Star Hill
Cela faisait déjà un certain temps qu'Athéna et le Grand Pope se trouvaient au sommet du Mont Etoilé. Ils étaient tous deux immobiles, la déesse de la Guerre était face au paysage tourmenté par les vents d'automne, tandis que le Grand Pope se tenait plus en retrait, contemplant le ciel avec la jeune fille :
"Il ne se passe rien pour l'instant...La position des étoiles ne nous révèle rien d'instructif..."
"Soyez patient, Grand Pope, répliqua Athéna. Souvenez-vous de ce que je vous avais dit en l'an de grâce 1538, quand vous n'étiez que chevalier d'or : "L'ennemi débarque quand l'on s'y attend le moins!" Il y a deux cent cinq ans, les forces du Dieu des Enfers avaient attaqué le Sanctuaire par surprise, aujourd'hui, une autre stratégie a été employée, mais cela ne veut point dire pour autant que nous devons nous endormir sur nos lauriers !"
La déesse de la Guerre avait parlé d'une voix pleine d'assurance, ce qui fit songer au chef des chevaliers sacrés :
"Athéna...Ma déesse, vous avez bien changé...Vous semblez plus sûre de vous...Comme en 1538...Auriez-vous pris conscience de l'imminence de la bataille...?"
Tout à coup, un éclair traversa l'esprit du Grand Pope, qui s'adressa à sa déesse :
"Athéna ! J'ai...!"
"Ne vous tracassez point, Grand Pope, j'ai moi aussi perçu ce présage...Observez attentivement les cieux et les étoiles..."
Obéissant à la demande de la fille de Zeus, le Grand Pope leva la tête et vit que les étoiles commençaient à bouger anormalement. Ce fut alors qu'Athéna lui dit :
"Les étoiles bougent, Grand Pope...Elles bougent alors qu'elles devraient rester immobiles en temps normal...Comme hier soir, lorsque l'étoile polaire avait atteint un angle de degré zéro par rapport à l'axe terrestre, signe que les forces de l'Empereur des Ténèbres allaient se réveiller...Regardez bien attentivement..."
Le Pope obéit et contempla scrupuleusement le ciel. Il regarda les étoiles pendant deux minutes, jusqu'à ce qu'il se rendît compte de quelque chose d'étrange :
"Athéna...Ces étoiles ! Elles..."
"Elles brillent plus attentivement que d'ordinaire, Grand Pope...Deux fois plus, pour être exacte...Essayez de les compter..."
Le représentant terrestre d'Athéna compta mentalement les étoiles dont le rayonnement avait changé. Il les compta pendant une quinzaine de secondes avant de répondre à la déesse de la Guerre :
"Ces étoiles sont au nombre de vingt, ma déesse."
"C'est juste, Grand Pope. De plus, regardez leur position..."
"Elles se sont déplacées, puis se sont positionnées à la verticale. Vingt étoiles brillent désormais deux fois plus que d'accoutumée et se trouvent dans les cieux à la verticale..."
Après quoi, Athéna ferma les yeux et demeura immobile. Quant au Grand Pope, il se demandait :
"Vingt étoiles brillant deux fois plus que d'ordinaire et disposées à la verticale...Quelle est cette énigme que Dieu nous donne à résoudre ?"
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La maison de la Balance
"Dohko !"
Alors que le plus jeune des douze chevaliers d'or tournait en rond dans sa demeure, il fut interrompu dans ses mouvements par une interpellation télépathique. Celle-ci fut répétée de nouveau :
"Dohko ! M'entends-tu ?"
Le chevalier de la Balance n'eut aucun mal à reconnaître cette voix :
"Est-ce toi, Shion ?"répondit-il par télépathie tout en fermant les yeux.
"C'est exact...Je voudrais te parler de quelque chose qui m'a intrigué..."
"Tu veux parler de John Roligny ?"
"Oui, il a traversé ma maison en coup de vent, j'ai eu à peine le temps de lui parler ! L'as-tu vu passer ?"
Dohko resta silencieux pendant quelques secondes, puis répondit :
"Oui, Shion...Il a rapidement traversé ma maison...et plus encore quand j'ai voulu lui parler d'Emma, le chevalier de la Colombe ! Avoir entendu ce nom l'a poussé à aller encore plus vite !"
"Hmm...C'est étrange..."
"Oui, le fait d'avoir entendu ce nom a semblé le faire souffrir, je n'ai pas compris pourquoi..."
"Je serais bien incapable de te le dire, Dohko...Je te parle de lui, car des rumeurs circulent depuis quelques minutes : John se serait enfui du Sanctuaire !"
"Comment ?!"
"Oui...Bien sûr, c'est à mettre au conditionnel, mais cette rumeur est probablement fondée...Par ailleurs, son précepteur serait parti sur ses traces et serait poursuivi par des gardes ! Mais je ne puis rien te confirmer de tout ceci, Dohko..."
"Que pouvons-nous faire, Shion ?"
"Malheureusement rien, mon ami. Nous ne pouvons quitter nos maisons, l'ennemi peut attaquer à tout moment ! Je te salue, Dohko..."
La conversation en resta là. L'air soucieux, Dohko s'avança vers la sortie de sa maison, puis leva les yeux vers le ciel, contempla les étoiles, plus particulièrement vingt alignées à la verticale, et songea :
"J'ai l'impression que cette nuit, il se passera quelque chose de terrible...Et John...Il aurait fui le Sanctuaire pour une raison que tout le monde ignore...John...Où peux-tu bien être ?"
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John
"Je me nomme Moloch et je suis à votre service, majesté Hadès !!"
Un frisson d'horreur descendit tout le long de ma colonne vertébrale et me fit trembler nerveusement, bien que j'eusse encore du mal à saisir les propos de cet homme qui s'appelait Moloch. Remarquant mon état, ce dernier se releva, puis me sourit :
"Ce que je viens de vous dire n'a point l'air de vous enchanter...Pourtant, votre coeur devrait être soulagé et heureux..."
"Je ne saisis pas un seul mot de ce que vous m'avez dit ! répliquai-je avec véhémence. Je ne sais pas ce que vous me voulez, mais je vous suivrai pas dans vos obscurs desseins ! Quelques soient les menaces dont vous pourrez user à mon égard, je ferai ce que ma volonté me dit !"
Moloch répliqua avec un petit sourire en coin :
"Cela m'étonnerait. Vous n'êtes pas libre de faire ce que vous voulez...Vous êtes lié à un destin écrit dès le départ par le Tout-Puissant, un destin que vous devrez suivre, que vous le vouliez ou non...Mais je crois que, vous autres calvinistes puritains, vous appelez ceci la prédestination."
Je baissai la tête. Il n'avait pas tort. Dans ma panique et mon emportement, j'avais oublié l'un des principes premiers de la confession réformée, un principe que mes parents et mon précepteur m'avaient toujours inculqué et répété. Je dus admettre à voix basse :
"Vous avez raison, malheureusement...Je ne suis pas libre...Je sais quel est mon destin...Il est de suivre les traces de mon père, de prendre la tête de la manufacture Roligny, de suivre une carrière laborieuse et prospère, d'épouser Jeanne, ma promise (ce souvenir fut encore douloureux, mais moins qu'auparavant, car je n'avais pas oublié le vice où s'était vautrée Emma) et de perpétuer la lignée de ma famille..."
