, pourquoi ? Pourquoi ai-je dû connaître la tentation des plaisirs de la chair avec une autre que ma promise et apprendre après que je ne reverrai plus celle que je désire ? Pourquoi, Seigneur ? Je regarde le révérend Trevor et je ne laisse rien transparaître de ma douleur, au prix de terribles efforts. Mon précepteur, qui a cependant remarqué mon silence, me demande: "Qu'il y a-t-il, John? Cette nouvelle vous chagrinerait-elle ?" Et, j'ai beau savoir que les Ecritures nous ont toujours prescrit de ne point nous parjurer, je fais ce qu'il m'a toujours été impossible de faire jusqu'alors; je ne dis pas la vérité à mon précepteur : "Non, révérend. Simplement, je suis juste un peu surpris que nous devions partir si rapidement d'ici..." "Mais vous êtes agréablement surpris, n'est-ce pas ?" Et moi de mentir une fois de plus: "Oui, c'est une bonne surprise, révérend. Nous allons enfin pouvoir partir pour Istanbul, où je tâcherai d'apprendre tout ce que mon père sait..." "Et surtout, ajouta mon précepteur, nous allons enfin quitter ces païens qui n'ont jamais entendu parler des Ecritures ! Et vous pourrez enfin épouser votre promise, John ! Vous allez fuir ces idolâtres, vous allez suivre l'exemple de votre père et épouser celle qui vous est destinée ! Ne sont-ce pas là des signes de votre élection divine ?" "Peut-être."mentis-je une fois de plus. "Vous êtes trop modeste, John...Allons ! Venez avec moi, vos parents vous attendent, nous allons lire la Bible et chanter des psaumes !" La mort dans l'âme, je suis mon précepteur...Seigneur...Faites que cette souffrance s'éloigne de moi le plus rapidement possible... ************ Le temple d'Athéna La déesse de la Guerre, qui était jusque là restée assise devant une grande statue à son effigie, se leva subitement quand elle entendit des pas empressés. Elle ne se retourna pas, mais identifia aisément celui qui venait à sa rencontre : "Est-ce vous, Grand Pope ?" "Oui, ma déesse." La jeune fille se retourna et vit son serviteur agenouillé devant elle, tête baissée, qui lui dit : "Vos prémonitions étaient justes, déesse Athéna. Sur Star Hill, j'ai vu l'étoile polaire bouger anormalement, de sorte à ce que son angle par rapport à la Terre soit de zéro...Et c'est à ce moment précis que les 108 étoiles maléfiques au service de l'Empereur des Ténèbres ont quitté leur prison pour revenir à la vie !" Le regard tendu, Athéna resta impassible durant quelques secondes, avant de s'adresser au Grand Pope en ces termes : "Dans ce cas, il va nous falloir agir rapidement, les forces du Mal peuvent passer à l'attaque tôt ou tard...Grand Pope, repartez immédiatement dans votre palais et ordonnez immédiatement que les douze chevaliers d'or viennent dans la salle du Conseil, pour une réunion d'extrême-urgence, à laquelle j'assisterai !" "Comme vous voudrez, ma déesse." Sur ces entrefaites, le chef des chevaliers sacrés se releva et repartit vers son palais d'un bon pas. Trois minutes plus tard, il allait donner ses instructions à ses gardes, lorsqu'une sentinelle vint le trouver : "Grand Pope !" "Qu'il y a-t-il ?" "Deux chevaliers d'or demandent à vous voir de toute urgence ! Ils sont aussi accompagnés par un jeune chevalier de bronze !" "Fais-les entrer sans plus attendre."ordonna le Grand Pope. Aussitôt, la sentinelle repartit en arrière et, dix secondes plus tard, Christian et Dohko parvinrent devant le représentant terrestre d'Athéna, suivis par Sun. Les trois chevaliers s'agenouillèrent et Dohko prit la parole au nom de tous : "Grand Pope, nous avons deux nouvelles à vous annoncer...Une bonne et une mauvaise, pour être plus explicite." "La situation étant déjà critique, commence par la bonne, chevalier de la Balance..."rétorqua le Pope. "Eh bien, mon cousin Sun a réussi à inverser le courant de la cascade de Rozan et s'est révélé digne de porter l'armure de bronze du Dragon !" "Je te félicite, jeune Sun." fit le Grand Pope dans la direction du cousin de Dohko. "Quant à la mauvaise..." "Je suis déjà au courant, chevalier de la Balance, lâcha le Pope. Cent huit étoiles chargées de noirceur ont quitté une tour sur laquelle était apposé le sceau d'Athéna, c'est bien cela ?" Surpris par la perspicacité de son supérieur, Dohko dut attendre dix secondes avant de pouvoir répondre : "En effet, Grand Pope. Nous avions déjà vu cette tour, Sun et moi, en nous dirigeant vers les Cinq Pics, et c'est en revenant vers le Sanctuaire que nous avons assisté à ce spectacle terrifiant..." Le Grand Pope se leva de son trône et dit d'une voix forte : "Il n'y a donc plus un seul instant à perdre ! La déesse Athéna nous a convoqués, moi et les douze chevaliers d'or pour une réunion en session extraordinaire dans la salle du Conseil ! Christian, Dohko, vous restez ici, chevalier du Dragon, rends-toi dans les maisons du Zodiaque et convoque en mon nom leurs gardiens !" "A vos ordres, Grand Pope !"répondit un Sun enthousiasmé de s'être fait appeler "chevalier du Dragon". Sur ce, le jeune cousin