A ces mots, le sourire de Moloch s'agrandit, puis il rétorqua en secouant la tête :
"Point du tout, point du tout...Il s'agit là du destin que vos parents et votre précepteur ont choisi pour vous, pas celui auquel Dieu vous a destiné...Non, John...Votre destin, c'est de ne faire qu'un avec cette âme !!"
Avant que je puisse avoir le temps de comprendre, Moloch sortit son bras gauche de sous son épais manteau noir, puis me montra une petite boîte de la même couleur. Comme par je ne sais quelle magie, la boîte s'ouvrit spontanément, et un curieux spectacle en sortit. Il s'agissait d'un paysage sombre, sur lequel dansaient des astres, des étoiles et même des planètes. Fort perturbé par cet étrange manège, je ne pus que lâcher :
"Quoi ?! Qu'est-ce que c'est...?"
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La demeure des Roligny
Etienne Roligny se trouvait près de la fenêtre de sa chambre et était soucieux. Son fils n'était toujours pas revenu. Presque la mort dans l'âme, lui et son épouse avaient dû souper sans lui. Le révérend Valnoy avait eu beau leur dire de ne pas s'inquiéter pour John, les deux époux avaient mangé l'âme en peine. Et maintenant, le négociant calviniste se trouvait à sa fenêtre, en train de contempler les étoiles, notamment vingt qui brillaient plus que d'ordinaire et alignées parfaitement à la verticale. Par réflexe, il baissa les yeux, joignit ses mains et commença à prier :
"Seigneur...Faites qu'il ne soit rien arrivé à John, faites que notre fils soit en parfaite santé et qu'il revienne parmi nous, nous saurons lui pardonner comme le fils prodigue a été pardonné par son père...Ainsi soit-il..."
"Etienne !!"
Le père de John se retourna aussitôt et vit sa femme qui était entrée en coup de vent. Elle tremblait nerveusement et les larmes commençaient à couler le long de ses joues. Préoccupé par l'état de son épouse, Etienne lui demanda :
"Catherine ? Que vous arrive-t-il ?"
La voix entrecoupée de larmes, la mère de John répondit :
"Etienne...Le révérend Valnoy a disparu...Pire...Pire encore, j'ai entendu des rumeurs parmi les gardes du Sanctuaire...Ils...Ils disent que John, pour Dieu seul sait quelle raison, se serait enfui du Sanctuaire !"
"Comment !?lâcha le négociant huguenot, légitimement surpris. Mais...Mais c'est insensé, Catherine !"
"C'est...C'est pourtant ce que j'ai bien entendu...Etienne, je suis inquiète...Nous ne pouvons pas sortir du Sanctuaire sous peine d'être mis à mort et nous ne savons pas où est notre fils unique !"
Tout aussi attristé que sa femme, mais moins expressif (éducation masculine oblige), Etienne lui prit tendrement les mains et lui dit :
"Mon aimée...Ne perdez point espoir...Je suis tout autant mort d'inquiétude que vous pour John et le révérend Valnoy, mais je garde la tête froide. Catherine, tout est entre les mains de l'Eternel désormais...S'il veut rappeler John à lui, nous devrons l'accepter et prier pour qu'il fasse partie de ses élus, ce qu'il devra sans doute être...Si le Seigneur choisit de nous ramener notre fils, nous lui en serons éternellement reconnaissants. Pour le moment, tout ce que nous pouvons faire, c'est de prier pour lui."
Les époux Roligny sortirent alors tous deux leurs croix huguenotes, symboles de leur appartenance à la communauté réformée, les regardèrent brièvement puis, main dans la main, prièrent en silence pour le salut de leur fils.
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Le village de Rodorio
John regardait d'un air affolé le paysage sombre rempli d'étoiles et d'astres que lui montrait le sinistre Moloch. Après avoir été rendu muet par la peur durant une vingtaine de secondes, il décida de ne pas rester plus longtemps dans l'ignorance et demanda de nouveau :
" Qu'est-ce que c'est...?"
"Je pensais que vous le sauriez...Apparemment non...A moins que ce soit la peur qui ne vous fasse perdre vos moyens...Pourtant, vous n'avez rien à craindre...Quoiqu'il en soit, je vais vous répondre ; ce qu'il y a dans ce coffret, c'est...l'Univers !"
"L'Univers !?"lâcha John.
"Oui, approuva Moloch. Ou plutôt devrais-je dire...c'est l'âme de l'Empereur des Ténèbres, sa majesté Hadès !"
A ces mots, le coeur du jeune homme bondit dans sa poitrine :
"HADES ?! Le...Le Dieu des Enfers dans la mythologie grecque ?!"
Le vieil homme sourit :
"J'admire votre érudition...Pourtant, avec votre éducation calviniste, je pensais que vous ne saviez pas grand-chose de la mythologie grecque...Oui, vous l'avez deviné, ce qu'il y a en face de vous, c'est sa majesté Hadès, le maître de toute chose qui existe en ce bas monde...Plus de deux cents ans après la dernière Guerre Sainte, sa majesté Hadès a ressuscité une fois de plus..."
Les paroles de l'âme damnée de l'Empereur des Ténèbres commencèrent à faire réfléchir John :
"Moloch a...a parlé d'une Guerre Sainte...Comme...Comme celle dont certains chevaliers sacrés ont parlé...Cela...Cela voudrait-il dire qu'Hadès est l'ennemi que la déesse Athéna devra combattre ?..."
Puis, tout haut :
"Et...Et quel rapport tout cela a-t-il avec moi ?"
Le sourire sur le visage de Moloch se fit plus large que jamais, et il répondit :
"Chaque fois que sa majesté Hadès revient à la vie, il lui faut une enveloppe charnelle, afin de pouvoir agir à sa guise...Le choix de cette enveloppe charnelle ne se fait jamais au hasard...Il lui faut investir le corps d'un être humain pur, le plus pur qui existe sur cette Terre gangrénée par le péché...Un humain non-violent, pacifique, pour que sa majesté réalise le destin qui doit arriver à l'humanité..."
John était paralysé par les paroles de l'âme damnée de l'Empereur des Ténèbres. Il ne s'attendait nullement à vivre de telles choses pour son vingtième anniversaire...Des changements d'apparence, des perturbations mentales, la découverte d'une infamie et maintenant, il apprenait que le Dieu des Enfers était revenu à la vie et devait investir le corps d'un être humain. Mais le fils d'Etienne Roligny n'était pas au bout de ses surprises, car Moloch lui dit soudainement d'un ton enthousiaste :
"Et il se trouve qu'à cette époque, c'est vous, oui, vous, John Roligny, qui avez été choisi, que dis-je, avez été élu pour réaliser les grands desseins de sa majesté Hadès!!"
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Le bruit d'un verre brisé se fit entendre dans la maison du révérend Trevor. C'était le pasteur lui-même qui en était responsable ; alors qu'il s'apprêtait à boire un verre d'eau, John avait fini par lui révéler ce qu'il avait entendu de la bouche de Moloch, et le choc avait été si grand que Trevor en avait lâché son verre. A présent, la stupeur était apparue sur son visage, et le révérend songeait :
"Non...Hadès...John...Etait-ce...Etait-ce cela que vous aviez tant de mal à avouer ?...C'est impossible, vous, un jeune homme incapable de faire du mal à qui que ce soit..."
Il leva les yeux vers le jeune homme et eut une nouvelle surprise. En effet, John souriait étrangement tout en regardant attentivement le visage du pasteur, qui lui demanda :
"John ?...Qu'est-ce qui vous amuse tant ?"
Le jeune homme répondit avec un sourire triste :
"Eh bien...Vous êtes exactement dans l'état dans lequel je me trouvais quand Moloch m'a appris que j'étais destiné à accueillir l'âme d'Hadès..."
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John
Je crus tout bonnement que mon coeur allait sortir de sa poitrine, tant la nouvelle était épouvantable pour mes oreilles...Hadès...Le Dieu des Enfers, le probable ennemi juré de la déesse Athéna...Serais-je donc le nouveau refuge de son âme ?...Seigneur, faites que tout ceci ne soit pas réel, je ne puis l'accepter...Je panique tellement que...que je ne peux me retenir :
"Non !!! C'est impossible !!...Pas moi !!"
"Cela vous chagrine tant que ça ? me dit Moloch, quelque peu étonné. Pourtant, vous ne devriez pas être aussi attristé ; être Dieu n'est pas réservé à tout le monde !"
"Je ne peux pas être Hadès ! réponds-je violemment. Je n'ai pas le coeur pur, comme vous pensez le croire, je suis perturbé, je désire une jeune fille autre que ma promise, j'ai eu des pensées impures à son égard et, ce qui n'est pas le moindre, cette fille s'est amourachée d'une tribade !"
Le serviteur du Dieu des Enfers resta stoïque un certain temps, de sorte que je crus l'avoir convaincu de son erreur. Mais quand il se décida à reprendre la parole, il me montra qu'il n'en était rien :
"Bien sûr que vous avez des failles...Comme tout être humain, d'ailleurs...Hadès ne recherche pas un être parfait, juste un être non-violent, afin de mener à bien ses desseins ! Si le monde était vraiment parfait, les Enfers perdraient leur raison d'être, qui est de juger, puis punir les péchés commis par les hommes de leur vivant ! Hormis cela, vous étiez l'élu idéal, tant vous détestiez la violence et vous efforciez de vivre rigoureusement, conformément à votre foi ! Vous n'avez point à vous tracasser : réjouissez-vous plutôt, car vous allez vivre en tant que Dieu !"
Je protestai vivement :
"Quel Dieu ? Je ne reconnais pas votre Dieu, Moloch, je ne crois qu'en l'Eternel ! Jamais je n'accepterai d'être l'incarnation d'une icône, et surtout si cette icône représente le Mal !"
A ces mots, Moloch se mordit les lèvres pour ne pas rire pendant quelques secondes, avant de me demander :
"Vraiment ?! Et qu'est-ce qui vous fait dire ça ?"
"Je ne sais que trop bien qui est votre Dieu ténébreux, Moloch ! Si par malheur il venait à dominer le monde, il instaurera un règne de terreur et de folie, pour le malheur de l'humanité, qui vivra dans la détresse et la douleur ! Jamais je ne serai un dieu aussi maléfique que le vôtre, Moloch !"
Mais, à ma grande surprise, après avoir entendu mes paroles, Moloch éclata de rire :
"Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Je reconnais bien là vos origines puritaines...Il est fâcheux que de telles origines vous aient induit en erreur !"
"Comment ça ?"
"Apprenez que, contrairement aux sornettes colportées par les religions révélées, l'objectif de sa majesté Hadès n'est point de faire régner sur la Terre la terreur et la haine, mais bien au contraire de la purifier du péché et de permettre à ses habitants de connaître enfin le bonheur...Oui, John, sa majesté Hadès ne veut que faire de la Terre un monde de paix et de joie, un monde lavé du Mal qui aura pour nom...Utopia !!"
Quand j'entendis ce nom, je crus que mon coeur allait lâcher. Je demeurai alors parfaitement immobile, les bras le long du corps, les pieds cloués au sol, ne laissant échapper de mes lèvres que quelques mots :
"U...U...Utopia..."
Ces mots n'échappèrent pas à Moloch :
"Ce nom vous dirait-il quelque chose ?"
Je tâchai de répondre, malgré l'état dans lequel je me trouvais :
"Oui...Oui...Je...Je me sou...souviens avoir enten...entendu ce...ce nom...a...après avoir...fait...fait un...un cauchemar...Une...Une voix m'a pa...parlé de...de ce...nom...Je...Je n'ai point compris..."
"C'est pourtant facile à expliquer, me répondit Moloch. De temps à autre, l'âme de sa majesté Hadès venait vous parler, de préférence dans votre sommeil, afin de vous préparer à votre glorieux destin !"
"Quoi !?"
"Vous commencez à comprendre, sourit mon sinistre vis-à-vis. Par ailleurs, et cela démontre l'intérêt que sa majesté vous porte, elle venait parfois se refléter dans votre regard...Comme si elle était pressée de faire de votre enveloppe charnelle son refuge...A ce sujet, je me rappelle d'une anecdote qui date du jour d'aujourd'hui...Alors que vous étiez pris à partie par deux chevaliers d'Athéna, l'âme de l'Empereur des Ténèbres est apparue dans votre regard !...Je ris encore en pensant à la tête qu'ont fait ces deux chevaliers ; quand ils ont aperçu les yeux de sa majesté Hadès, ils ont détalé comme des lapins ! Ha ! Ha ! Ha! Si c'est là le courage de la chevalerie d'Athéna, la victoire nous sera acquise fort aisément !"
Pendant que l'âme damnée d'Hadès riait, moi, je me trouvais de plus en plus mal. Je portai ma main à mon coeur, sentant qu'il se soulevait violemment...Lorsque j'avais vu Eon et Emma dans leur étreinte perverse, j'avais déjà failli vomir, mais cette fois-ci, je n'en étais plus très loin...Je tombai à genoux et restai dans cette position peu confortable pendant trente secondes, jusqu'à ce que je pris la décision de me relever et de dire à Moloch, d'une voix peu assurée :
"Ce...C'en est trop ! Moloch, je vous le répète ; jamais je ne serai la main armée du Dieu du Mal ! Notre conversation n'a que trop duré, je pars retrouver ma famille et mon précepteur, qui doivent être morts d'inquiétude à mon égard ! Adieu !!"
Je tournai le dos avec mépris au serviteur d'Hadès, qui ne me répondit point. Je marchai pendant cinq secondes d'un pas rapide, jusqu'à ce que je sentis une bourrasque de vent dans mon dos. Dans un ultime sursaut, je me raccrochai à un pan de mur et pensai :
"Dieu soit loué ! Je ne sais d'où vient ce vent, mais il est fort violent...!"
Ce fut alors que le vent redoubla ses efforts. Je me retins tant bien que mal au pan de mur, mais le vent n'était pas loin de prendre le dessus. Intrigué par un tel phénomène, je tournai la tête et vis Moloch, qui tendait la boîte ouverte dans ma direction. Je vis alors que c'était de la boîte que venait ce vent sorti de l'ordinaire...et je compris qu'il était l'oeuvre d'Hadès lui-même ! C'était Hadès qui agissait et qui tentait de m'attirer vers lui pour s'emparer de mon corps !