de Dohko partit en courant prévenir les dix autres chevaliers d'or qui étaient encore loin de se douter du drame qui se tramait... ************ John J'ai beau lire la Bible et chanter le psaume du roi David en l'honneur de l'Eternel, je ne peux m'empêcher d'oublier mes tourments...A New Rochelle, l'on m'a répété en permanence que le Jour du Seigneur était un jour de repos, mais je n'ai guère le sentiment de m'être reposé aujourd'hui, du moins en ce qui concerne mon esprit et mes sens complètement perturbés et dépravés par ce sentiment de culpabilité qui me pèse; j'ai désiré et je désire encore le corps du chevalier de la Colombe et j'ai menti à plusieurs reprises...Mais voilà que les chants cessent et nous allons désormais souper dans une des pièces de notre logis temporaire, que nous quitterons après-demain...Et alors, je n'aurai plus l'occasion de voir la belle Emma... Une demi-heure s'est écoulée, nous avons de nouveau prié, puis rompu le pain et mangé une soupe de légumes préparée par certains serviteurs du Sanctuaire, comme nous en mangions chaque dimanche soir à New Rochelle...Nous ne consommons que le nécessaire pour nous sustenter, nous ne nous permettons jamais de festins outranciers, jamais de viande rouge, que des volailles et du poisson, accompagnés de légumes...Cette austérité alimentaire est vue à New Rochelle comme un signe de l'élection divine, presque au même titre que notre ardeur au labeur, à l'étude, et notre refus du luxe affiché...Maintenant que j'y repense, je me demande si ce que j'ai fait jusqu'ici ne s'est pas avéré trompeur...Je le sais, je ne suis pas encore marié, je n'ai pas touché au corps d'Emma, mais...mais Jésus-Christ n'a t-il pas dit Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son coeur ? Autrement dit, quelque part, j'ai commis une double infraction aux commandements divins, le cinquième et le septième, pour être plus précis...Si je n'ai pas mené une vie exemplaire, quel sens cela a-t-il pour moi de continuer à vivre, étant donné que je ne suis peut-être pas voué à la vie éternelle ? Soudain, mon père se lève et prend la parole : "John, Catherine, révérend, remercions l'Eternel à la fois pour ce repas et pour nous avoir sauvés des eaux qui nous menaçaient deux jours auparavant. Dans deux jours, nous repartirons vers Istanbul pour affaires, aussi, prions l'Eternel pour qu'il nous guide jusqu'au terme de notre périple !" ************ Les quatre colons baissèrent alors la tête et prièrent à voix basse, de sorte qu'il aurait fallu se rapprocher de leurs bouches pour les entendre. Ils priaient avec ferveur, comme ils le faisaient souvent, comme le voulait la tradition de la famille Roligny depuis qu'elle avait embrassé la foi réformée deux siècles auparavant, et plus encore depuis qu'ils s'étaient établis dans le Nouveau Monde et fondé New Rochelle. Une prière à voix basse, pour montrer leur statut d'infériorité par rapport à Dieu. Ils priaient encore quand un cri se fit entendre dans la pièce : "AAAH !!! Ma tête !...Je...Je souffre !..." Les époux Roligny et le révérend Valnoy s'arrêtèrent subitement de prier et levèrent les yeux. Ils virent John qui était à genoux et se tenait la tête de douleur. Inquiète pour son fils, Catherine accourut vers lui : "John ! Te sens-tu mal ?" Le jeune homme répondit péniblement : "Je...Je ne sais pas...Cette douleur...Elle...Elle m'a prise par surprise...Elle a été si violente...Maintenant, elle...elle s'estompe peu à peu, mais...mais je sens soudainement une grande fatigue...Père, mère, si vous me le permettez, j'aimerais gagner ma chambre..." Etienne Roligny répondit après trois secondes de silence : "Tu peux y aller, John. Tu reviendras quand tu te sentiras mieux." John remercia son père d'un signe de la tête et se dirigea d'un air nonchalant vers la chambre qui lui avait été attribuée lors de son arrivée au Sanctuaire. Mais ce brutal événement avait laissé perplexes ses parents et son précepteur : "C'est étrange...Durant toute la journée il s'est porté comme un charme et il s'est subitement trouvé mal sans raison apparente...Pourquoi ?"fit Catherine. Le révérend Valnoy lâcha : "Je l'ignore, Catherine...Mais je ne serais pas étonné d'apprendre que c'est la conséquence des mauvaises influences qui rôdent dans ce repaire de polythéistes ! Et dire qu'il va falloir patienter deux jours encore avant de quitter le Sanctuaire..." "La patience est une vertu dont il faut être fier, révérend, répliqua Etienne. N'oublions pas qu'il a fallu attendre plus d'un demi-siècle pour que nos coreligionnaires du royaume de France puissent avoir la liberté de conscience, grâce à l'édit de Nantes, avant que Louis XIV ne le révoquât...Si nos ancêtres rochelais ont dû attendre plus d'un demi-siècle pour être en sûreté dans le passé, nous pouvons bien attendre deux jours pour quitter le Sanctuaire..." "Peut-être, répondit le pasteur en haussant les épaules. Mais nos ancêtres n'ont jamais eu à faire face à des païens ! Puisse l'Eternel