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Au même moment, non loin de Rodorio
Valnoy
Je pense avoir semé ces maudits gardes...Seigneur, pourquoi y'a-t-il encore tant de gens sur cette Terre qui se bornent à vénérer des icônes ? C'est une question à laquelle je n'ai malheureusement pas le temps de répondre...Il me faut retrouver John et le convaincre de revenir près de ses parents ! Après tout, demain, son calvaire prendra fin et il pourra de nouveau vivre comme un parfait chrétien !...Je crois que j'approche d'un petit village grec...Il faut que j'y aillle, peut-être y retrouverai-je John...
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Quelques dizaines de mètres en arrière
Les six gardes du Sanctuaire partis à la poursuite du précepteur de John semblaient essoufflés. Tout en courant, ils laissaient échapper quelques bribes de phrase :
"E...Ecoutez, vous...vous ne croyez pas qu'on devrait faire une pause ?"
"On...On ne peut pas...Il...Il faut retrouver ce vieux...ce vieux fou...sinon, on...on aura affaire à...à la colère du Grand Pope !...Et...Et je n'ai pas envie de la connaître!"
"Moi non plus !"
"Très bien...continuons !"
Et les six hommes de partir vers Rodorio, en dépit de la fatigue qui gagnait leurs corps.
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Le village de Rodorio
Le vent, ou plutôt l'attraction d'Hadès, exerçait sur John une pression de plus en plus forte. Le jeune homme, épouvanté à l'idée de devenir la nouvelle incarnation du Dieu des Enfers, tentait de se rattacher à son pan de mur, sa seule protection avant sa possession par l'Empereur des Ténèbres. De son côté, Moloch demeurait calme et souriant, conservant dans sa main gauche la boîte noire où se trouvait l'âme d'Hadès. Celle-ci se faisait plus pesante sur John, qui manqua à deux ou trois reprises de glisser, mais tint bon. Il regarda le ciel étoilé brièvement et pensa :
"Seigneur...Faites que je résiste, que je ne chute pas...Il ne faut pas que je devienne la marionnette d'Hadès...!"
Tout à coup, John vit une rangée verticale de vingt étoiles briller au-dessus de sa tête. Il n'eut pas le temps de chercher la signification de ce spectacle, car parallèlement, la pression exercée par Hadès redoubla d'efforts et le fils d'Etienne Roligny sentit qu'il allait tomber à terre. Il tâcha de se raccrocher au pan de mur, mais ne put qu'entendre ses ongles crisser sur la pierre avant de tomber à terre. Commençant à être pris de panique, John tenta de se traîner sur le sol poussiéreux pour échapper à Hadès et son âme damnée, mais à peine avait-il avancé qu'il se sentit violemment aspiré par l'âme du Dieu des Enfers. L'infortuné cria :
"Non ! Je...Je ne chuterai pas !...Je...J'échapperai à l'influence d'Hadès grâce à ma foi ! Il...Il est dit dans les Ecritures que la...la foi peut déplacer des montagnes !"
Cette affirmation de John fit sourire Moloch :
"Vous êtes bien naïf, John...Certes, la foi peut déplacer des montagnes, mais elle ne peut rien contre la volonté de Dieu !!"
Non ! protesta le jeune homme alors qu'il sentait qu'il était encore plus attiré vers l'âme de l'Empereur des Ténèbres. Je...Je ne reconnais pas votre Dieu, Moloch ! Je lui échapperai !"
Faisant tout les efforts possibles, John avança une main, puis l'autre, afin de gagner quelques centimètres loin d'Hadès, mais à peine avait-il rampé à deux reprises qu'une nouvelle pression s'exerça sur lui, le faisant pivoter sur le dos, puis l'attirant deux fois plus loin de l'endroit qu'il avait atteint. L'air affolé, John tenta de se retourner, mais fut encore plus attiré vers l'âme de l'Empereur des Ténèbres, sous le regard satisfait de son serviteur :
"C'est inutile, John...Sa majesté Hadès me l'a dit elle-même : nul n'échappe à son destin quand il est dicté par Dieu !"
"Non ! Ce n'est pas ce destin que Dieu a décidé pour moi !...Ce n'est pas ce destin que le Seigneur a choisi pour moi...!"
Le jeune homme fut de nouveau attiré vers l'âme du sombre monarque. Il n'avait même pas le temps d'apercevoir les patés de maisons qui l'entouraient, tant la puissance d'Hadès était forte. Tout à coup, alors qu'il n'était plus très loin de la boîte tenue par Moloch, John assista à un phénomène étrange : l'Univers sortit tout à fait du coffret et se mua en un visage au regard plein de lassitude. Le fils d'Etienne Roligny avait à peine commencé à comprendre ce qui se passait quand le visage lui parla de sa voix grave :
"John..."
John pâlit. Il avait reconnu la voix qui lui avait parlé avant le naufrage qui l'avait conduit au Sanctuaire et lui avait parlé dans son sommeil...la voix d'Hadès ! Le Dieu des Enfers continua de s'adresser au jeune homme :
"John...L'heure est venue..."
"Non...Hadès...Jamais je ne serai le refuge de ton âme !..."
"Tu ne peux échapper à ton destin...Celui qui t'est dicté par les étoiles...Celui qui t'est dicté par Dieu..."
La mine empreinte de terreur, John contempla l'âme de l'Empereur des Ténèbres pendant cinq secondes, avant de s'entendre dire :
"John...Désormais, tu m'appartiens !!"
Le jeune homme poussa un cri de terreur quand il se sentit décoller du sol et fut entraîné vers Hadès. Le visage de l'âme du Dieu changea de nouveau d'apparence et redevint l'Univers. John se sentit aspiré vers le Néant et redoubla ses cris.
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"J'avais beau crier, je continuais à être entraîné vers le fin fond de l'Univers. Mon esprit n'avait plus qu'Hadès comme occupation...J'ai continué à crier pendant une dizaine de secondes, quand...quand tout à coup, j'ai cru entendre une détonation dans ma tête et il m'a semblé que mon âme avait été dissoute, éparpillée, envolée dans le Néant..."
Le révérend Trevor frissonna en écoutant les paroles du jeune homme, qui marqua une pause avant de reprendre :
"Tout était achevé..."
John regarda le pasteur dans les yeux et lui dit :
"Je crois savoir ce que vous pensez, révérend...Vous pensez qu'une telle chose est impossible, n'est-ce pas ? Que quelqu'un comme moi ne pouvait être la nouvelle incarnation d'Hadès ?"
Trevor ne put qu'hocher la tête en guise d'approbation, ce à quoi John répondit :
"C'est pourtant parce que je suis quelqu'un comme moi qu'Hadès m'a choisi..."
Le silence flotta de nouveau dans la pièce pendant dix secondes, avant que le jeune homme ne reprît d'un ton grave :
"A partir de maintenant, révérend...la quasi-intégralité de cette histoire ne me met plus en scène, mais Hadès, l'Empereur des Ténèbres."