rendre cette attente moins pénible..."conclut-il en levant les yeux au ciel. ************ Intrigué par cette brève péripétie, le révérend Trevor demanda à John : "John...d'où vous est venu ce mal de tête ?" Le jeune homme baissa la tête vers sa soupe, qui était encore chaude et resta dans cette position pendant vingt secondes, sous le regard inquiet du pasteur, qui dut se contenter d'une réponse toujours aussi équivoque : "Ce mal m'est venu de lui, révérend..." Et le jeune calviniste d'avaler machinalement une nouvelle cuillerée de soupe, ce qui fit songer au révérend Trevor : "John...Quels secrets cachez-vous...Quels tourments vous poussent à retarder vos aveux ? J'ai beau déjà savoir que vous avez tué vos parents et été responsable d'une éclipse ayant failli causer la fin du monde, l'on dirait que le pire reste à venir..." ************ Le palais du Grand Pope Le Grand Pope, Dohko et Christian n'avaient pas eu à attendre longtemps. En seulement dix minutes, ils avaient vu arriver successivement Eon, Felipe, Philoctète, Diomède, Gautama, Daniel, Vittorio, Bosching, Shad et Shion. Les dix chevaliers d'or se prosternèrent devant le représentant terrestre d'Athéna, puis Felipe demanda au nom de tous : "Que pouvons-nous faire pour votre service, Grand Pope ?" "Chevaliers d'or, la situation est très grave. Elle l'est depuis que l'étoile polaire a bougé dans le ciel, atteignant un angle de zéro par rapport à la Terre. Pour en discuter, nous allons nous rendre dans la salle du Conseil, pour une réunion d'extrême-urgence. La déesse Athéna nous y attend." Les douze chevaliers d'or, dont Dohko et Christian (qui avaient appelé leurs armures d'or pour être plus présentables), suivirent donc leur supérieur dans la salle du Conseil. La déesse Athéna s'y trouvait déjà, elle avait pris place sur la chaise principale. Le Grand Pope et les chevaliers d'or se prosternèrent devant elle, puis la jeune fille leur dit : "Relevez-vous. Je vous remercie d'avoir répondu à mon appel, chevaliers d'or. Le Grand Pope vous a peut-être en partie déjà dit pourquoi il avait tenu à vous voir..." "Tout ce qu'il nous a dit était que la situation était très grave, déesse Athéna."répondit Diomède de la constellation du Scorpion. Il y eut un silence de trois secondes, silence qui fut rompu quand la déesse de la Guerre répondit par l'affirmative : "Elle l'est." Puis, dans la seconde qui suivit : "Prenez place, je vous prie. Nous allons commencer immédiatement cette réunion en session extraordinaire." Tandis que le Grand Pope s'asseyait à droite de la jeune fille, les chevaliers d'or prirent leurs places respectives. A gauche de la déesse, l'on pouvait y trouver les gardiens des six premières maisons du Zodiaque, à sa droite, ceux des six dernières. Athéna ne tarda pas à ouvrir la réunion : "Chevaliers, depuis ce soir, la Terre court un grave danger. Le chevalier de la Balance, ici présent, a été témoin d'un spectacle sortant de l'ordinaire. Il a vu 108 étoiles, toutes chargées de noirceur, quitter une tour sur laquelle était apposée mon sceau. C'était la tour où le Mal a été enfermé après sa défaite en l'an de grâce 1538. A cette époque, seuls dix chevaliers avaient survécu à ce conflit, dont sept chevaliers d'or, parmi lesquels le Grand Pope." Christian demanda : "Athéna...vous voulez donc dire que nous allons devoir nous battre contre 108 ennemis ?!" "Oui, si l'on ne compte pas leur maître, l'Empereur des Ténèbres." "Mais nous ne sommes que soixante dix-neuf ! Comment pourrions-nous lutter contre autant d'adversaires ?"lâcha Daniel, que cette perspective ne réjouissait guère. "Lors de la dernière Guerre Sainte, répliqua le Grand Pope en personne, nous étions moins nombreux que vous, soixante-cinq, pour être précis. Et il y avait autant d'adversaires que maintenant ! Et nous avons survécu ! Chevalier du Lion, je te rappelle que, en tant que membre de l'élite de la chevalerie, tu dois, au même titre que tes onze autres compagnons ici présents, montrer l'exemple aux soixante-sept autres chevaliers d'argent et de bronze, parmi lesquels se trouvent tes disciples ! As-tu quelque chose à dire à ce sujet ?" "Non, Grand Pope."murmura Daniel en baissant la tête. Le ton sec du Grand Pope avait fait se raidir les chevaliers d'or, qui reconnaissaient bien là l'autorité suprême à laquelle ils devaient tous obéir après Athéna. Ce fut alors que cette dernière, comme pour nuancer les propos de son premier serviteur, signala : "Gardez confiance ! Ne l'oubliez pas; vous ici, tous autant que vous êtes, vous faites partie des chevaliers de l'espoir ! Vous devez montrer que vous êtes les dignes protecteurs de l'humanité, mais je ne doute pas de votre capacité sur ce sujet !" "Athéna, demanda alors Philoctète, ces 108 ennemis ont-ils la même puissance ?" "Non, répondit la déesse en secouant la tête. La plupart d'entre eux ont une puissance tout au plus équivalente à celle des chevaliers d'argent, et une minorité les dépasse, mais seuls quelques-uns d'entre eux sont capables de tenir tête à vous, chevaliers d'or." Les gardiens des douze maisons du Zodiaque commencèrent à sourire en songeant à cette perspective, mais le Grand Pope se hâta de refroidir leurs ardeurs : "A votre place, je resterais prudent. On ne sait pas de quoi les sbires de l'Empereur des Ténèbres peuvent être capables. Vous le savez, j'ai survécu à cette Guerre Sainte et j'ai vu certains chevaliers tomber sous les coups d'ennemis a priori moins puissants qu'eux. Aussi, restez vigilants, même contre des adversaires que vous estimez faibles, et transmettez ce conseil aux chevaliers d'argent et de bronze, qui comptent parmi vos disciples pour la plupart d'entre eux." "Nous nous en chargerons, Grand Pope, ne vous en faites pas."affirma Shad. "En tout cas, fit Bosching, il ne sera pas question d'accorder la moindre pitié à nos ennemis !" "Ne crois-tu pas en faire un peu trop, Bosching ?"suggéra Eon. "Il a raison, intervint le Grand Pope. Je profite de cette occasion pour vous donner un précieux conseil pour le combat à venir : face au Mal, montrez-vous implacables, sans pitié ! C'est un conseil que mon mentor m'a transmis et que j'ai appliqué à la lettre lors de la Guerre Sainte de 1538." "Mais, Grand Pope, répliqua Eon, ces ennemis que nous combattons, peut-être faut-il simplement leur faire comprendre qu'ils sont dans l'erreur..." Un silence s'installa durant cinq secondes, puis le chef des chevaliers sacrés s'adressa au gardien de la douzième maison du Zodiaque en ces termes : "Chevalier des Poissons, tu es le plus jeune chevalier d'or après Dohko et Shion, mais tu es aussi le plus ingénu. Et ce n'est pas une qualité dans la situation actuelle. Aussi, mesure bien tes mots la prochaine fois que tu prendras la parole." Eon se mit à trembler tout le long de son corps, tandis que ses onze camarades sentirent un frisson parcourir leurs échines. Il n'y avait plus de doute ; en ces temps difficiles, le Grand Pope faisait plus que jamais démonstration de son autorité. Mais alors que Vittorio voulait prendre la parole pour rassurer le chevalier des Poissons, un éclair lui traversa la tête et le chevalier du Cancer se figea, ce qui n'échappa pas à Diomède : "Vittorio? Que se passe-t-il ?" Le gardien de la quatrième maison du Zodiaque répondit d'une voix tremblante : "J'ai...J'ai senti une étoile filante traverser le ciel à une folle allure...Je...Je sens que c'est un mauvais présage..." "Vittorio, répliqua Dohko, je sais que la situation est difficile, mais ce n'est pas une raison pour voir des ennemis partout !..." "C'est pourtant bien un mauvais présage, Dohko, répliqua Athéna. Cela s'était déjà produit avant l'attaque du Sanctuaire en 1538 !" "Comment ?! Le...Le Sanctuaire va être attaqué ?"dit Shion avec effroi. "Malheureusement oui, confirma le Grand Pope. Je me rappelle que les troupes de l'Empereur des Ténèbres avaient attaqué les douze maisons du Zodiaque, dans l'espoir de capturer Athéna...Elles avaient échoué, mais nous y avions laissé plusieurs dizaines de chevaliers...Il ne fait aucun doute que la Guerre Sainte commencera dès ce soir..." Un silence de mort gagna alors la salle du conseil. Tandis qu'Athéna et le Grand Pope demeuraient impassibles, un sentiment légitime de crainte gagnait les douze chevaliers d'or, l'arrivée de la Guerre Sainte les avait pris au dépourvu. Ce silence dura près de vingt secondes, jusqu'à ce que Felipe se décidât à le rompre : "Grand Pope...Qu'allons-nous devoir faire?" "Il vous est interdit de dormir ce soir, vous devez garder vos temples comme si vous gardiez l'entrée du Royaume de Dieu ! M'avez-vous compris ?" La déesse Athéna n'ayant pas bronché, les chevaliers d'or devinèrent aisément qu'elle avalisait par la même occasion les consignes du Grand Pope. Shion demanda aussitôt à son supérieur : "Grand Pope, qu'adviendra-t-il des chevaliers de bronze et d'argent?" "Ils devront garder l'accès de l'escalier menant aux douze maisons, les gardes du Sanctuaire demeurant en première ligne. Il est fort probable que le sang coulera cette nuit..." Le silence s'imposa de nouveau durant une vingtaine de secondes, puis Athéna prit la parole : "Je viens de prendre une décision au sujet des étrangers que nous avons accueillis et qui devront bientôt quitter le Sanctuaire. Connaissant les sombres desseins de l'Empereur des Ténèbres, il se pourrait que les Roligny et le pasteur qui les accompagne soient pris comme cibles...La protection de leur refuge sera donc soigneusement surveillée par une dizaine de chevaliers de bronze et d'argent. Grand Pope, je vous laisse la désignation de ces dix combattants." "Comme il vous plaira, ma déesse. Je vais immédiatement faire le nécessaire." La déesse de la Guerre se leva alors de sa chaise et clôtura la séance en ces termes : "Chevaliers d'or, la séance est levée. Vous pouvez regagner vos maisons." Toute l'élite de la chevalerie salua la jeune fille de la tête, puis quitta la salle du Conseil, la laissant seule avec