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Star Hill, dix secondes avant la possession de John par Hadès
Athéna et le Grand Pope continuaient à scruter les étoiles en silence, mais n'apercevaient rien d'anormal, hormis ces vingt étoiles alignées à la verticale et qui brillaient deux fois plus que d'ordinaire. Ils regardaient le ciel, quand tout à coup, le regard de la déesse fut attiré par une lueur vers l'horizon :
"Grand Pope ! Regardez !"
Une lumière intense, pleine de noirceur venait d'apparaître au loin, au coeur du village de Rodorio. Elle brilla pendant une vingtaine de secondes avant de s'éteindre subitement. Au-dessus de la déesse et de son représentant terrestre, la rangée des vingt étoiles brilla encore plus fort, ce qui n'échappa pas au Grand Pope :
"Athéna !!...Ces étoiles au-dessus de nous..."
"Elles ont brillé de nouveau au même moment où la lumière est apparue sous nos yeux, Grand Pope...C'est une énigme envoyée par les dieux, qu'il nous incombe de déchiffrer..."
La jeune fille se tut et regarda de nouveau vers le lointain d'un air ferme. Derrière elle, le Grand Pope contemplait la rangée des vingt étoiles dont le scintillement avait doublé de nouveau. Une pensée survint dans la tête du chef des chevaliers sacrés :
"J'ai peur de comprendre..."
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Le village de Rodorio
"Majesté Hadès ?"
Moloch se trouvait désormais près du corps étendu de John et faisait en sorte qu'il puisse se réveiller. Lorsque l'âme de l'Empereur des Ténèbres avait semblé entrer dans le corps du jeune homme, le choc avait été si violent qu'il avait contraint le vieil homme à reculer et à lâcher sa boîte. Puis, une lueur intense avait émergé, obligeant l'âme damnée du Dieu des Enfers à se couvrir les yeux pour ne pas perdre la vue. Vingt secondes après, Moloch avait constaté que la lumière s'était dissipée et que le fils d'Etienne Roligny gisait au sol. Et depuis une demi-minute, il tâchait de le faire sortir de son inconscience :
"Majesté Hadès ? C'est moi, Moloch, votre fidèle serviteur !"
Les efforts de Moloch ne furent toutefois pas vains. Quelques secondes après, l'âme damnée de l'Empereur des Ténèbres sentit que le corps de John se soulevait progressivement du sol, puis se relevait et se remettait tout à fait sur ses deux pieds. L'air vague, il regarda tout autour de lui et dit :
"Rodorio...Près du Sanctuaire..."
Cette voix perturba Moloch ; ce n'était pas la voix de l'Empereur des Ténèbres, mais celle de John !
"Non, songea le vieil homme. C'est impossible, ce John Roligny n'était qu'un simple mortel, jamais il n'aurait pu résister à l'emprise de sa majesté..."
"Moloch ?"
Cette interpellation sortit Moloch de ses pensées ; il se retourna et vit John lui dire de nouveau :
"Eh bien, Moloch, qu'il y a-t-il ? Pourquoi ne t'agenouilles-tu pas devant moi ?"
La voix qui s'adressait au serviteur du Dieu des Enfers était toujours celle de John, mais Moloch finit par sentir qu'il y avait quelque chose de changé chez le jeune homme. Cette impression fut confirmée quand il s'entendit dire sur un ton sévère :
"Moloch ! Qu'as-tu ? Agenouille-toi comme tu le fais d'habitude !!"
Cette fois-ci, le doute n'était plus permis. L'âme damnée de l'Empereur des Ténèbres poussa un soupir de soulagement, puis se prosterna devant John...ou plutôt Hadès :
"Oui...Votre majesté..."
"J'aime mieux te voir te comporter de la sorte, Moloch..."
"Veuillez excuser cette hésitation, majesté, mais je n'entendais pas votre voix, mais celle de ce jeune homme que vous aviez choisi pour être votre réincarnation..."
"Ce n'est pourtant pas anormal, répondit Hadès avec la voix de John. Cela fait à peine une minute que le corps de ce jeune homme est mien, il me faut donc m'y habituer..."
"Je comprends mieux...Dans tous les cas, je suis heureux de vous voir en possession d'un corps humain, majesté...A présent, vous allez pouvoir mener la Guerre Sainte contre Athéna !"
"Oui...Maintenant que les 108 Spectres se sont rangés à mes côtés et que le Sanctuaire est déboussolé, nous pouvons enfin commencer l'offensive qui aboutira à Utopia !..."
"John !?"
Intrigué, Hadès se retourna et aperçut une silhouette qui accourait vers lui. Il attendit à peine quelques secondes avant de pouvoir la distinguer, mais elle ne lui dit rien:
"Qui est cet individu ? Le connais-tu, Moloch ?"
"Nullement, votre majesté."
L'ignorance dans laquelle l'Empereur des Ténèbres et son âme damnée se trouvaient n'était pas anormale. Celui qui accourait dans leur direction n'était autre que le révérend Valnoy, qui était loin de s'imaginer tout ce qui venait d'arriver :
"John ! Je suis heureux de vous revoir ! Alors que je venais d'arriver à Rodorio, j'ai vu une lueur étrange partir du village ! J'ai cru qu'il vous était arrivé malheur !"
Hadès songea en écoutant les propos tenus par le pasteur :
"Voilà donc l'un de ces stupides humains...S'il savait ce qui est arrivé à ce jeune homme, il rebrousserait rapidement chemin !"
Ignorant tout des pensées du Dieu des Enfers, le révérend s'adressa à celui qu'il croyait être John :
"Je suis heureux de vous revoir, John...Vous devez être perturbé par tout ce qui s'est passé dans le Sanctuaire de cette déesse...Mais rassurez-vous, je vais vous ramener auprès de votre famille et nous pourrons partir d'ici demain...!"
"Non."
Le ton qu'Hadès avait employé était l'un des plus froids, il était particulièrement glacial. Ce qui surprit légitimement Valnoy :
"Comment ? Qu'avez-vous osé dire ?"
Le Dieu des Enfers répliqua avec la voix de John :
"J'ai dit que ce n'est pas un simple mortel, fût-il prêtre, pasteur ou je ne sais quoi d'autre qui me dictera ma conduite !"
La mine du pasteur se renfrogna :
"John ?! Seriez-vous devenu fou ?"
"Non, répondit Hadès, celui dont tu parles est désormais devenu un dieu !"
Ces mots, Valnoy ne put les supporter. Il hurla à la face de John , ou plutôt de son enveloppe charnelle possédée par Hadès :
"Immonde blasphème ! Comment pouvez-vous dire de telles choses, John ?...Tant pis, vous...vous m'obligez à faire quelque chose que je n'avais plus fait depuis votre petite enfance !"
Et sans crier gare, le révérend Valnoy administra au corps de John quatre à cinq soufflets. Moloch, qui s'était jusqu'alors tenu en retrait, fut horrifié par l'audace du pasteur :
"Arrête immédiatement !"
"Jamais de la vie ! répliqua le pasteur, qui n'avait guère fait attention au serviteur du fils aîné de Cronos. Pour avoir insulté Dieu, John doit payer ! Heureusement que ses parents n'ont pas entendu ces mots impies !"
Et Valnoy de donner sur le champ de nouveaux soufflets au corps du jeune homme, une chose qui fit trembler Moloch, qui implora le révérend :
"Mais tu te rends compte de ce que tu fais ?! Tu lèves la main sur Dieu !!"
Valnoy se retourna alors et, rouge de colère, s'adressa à l'âme damnée d'Hadès en ces termes :
"Comment !? Qui es-tu ? Serais-tu un idolâtre, comme ceux qui se trouvent au Sanctuaire d'Athéna ?"
"Point du tout, répondit Moloch en souriant. Je suis Moloch, au service de sa majesté Hadès, Empereur des Ténèbres et Dieu des Enfers !"
"Quoi ?! Ce...C'est encore pire...Je suis donc face à un suppôt du Malin ?"
Se sentant offensé, Moloch leva les mains vers le révérend Valnoy, quand Hadès l'arrêta :
"Ne le touche pas, Moloch...Il n'en vaut pas la peine...Pour le moment..."
Obéissant à son supérieur, Moloch baissa les bras, tandis que Valnoy en profita pour donner trois nouveaux soufflets au sombre monarque, qui répliqua :
"Stupide mortel...Tu ne fais qu'atteindre le corps de ce jeune homme..."
"Comment ça ?"
"Mon âme est désormais liée au corps du jeune John Roligny et ne peut plus s'en défaire...Mais si cela devait arriver, cela voudrait dire que ce jeune homme est parti dans l'autre monde !"
Intrigué par les paroles de l'Empereur des Ténèbres, le précepteur de John allait lui poser une question, quand il entendit des voix :
"On le tient !"
Valnoy se retourna et aperçut les six gardes du Sanctuaire qui s'étaient lancés à sa poursuite. Hadès n'eut aucun mal à les reconnaître grâce à leurs uniformes :
"Des gardes du Sanctuaire d'Athéna...Qu'ils sont stupides...On dirait qu'ils ont perdu toute prudence..."
Loin de se douter de tout ce qui venait d'arriver, les sentinelles du Sanctuaire accoururent vers le réverend Valnoy :
"Tu es fait ! A présent, rends-toi et suis-nous si tu tiens à la vie !"
Tout à coup, l'un des gardes aperçut celui qu'il croyait être John :
"Regardez ! C'est l'un des naufragés recueillis par le chevalier du Capricorne ! Il s'était enfui, lui aussi !"
"Dans ce cas, on va le ramener également ! Le Grand Pope sera content !"
"Je ne viendrai pas avec vous."rétorqua Hadès d'un ton posé.
La réplique du Dieu des Enfers surprit les gardes :
"Quoi ?! Attends un peu, tu vas venir de gré ou de force, bien que nous n'ayons pas envie de te faire du mal...!"
Tout à coup, les sentinelles virent quelqu'un se mettre entre elles et l'Empereur des Ténèbres. C'était Moloch. Le serviteur d'Hadès leva les mains vers les gardes du Sanctuaire et leur dit :
"Je ne vous laisserai pas toucher à sa majesté Hadès !...Mais le simple fait de l'avoir menacé vous vaudra votre condamnation à mort !...Power Lightning !!"
Aussitôt, sous les yeux abasourdis du révérend Valnoy, des éclairs rouges partirent des mains de Moloch et vinrent frapper violemment trois des six gardes, tandis que les autres eurent juste le temps de se cacher pour échapper à l'âme damnée de l'Empereur des Ténèbres. Quant aux autres, ils hurlèrent à la mort pendant une quinzaine de secondes, avant de tomber morts pour de bon.
Cachés non loin de Moloch, les trois rescapés tremblaient le long de tous leurs membres. L'un d'eux souffla :
"Je...Je reconnais cette attaque !...Elle...Il paraît qu'elle a dévasté dix des nôtres hier soir !"
De son côté, Valnoy, frappé par la surprise, mit dix secondes avant de s'adresser au serviteur d'Hadès en ces termes :
"Que...Quel est donc ce pouvoir démoniaque ?"
Moloch répliqua en fronçant les sourcils :
"Ce pouvoir démoniaque, comme tu le dis si mal, est un don que j'ai obtenu quand j'ai juré fidélité à sa majesté Hadès ! Il me permet d'envoyer des éclairs dont la tension pourrait même neutraliser un chevalier sacré !"
Le précepteur de John serra les dents :
"Blasphème...Adorateur du diable...Je...Je m'occuperai de toi plus tard...Pour l'instant, je vais ramener John au Sanctuaire, de gré ou de force !"
Hadès répliqua :
"Je te l'ai pourtant dit ; un simple mortel ne peut commander à Dieu !"
Plus outré que jamais, le pasteur envoya quatre à cinq soufflets au visage de John, ce qui provoqua la colère de Moloch, qui s'apprêtait à foudroyer Valnoy, quand le sombre monarque l'arrêta :
"Moloch !"
"Votre majesté ?"
"Ne le touche pas...pour le moment...Je veux laisser à ce mortel le temps de comprendre son malheur..."
"John ! Réveillez-vous ! Il faut que le démon qui s'est emparé de vous sorte de votre corps !"trépigna Valnoy à moitié.
Affichant un curieux sourire, Hadès rétorqua :
"Trépigne, enrage, fulmine tout ton soûl, stupide mortel...Quand le sursis que je t'ai accordé dans ma bonté prendra fin, tu n'en auras plus l'occasion..."
L'Empereur des Ténèbres passa sa main dans son cou et en tira un pendentif, qui n'était autre que la croix huguenote que John portait sur lui. Le fils aîné de Cronos soupira :
"Stupides hommes...Comme si cela ne leur suffisait pas de se rattacher à un chimérique paradis, voilà qu'ils en viennent à porter des parures symbolisant leurs croyances futiles !"
Révolté par ces propos qu'il estimait injurieux à l'égard du christianisme, Valnoy allait de nouveau fulminer contre celui qu'il prenait pour le fils des époux Roligny, quand une voix se fit entendre :
"Ne bougez plus !!"
Intrigués, le précepteur de John et l'âme damnée d'Hadès se retournèrent et eurent une surprise. Ils avaient devant eux une dizaine d'hommes armés de fusils et portant tous un uniforme marqué par l'influence turque. Les trois gardes du Sanctuaire qui étaient parvenus à échapper au Power Lightning de Moloch ne mirent guère de temps à identifier ces nouveaux venus :
"Ce...Ce sont les soldats du sultan ! Il ne manquait plus que ça !"
Moloch observa attentivement les dix hommes et songea :
"J'étais loin d'imaginer que la renaissance de sa majesté prendrait des airs de célébration grandiose !"
Puis, tout haut :
"A qui ai-je l'honneur ?"
L'un des soldats lui répondit avec un fort accent turc :
"Nous sommes les serviteurs dévoués de Mahmud 1er, Sultan de l'Empire et Commandeur des Croyants ! Nous faisons régner l'ordre au nom d'Allah le Miséricordieux et de son Altesse !"
Valnoy était tétanisé devant les dix sentinelles, tant il craignait de finir dans une geôle ottomane, tandis qu'Hadès n'avait pas bronché. Le soldat turc poursuivit :
"Nous veillions au respect du couvre-feu quand nous avons entendu du grabuge dans cette rue ! Qui êtes-vous ?"demanda-t-il à Moloch.