le Grand Pope. Tandis qu'ils regagnaient leurs maisons respectives, ils ne purent s'empêcher de commenter cette séance à voix basse : "Cela promet! Les forces du Mal ne vont même pas nous laisser le moindre répit !"lâcha Shad. "Ce n'est pas dans leur nature, rétorqua Christian. Mon défunt maître, Kalmar, avait survécu à la Guerre Sainte de 1538, alors il savait à quoi s'en tenir depuis !" "En ce qui me concerne, il y a quelque chose qui m'a particulièrement intrigué dans cette réunion, c'est...l'attitude de Gautama !"avoua Daniel. "Le chevalier de la Vierge ?"fit Diomède. "Oui, de nous tous, c'est le seul qui n'ait pas pris la parole, il est resté calme et immobile, les yeux clos en permanence !" "Sans doute devait-il converser avec Dieu, comme cela lui arrive parfois !"supposa Vittorio à moitié sur le ton de la plaisanterie. "Il n'empêche, fit judicieusement remarquer Philoctète, bien que nous ne l'ayons jamais vu à l'oeuvre, il n'en reste pas moins le plus puissant de nous tous, même s'il est le plus discret !...Seul Thérava, le chevalier d'argent du Paon, a droit à ses confidences..." "Gautama m'étonnera toujours..."avoua Daniel. Les douze chevaliers sortirent alors du palais du Grand Pope, puis arrivèrent finalement près de la maison des Poissons, que gardait Eon. Le jeune éphèbe se détacha du groupe et Shion en profita pour le saluer : "Bonne nuit, Eon !" Le chevalier des Poissons ne répondit pas verbalement; il se retourna vers ses onze camarades et leur sourit timidement, l'air très pâle, puis gagna sa chambre. Les onze chevaliers restèrent sur place pendant une dizaine de secondes, puis se décidèrent à poursuivre leur route vers leurs demeures respectives. Une fois que la douzième maison du Zodiaque fut derrière eux, Shion lâcha : "C'est étrange...J'ai ressenti de la tristesse chez Eon, comme s'il avait été blessé par les paroles du Grand Pope..." "Pourtant, répliqua Diomède, l'on ne peut pas dire que le Grand Pope ait eu tort de lui reprocher ses paroles naïves !" "Oui, mais...Pour être honnête, je trouve qu'Eon est parfois bizarre...Cette tristesse...Il ne me semble pas que ce soit la première fois qu'il éprouve ce sentiment..." "Tu as raison, Shion, approuva Felipe. Il faut que je vous avoue quelque chose ; quelquefois, alors que je traversais sa maison, je l'ai entendu pleurer amèrement dans sa chambre..." L'aveu du chevalier du Capricorne fut un choc pour les autres chevaliers d'or, à une exception près ; Bosching des Gémeaux, qui rétorqua, d'un air goguenard : "Allons donc !...Comme si cela ne lui suffisait pas de ressembler à une fille, voilà qu'en plus, il pleure comme une fille !" "Qu'est-ce que tu nous chantes là, Bosching ?"s'indigna Dohko. "L'on voit bien que tu es le plus jeune d'entre nous, Dohko, répondit froidement Bosching. Si Eon continue à se comporter de la sorte, il fera mauvaise figure sur le champ de bataille !..." Le chevalier des Gémeaux se tut brièvement avant de reprendre : "Je vous dois un aveu, moi aussi ; parfois, je me demande s'il s'agit vraiment d'un homme !" Shad et Vittorio étouffèrent un petit rire nerveux, mais la réflexion laissa de marbre les huit autres chevaliers, avant que Christian ne répliquât: "Ne dis pas de bêtises, Bosching...Bon, excusez-moi, mais je crois que nous approchons de la maison du Verseau..." ************ John Je ne suis pas au bout de mes peines...Alors que mon coeur souffrait de ne pouvoir toucher le corps d'Emma, voilà que ma tête m'a fait souffrir...Cela n'a duré que quinze secondes, mais j'ai ensuite senti une immense fatigue...Comme une lassitude secrète...Mes parents et le révérend ont beau me dire parfois qu'ils me voient comme l'un des élus que Dieu a choisis d'office, je ne sais plus si je puis accorder le moindre crédit à leurs propos... Tout à coup, la porte s'ouvre. Je m'asseois sur mon lit et j'aperçois mon père, qui me demande : "Comment te portes-tu, John ?" "Je ne ressens plus de douleur à la tête, mais il me semble que mes forces me trahissent...Le sommeil me gagne peu à peu..." "Ne veux-tu pas revenir parmi nous finir ton repas ?" "Merci, mon père, mais je n'ai plus faim..." Nous restons impassibles durant une dizaine de secondes, moi sur mon lit, mon père debout face à moi, puis il me dit : "John...Tu sembles soucieux depuis ce soir...Quelque chose te chagrinerait-il ?" J'ai beau être troublé au fond de moi, tant mon père a vu juste, je nie l'évidence : "Non, mon père. A part cet ennui mineur de santé, je vais bien...J'espère juste que nous repartirons bientôt pour Istanbul..." "Deux jours, c'est un délai qui s'écoulera vite, ne t'en fais pas...J'ai confiance en toi, tu es plein d'avenir et de ressources, mon fils...Ton initiative prise le soir du naufrage me l'a démontré." Me souvenant de cet épisode, j'interroge mon père sur le sujet : "Justement, mon père, lorsque je vous avais suggéré d'amener nos caisses près de nous, pourquoi aviez-vous critiqué cette idée avant de vous rétracter ?" Je dois attendre