Le serviteur du Dieu des Enfers répondit en souriant :
"Je suis enchanté de faire votre connaissance. Je suis Moloch, serviteur dévoué de l'Empereur des Ténèbres, sa majesté Hadès !"
A ces mots, les soldats blémirent d'horreur, puis l'un d'entre eux cria :
"Horreur ! Malheur ! Blasphème ! Infamie ! Cet homme est un infidèle et un païen !"
"Insultez-moi autant que vous le voudrez, répondit narquoisement Moloch, mais cela ne changera rien à votre futur sort !"
"Je te conseille de mesurer tes paroles, insolent ! répliqua le soldat ottoman. Rends-toi et viens abjurer ta foi impure, et peut-être auras-tu la vie sauve!"
"Vous rêvez, pauvres imbéciles ! Croyez-vous que je vais me mettre à adorer un Dieu qui vous fait croire bêtement que vous aurez droit à soixante-dix vierges après la mort ?"
"C'en est trop, infidèle ! hurla le meneur du groupe. Soldats ! Apprêtez armes !"
Moloch soupira :
"Les braves imbéciles ! S'ils sont si fatigués de vivre, autant exaucer leur voeu !"
L'âme damnée de l'Empereur des Ténèbres tendit les mains vers les serviteurs du sultan Mahmud 1er, qui obéirent à un nouvel ordre de leur chef :
"En joue..."
Bien décidé à ne pas les laisser prendre les devants, Moloch commença à pousser son cri d'attaque :
"Power..."
Tout à coup, une déflagration d'énergie surgit dans la ruelle et balaya en une seconde les dix soldats, qui n'eurent pas le temps d'appuyer sur la gâchette de leurs fusils et moururent avant de retomber au sol. Hadès, Moloch, Valnoy et les trois gardes survivants regardaient ce spectacle avec des yeux intrigués :
"Que...Que s'est-il passé ?"dit simplement le précepteur de John.
Soudain, au milieu des débris et des cadavres, une ombre surgit. Valnoy fut le premier à l'apercevoir et faillit mourir sur place. C'était l'ombre d'une créature dont la tête possédait deux cornes, qui avait de grandes ailes et des épaules de taille importante, ainsi que des pieds griffus. Le pasteur croyait tout bonnement voir l'Antéchrist en personne, voire même Satan, tandis que les trois derniers gardes du Sanctuaire, derrière leurs refuges, étaient tétanisés par la peur et sentaient que leur rythme cardiaque s'accélérait anormalement. Finalement, l'ombre monstrueuse commença à marcher tout en parlant :
"Seigneur Moloch, il n'était pas nécessaire que vous preniez la peine d'éliminer ces faibles hommes qui voulaient porter atteinte à la vie de sa majesté et à la vôtre...Je pouvais aisément m'en charger seul, comme vous venez de le constater..."
Alors que l'étrange créature venait de finir de parler, elle sortit de l'ombre et se dévoila au grand jour. C'était un homme de grande taille, aux longs cheveux noirs et aux yeux mauves, et qui portait une singulière armure noire, grise et pourpre dont l'emblème était un hybride de serpent et de dragon, pareil à la Vouivre, un monstre légendaire terrifiant. C'était le port de cette armure qui avait induit en erreur le révérend Valnoy. De son côté, Hadès affichait un sourire tranquille, tandis que Moloch, qui venait d'identifier celui qui avait anéanti les dix soldats, lâcha d'un air ravi :
"Ah...Ce n'était que toi...Rhadamanthe !!"
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Le royaume de Skygard
Malgré le froid opiniâtre, Harald restait en dehors du palais, contemplant la nuit étoilée et faisant face aux vents glaciaux de Skygard, qu'il avait pris l'habitude d'affronter en vingt ans d'existence, dont quatorze au palais, pour servir le roi Norst. Il regardait les étoiles, l'air pensif :
"Ainsi donc, son Altesse est déterminée à laisser s'accomplir le cours des choses...Quel dommage...Et le désarroi qui l'a envahi quand je lui ai demandé si plus rien ne le retenait à la vie...Altesse...Quels secrets pouvez-vous cacher..."
Soudain, un phénomène étrange se produisit sous les yeux du meilleur guerrier de Skygard. Vingt étoiles, alignées à la verticale, étincelaient plus intensément que toutes les autres, contraignant Harald à baisser les yeux. Elles brillaient encore quand le jeune guerrier décida d'agir :
"Ce phénomène n'est pas ordinaire...Il faut que j'aille avertir le roi Norst !"
Malgré le vent et la neige qui s'arrangeaient pour le ralentir dans sa course, Harald parvint en deux minutes jusqu'au palais du roi. Mais lorsqu'il voulut pénétrer dans la salle du trône, deux gardes le retinrent :
"Vous ne pouvez pas passer !!"
"Comment ? C'est insensé, je dois parler à son Altesse, quelque chose de grave va peut-être arriver !..."
"Son Altesse est en train d'être mise au courant, ne t'en fais pas..."
Intrigué, Harald fit un demi-tour sur lui-même et aperçut Rasling, le chancelier de Skygard, qui dit au guerrier :
"Personne ne peut entrer dans la salle du trône ; son Altesse est avec les devins du royaume...Que voulais-tu lui dire, Harald ?"
Harald souffla quelques secondes avant de répondre :
"Excellence, j'ai vu dans le ciel vingt étoiles briller anormalement, deux fois plus que les autres ! Par ailleurs, elles étaient parfaitement alignées à la verticale ! Je n'y comprends rien !"
Le visage du chancelier devint sombre :
"Ce phénomène n'est pas difficile à expliquer, Harald...C'est tout simplement l'annonce stellaire de la prochaine réalisation totale de la prophétie..."
"Comment ça ?"
"Souviens-toi des deux premiers vers, Harald : "Quand l'angle zéro l'étoile polaire atteindra/De sa noire prison le Mal sortira." Ils se sont réalisés la veille. Restent les deux derniers : "Et de la pierre sanguinaire il s'emparera/Tandis qu'à jamais Skygard sombrera." Ceux-ci ne tarderont pas à s'accomplir...Cela peut arriver aussi bien demain que dans trois jours...Tu le sais depuis peu, Harald, Skygard sera attaqué demain par les forces de l'Empereur des Ténèbres, une offensive qui se traduira par la réalisation effective des deux derniers vers...Je n'ai plus rien à te dire sur ce sujet, Harald...Tu peux disposer..."
Rasling tourna alors le dos au guerrier qui, après être resté en plan quelques secondes, se décida à gagner ses appartements, non sans songer à l'avenir :
"Alors Skygard vivrait ses dernières heures...Le roi Norst et le chancelier Rasling semblent se résigner à ce fait...Mais je ne peux toujours pas l'accepter ! Je suis peut-être jeune et insouciant, comme le prétendent son Altesse et son Excellence, mais je n'en reste pas moins animé par l'amour de ma patrie ! Et cet amour-là me dit de rester debout et de me préparer à combattre jusqu'à ce que je rende mon dernier souffle !"