quelques secondes avant d'obtenir une réponse : "Les aléas de la vie, John, tout simplement...Après que notre voilier se soit échoué, il s'est avéré que nos caisses pourraient nous être utiles...Ne va pas chercher à comprendre...Bon, je vais te laisser, John, bonne nuit..." "Merci. Bonne nuit à vous aussi, mon père..." Mon père me sourit et quitta ma chambre sur la pointe des pieds, me laissant seul avec mon désarroi. Je passai alors ma main dans mon cou et en tirai un collier décoré d'une croix que je cachais en permanence ; les ornements luxueux n'étaient guère prisés dans notre famille. Mais cette croix était le seul emblème toléré à New Rochelle. La croix huguenote, un ornement conçu cinquante-cinq ans plus tôt à Nîmes par un orfèvre du nom de Maystre et qui avait rapidement séduit ceux que l'on appelait en France les "Nouveaux Convertis", des catholiques ayant abjuré le protestantisme, mais qui restaient réformés dans leur coeur pour la plupart d'entre eux. Au début du siècle, les autorités de New Rochelle avaient entendu parler de cette décoration et certaines reproductions de cette parure s'étaient vendues dans notre colonie. Mes grands-parents l'avaient portée, mes parents la portent et j'en porte une, moi aussi...En revanche, le révérend Valnoy n'en a jamais porté, tant il déteste les parures ostentatoires, même celles nous rappelant notre triste provenance... Et en ce moment, je regarde la croix huguenote que je porte à mon cou, une croix à huit pointes, avec la colombe portant l'huile de l'onction royale en guise de pendentif. Je la regarde et j'en oublie ma peine...Du temps où je n'étais qu'un petit enfant, le révérend Valnoy me disait de toujours regarder vers le royaume de Dieu dans le cas où je serais saisi par de mauvaises pensées...Peut-être avait-il raison ; le simple regard que j'accorde à ma croix huguenote me pousse à oublier ce que j'ai éprouvé devant le beau visage du chevalier des Poissons et...et surtout devant le corps de rêve du chevalier de la Colombe...Seigneur...Faites en sorte que je traverse cette épreuve avec courage et que j'en ressorte aguerri... ************ "Finalement, cinq minutes plus tard, dit John au révérend Trevor, je commençais à tomber de fatigue, aussi pris-je la décision de me coucher plus tôt que d'accoutumée..." ************ La maison de la Vierge Cela faisait près de dix minutes que Gautama était arrivé dans la demeure qu'il gardait depuis près de quinze ans. Les cinq autres chevaliers d'or l'avaient laissé là en lui souhaitant bonne nuit, mais il ne leur avait pas répondu, fidèle à son caractère réservé, voire inaccessible. Après quoi, il avait pris la position du Lotus et commencé à méditer intensément, comme il le faisait en permanence, souvent seul, parfois en compagnie de son unique disciple, Thérava de la constellation du Paon. Ce fut alors que ce dernier arriva vers le chevalier d'or avec le sourire aux lèvres : "Maître ! Je suis heureux de vous revoir ! Pourquoi le Grand Pope vous a-t-il convoqué dans son palais ?" Le chevalier de la Vierge lui répondit par télépathie : "Le Grand Pope nous a convoqués, moi et les autres chevaliers d'or, pour nous annoncer une grave nouvelle...Après plus de deux siècles de captivité, le Mal s'est libéré de sa prison et lui et ses sbires vont certainement attaquer le Sanctuaire dès ce soir !" "Quoi ?! Maître, vous voulez dire que la Guerre Sainte dont vous me parliez parfois lors de mon entraînement va commencer ?!" "Exactement. Les forces de l'Empereur des Ténèbres ne nous laisseront aucun répit, aussi, quand le moment viendra pour toi de te battre, Thérava, mon disciple, sois à la hauteur !" Thérava répondit en inclinant la tête vers son maître : "Je le serai, maître. Je ne vous décevrai pas, vous l'homme le plus proche de Dieu !" "J'y compte bien, Thérava. Lors de ton entraînement, tu avais montré que tu avais un potentiel incroyable pour un futur chevalier d'argent, et je sais que tu en feras bon usage contre l'ennemi !" Le chevalier du Paon allait répondre, quand tout à coup, un garde apparut dans la sixième maison du Zodiaque. Intrigué, Thérava l'interrogea : "Excuse-moi, mais que viens-tu faire par ici ?" Le garde cessa sa course pour répondre : "Le Grand Pope a choisi six chevaliers d'argent et quatre chevaliers de bronze pour protéger la demeure où habitent les naufragés de New Rochelle recueillis la veille par le chevalier du Capricorne !" Thérava resta muet durant quelques secondes, avant de se reprendre : "Ah oui...L'un d'entre eux était passé par ici ce matin pour voir le Grand Pope...Fais-je partie de ceux que le Pope a désignés ?" La sentinelle jeta un coup d'oeil sur un parchemin qu'elle tenait dans sa main, puis répondit par la négative : "Non, chevalier du Paon...Cependant, vous devrez protéger l'accès aux douze maisons du Zodiaque, au même titre que les autres chevaliers d'argent et de bronze !" "Ce sera fait. Merci de m'avoir répondu, je ne te retiendrai plus." Et le garde de repartir vers les maisons zodiacales restantes. Aussitôt, Thérava se retourna vers Gautama, qui n'avait pas bougé d'un iota, et lui demanda : "Pourquoi vont-ils envoyer dix chevaliers pour protéger ces étrangers ?" "Nul ne sait ce que l'Empereur des Ténèbres, avec son âme noire, leur réserve..." "Bon, encore autre chose, maître, au sujet de ces étrangers...J'avoue ne pas comprendre la décision du Grand Pope...Pourquoi a-t-il décidé de leur accorder asile au Sanctuaire ?" "Ce n'était pas sa décision, mais celle de la déesse Athéna...Cela dit, j'ai reçu un ordre de sa part, hier soir...Quand viendra pour eux le moment de nous quitter, je devrai leur effacer la mémoire, pour qu'ils ne gardent aucun souvenir du Sanctuaire !" "Je comprends mieux maintenant, merci, maître !" "C'était tout naturel, Thérava...A présent, va et protège le Sanctuaire de l'offensive menée par l'Empereur des Ténèbres ! Qu'Athéna soit avec toi, mon disciple !" Thérava salua son mentor d'un sourire et partit en courant vers l'accès aux douze maisons du Zodiaque. ************ La demeure temporaire de la famille Roligny Catherine était sortie dehors, l'espace de quelques minutes, pour y prendre l'air. Elle n'était qu'à quelques mètres de l'entrée de la maison de fortune qu'elle et sa famille occupaient depuis leur arrivée au Sanctuaire et songeait : Dans deux jours, nous quitterons le Sanctuaire...Ce que m'en a dit Etienne semble fascinant, bien qu'il ait préféré me le dire en dehors de la présence du révérend Valnoy...Mais ce n'est pas l'idée de partir d'ici qui occupe le plus mes pensées en ce moment...John...Mon fils, que t'arrive-t-il ? Ce mal de tête, je ne suis pas sûre que ce soit là ta seule douleur...Ton coeur et tes sens semblent aussi meurtris, je le sens...Sans doute le lien indissociable entre une mère et son enfant...John, si seulement tu voulais te confier à nous...Etienne m'a assuré que tu n'avais rien, mais je persiste à croire que tu ne nous as pas dit la vérité...Pourquoi, John ?..." La mère du jeune homme fut subitement interrompue dans ses pensées par des bruits de pas, qui étaient sûrement nombreux. Paraissant inquiète, elle se retourna et vit neuf jeunes hommes en armure et une jeune fille portant un masque qui venaient dans sa direction. L'un des membres du groupe, qui se caractérisait par sa peau sombre, ainsi que son armure portant un bouclier dans le dos, s'adressa à Catherine en ces termes : "Femme, peut-on savoir ce que vous faites ici ? Cela devient dangereux, vous devez regagner l'asile accordé généreusement par la déesse Athéna et le Grand Pope !" "Je prenais l'air, répondit Catherine, qui semblait encore troublée par la présence des dix guerriers. A qui ai-je l'honneur ?" "Nous sommes des chevaliers d'argent et de bronze au service d'Athéna ! répondit le chevalier qui n'était autre qu'Omar de Persée. Le Grand Pope nous a donné l'ordre de vous protéger des forces du Mal !" Catherine ouvrit grand les yeux et répliqua : "Pourquoi nous protéger ? Nous sommes de fervents chrétiens, nous pouvons aisément compter sur la protection de notre Seigneur Jésus-Christ !" Et Omar de s'esclaffer : "Ha! Ha! Ha! Je crois me rappeler que, ce matin, j'ai vu l'un de ces naufragés, alors que je m'entraînais avec maître Bosching...Un vrai couard !" Devinant facilement l'identité de celui dont le chevalier de Persée se moquait, Catherine s'emporta : "Je vous interdis de parler de mon fils de la sorte ! John n'est pas peureux, c'est un jeune homme remarquable, qui déteste toute forme de violence !" Omar soupira : "Pff...C'est exactement ce que je disais, mais en d'autres termes...Encore autre chose ; vous n'avez pas à m'interdire quoi que ce soit : seuls la déesse Athéna, le Grand Pope et Bosching des Gémeaux sont habilités à le faire !" Ne voulant pas s'engager dans une querelle stérile avec les chevaliers sacrés, l'épouse d'Etienne Roligny leur demanda : "Qui êtes-vous ?" "Je suis Omar, chevalier d'argent de Persée !" Les autres chevaliers d'argent et de bronze se présentèrent à leur tour : "Robin, chevalier d'argent de la Flèche !" "Joseph, chevalier d'argent de l'Aigle !" "Ambroise, chevalier d'argent du Serpentaire !" "Hérodote, chevalier d'argent du Grand Chien !" "Damien, chevalier d'argent du Cocher !" "Emma, chevalier de bronze de la Colombe !" "Pierre, chevalier de bronze de la Croix du Sud !" "Archibald, chevalier de bronze du Poisson Volant !" "Sun, chevalier de bronze du Dragon !" Joseph poursuivit : "Madame, dès ce soir, le Sanctuaire va être attaqué par les forces de l'Empereur des Ténèbres, vous feriez mieux de rentrer..." "Non, corrigea Omar, elle ne ferait pas mieux de rentrer, mais doit rentrer dans l'asile cédé par la générosité d'Athéna et du Grand Pope !" "Tu ne devrais pas te montrer aussi rude avec cette femme, Omar..."suggéra Emma. Intriguée par cette voix, Catherine se retourna vers le chevalier de la Colombe et lui demanda : "Vous...Vous êtes un chevalier sacré ?" "Oui, madame, répondit affirmativement Emma. Il est vrai qu'à part Elvira de la Chevelure de Bérénice et moi, il n'y a que des hommes au sein de la chevalerie d'Athéna...Nous nous distinguons par un masque que nous devons porter en permanence, pour dissimuler notre visage loin des hommes." "Comment cela ?"fit Catherine, de plus en plus perplexe. "Quand un homme voit le visage d'une femme chevalier, c'est pour elle une chose bien pire que d'être vue nue. Deux solutions s'offrent à elle : soit elle le supprime, soit elle devient son amante." L'épouse d'Etienne Roligny n'eut pas le temps d'exprimer sa surprise, car le chevalier de Persée enchaîna dans la foulée : "Et à ce jour, la première solution a toujours été choisie par les femmes chevaliers ! Inutile de vous dire que nous prenons tous garde à ne pas voir le visage d'une femme chevalier, même si nous sommes de rang supérieur !...Bon, je ne vais pas me lancer dans une longue tirade sur le sujet et aller à l'essentiel : femme, les ordres du Grand Pope sont formels : vous ne devez pas rester dehors ce soir, c'est dangereux !!" Ne voulant plus contrarier le chevalier d'argent, Catherine s'exécuta et rentra à l'intérieur de la maison qu'occupaient son époux, son fils et le révérend Valnoy. De son côté, Omar donna les instructions suivantes aux neuf autres chevaliers : "Bon, maintenant, restez tous vigilants, le Mal peut apparaître d'un instant à l'autre ! Je m'adresse plus particulièrement à toi, chevalier du Dragon, qui viens de gagner ton armure ! Montre-toi en digne !" Sun sourit : "Rassure-toi, chevalier de Persée, je ferai honneur à l'entraînement que j'ai reçu de Dohko !" "Cela vaudrait mieux pour toi..."répliqua Omar avec un drôle de sourire. ************ Un endroit sombre et inconnu Il régnait une atmosphère morbide dans ce lieu. Un lieu couvert de couleurs sombres, variant du noir au pourpre, de l'indigo à l'écarlate. C'était un endroit nu de tout ornement, à l'exception de deux statues représentant des dragons géants et des tentures rouge sang. Au beau milieu de cet endroit désert, un homme s'avançait. Rien ne le distinguait des autres hommes, si ce n'était un long manteau sombre, qui lui couvrait tout le corps, à l'exception de la partie inférieure de son visage. Il avançait d'un pas lent vers les grandes tentures rouges, l'air grave. Lorsqu'il fut au pied d'un petit escalier qui le séparait des tentures, il mit un genou à terre et s'annonça : "Me voici, moi, votre plus fidèle serviteur, pour exécuter votre volonté, votre majesté." Sa voix était grave et sèche en même temps, il devait sans doute être fort âgé. L'homme n'obtint aucune réponse durant une dizaine de secondes, jusqu'à ce qu'une voix se fit entendre : "Je suis heureux de te voir ici, dans la Giudecca. Tu arrives au bon moment ; il y a quelques heures, le sceau d'Athéna qui retenait prisonnières les 108 étoiles maléfiques a perdu tout son pouvoir et les âmes de mes serviteurs se sont toutes réincarnées !" La voix qui venait de parler à l'homme en noir était une voix grave, sombre, mais aussi empreinte d'une curieuse mélancolie, pour ne pas dire qu'elle semblait lasse. A cette voix étrange, l'homme en noir répondit : "En effet, votre majesté. La première étoile maléfique s'était déjà réincarnée en notre présence, mais toutes les autres ont suivi et se trouvent désormais au pied de la Toloméa, où vous m'avez accordé résidence." "Alors, tout est prêt. La Guerre Sainte m'opposant à Athéna et ses chevaliers sacrés va enfin pouvoir avoir lieu, 205 ans après ma dernière défaite ! Il sera grand temps de prendre ma revanche, non seulement contre cette déesse qui s'obstine stupidement à défendre une humanité pécheresse, mais aussi...Je suppose que tu as compris à quoi je faisais allusion..." "Oui, j'ai compris, votre majesté. Mais ce n'est pas là notre premier objectif, si nous voulons que la Terre purifiée des péchés devienne réalité, il faudra d'abord en finir avec le Sanctuaire..." La voix répliqua cinq secondes plus tard : "Pas forcément...C'est un tout qui fait partie d'une stratégie qui m'amènera à la victoire, crois-moi sur parole !" "Je ne saurais douter de vous, Empereur des Ténèbres au grand coeur, fit l'homme en noir tout en s'inclinant. Quoi qu'il en soit, comme je vous l'ai dit, vos 108 serviteurs se trouvent au pied de la Toloméa et n'attendent qu'un seul ordre de vous pour se lancer à l'assaut du Sanctuaire..." "Je reconnais bien là mes serviteurs...Cependant, j'ai pris une autre décision..." "Laquelle ?!"fit l'homme en noir, apparemment surpris. "J'ai pris une décision qui te semblera sans doute incongrue à court terme, mais qui finira par nous donner la victoire sur le Sanctuaire ! Sache-le ; à la guerre, ce n'est ni le nombre de combattants, ni leur force qui permet de gagner, mais la stratégie ! Et cette stratégie, je te l'assure, se révèlera fort rémunératrice pour notre cause, et ce, aux dépens de cette pauvre idiote d'Athéna !"
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