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Près de l'arène du Sanctuaire
Au milieu de la nuit étoilée, Véga de la Lyre, les yeux fermés, jouait une splendide mélodie, bien que plus mélancolique que d'accoutumée. Cette mélodie était si enchanteresse qu'elle aurait attiré n'importe qui se trouvant près du chevalier d'argent, mais comme l'arène était déserte à ce moment-là, elle n'attira que deux jeunes garçons, qui n'étaient autres que Tomas et Tamen, les disciples de Véga. Le chevalier de l'Hydre Femelle dit à son mentor :
"Maître...C'est...C'est magnifique ! Je crois que c'est là votre plus belle composition depuis que Tomas et moi sommes vos élèves !"
Mais Véga répondit avec un étrange sourire :
"Je te remercie pour le compliment, Tamen...Mais malheureusement, ce n'est pas moi qui en suis le compositeur...Je ne suis qu'interprète de cette oeuvre..."
Le chevalier de la Lyre joua de son instrument pendant une trentaine de secondes, jusqu'à ce que Tomas lui demandât :
"Maître...Quelle est cette oeuvre et qui vous l'a apprise ?"
"Eh bien, cette oeuvre est..."
Tout à coup, un éclair traversa l'esprit du chevalier d'argent. Celui-ci resta immobile pendant dix secondes, puis Véga, d'ordinaire décontracté, devint étrangement soucieux, ce qui n'échappa nullement à ses deux disciples :
"Maître...Que...Que vous arrive-t-il ?"
Les chevaliers de l'Hydre Mâle et de l'Hydre Femelle durent attendre encore une dizaine de secondes pour que leur mentor leur dise, l'air inquiet :
"Suivez-moi..."
"Quoi ?!"
"Suivez-moi, nous allons nous réfugier dans la maison du Sagittaire ! Nous serons en sécurité auprès de maître Philoctète, j'ai...j'ai un mauvais pressentiment..."
"Quoi donc, maître ?"
"Je ne puis vous en dire plus, ne perdons pas de temps ! Dépêchons-nous !"
Les deux chevaliers de bronze étaient fort perplexes devant le changement d'attitude du chevalier de la Lyre, mais ne voulant pas le contrarier, ils se mirent à courir avec lui pour rejoindre la neuvième maison du Zodiaque.
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Le village de Rodorio
Le révérend Valnoy et les trois gardes survivants ne pouvaient plus dire un seul mot. Après la découverte de John possédé par Hadès, les pouvoirs de Moloch et l'arrivée des dix soldats ottomans, l'apparition d'un homme du nom de Rhadamanthe les avaient obligés à se taire, à la fois par peur et par stupeur. Celui qui devait probablement être un guerrier de l'Empereur des Ténèbres s'avança vers ce dernier, ôta son casque cornu et se prosterna tout en se présentant :
"Rhadamanthe de la Vouivre, spectre de l'étoile céleste de la destruction et Juge des Enfers, pour vous servir, majesté Hadès."
Le Dieu des Enfers sourit lentement avant de répondre :
"Je suis heureux de te revoir, Rhadamanthe, deux cent cinq ans après ma dernière défaite contre Athéna...Que me vaut cette visite ?"
Toujours prosterné, le juge répondit :
"Voyez-vous, votre majesté, après le départ du seigneur Moloch, moi et les autres Juges pensions que vous ne tarderiez plus à vous incarner de nouveau dans un corps humain et qu'il était nécessaire de se présenter à vous pour renouveler notre serment de fidélité. Mais, étant donné qu'il fallait que deux Juges restent pour gérer les troupes, nous nous sommes concertés, moi, Minos et Eaque, pour savoir qui viendrait vous rendre hommage. Après une discussion rapide, j'ai été désigné pour vous assurer que les trois Juges des Enfers se battraient jusqu'à la mort pour vous, votre majesté."
"Vous avez bien fait, fit Hadès. Je ne saurais douter de la dévotion de mes plus puissants guerriers, qui ont aussi comme charge de juger les morts pour tous les péchés qu'ils ont commis de leur vivant !"
"Vos paroles s'avéreront judicieuses, votre majesté, répliqua Rhadamanthe. Quand repartons-nous pour les Enfers ?"
"Nous n'allons pas tarder à le faire..."
A ces mots, le révérend Valnoy protesta de vive voix :
"Il n'en est pas question, John ! Je saurai faire en sorte que vous expulsiez le démon qui est en vous !"
Le Dieu des Enfers soupira :
"Pauvre mortel...Tu n'as donc toujours pas compris que ce jeune homme dont tu avais la charge n'est plus ? John Roligny a été élu au XVIIIème siècle pour être ma réincarnation, à moi, Hadès !"
"Je ne crois nullement à ces mensonges ! fit Valnoy, plus exalté que jamais. John est autant la réincarnation du Dieu du Mal que Jésus-Christ est l'époux de Marie-Madeleine !"
A ces mots, Hadès laissa apparaître un large sourire, avant de lâcher, les yeux clos :
"Vraiment ?"
Il râcla ensuite sa gorge à trois reprises, avant de répondre :
"Dans ce cas, il va te falloir réviser tes convictions, pauvre mortel..."
La réplique de l'Empereur des Ténèbres cloua le précepteur de John sur place ; ce n'était pas la voix du fils d'Etienne Roligny qui lui avait répondu, mais une voix plus grave et plus mélancolique. Dans la foulée, une aura sombre vint entourer le corps du jeune homme, sous les yeux attentifs de Moloch et Rhadamanthe et sous le regard anxieux du révérend Valnoy :
"Que...Quelle est cette aura ?...Elle...Elle est chargée d'une puissance surhumaine !...Mais ?!"
Le pasteur s'interrompit dans son court monologue, car un évènement intattendu venait de le paralyser de terreur. En effet, sous ses yeux, les cheveux noirs de John changeaient de couleur...Ils devenaient rouge sombre !
"Que...Quelle est cette diablerie ? Qu'est-ce que cela veut dire ?..."
De nouveau, Valnoy s'interrompit. Hadès venait de rouvrir les yeux...et ils n'étaient plus ceux de John ! Ils étaient devenus bleus, vitreux et sans pupilles ! Malgré la peur qui l'habitait, le précepteur du jeune homme put entendre l'Empereur des Ténèbres lui répondre :
"Cela veut tout simplement dire que, désormais, le corps de John Roligny est entièrement le mien ! De la tête aux orteils ! Si tu espérais encore retrouver le John que tu as connu, il va maintenant te falloir y renoncer !!!"
Dans la foulée, Hadès arracha sans ménagement la croix huguenote qui pendait à son cou et la jeta à terre, pour marquer la fin définitive de John Roligny. La peur qui habitait le pasteur céda la place à une horreur indicible ; Valnoy n'eut même pas la force de mettre la main sur son coeur pour l'entendre battre plus que d'ordinaire. En revanche, la nouvelle de la renaissance d'Hadès provoqua chez Moloch une joie immense :
"ça y est !! Sa majesté Hadès a ressuscité enfin ! Plus rien ne pourra nous empêcher de vaincre Athéna et ses chevaliers !! Utopia va enfin pouvoir naître ! Ha ! Ha! Ha ! Ha !"
De son côté, Rhadamanthe fut beaucoup moins expressif que l'âme damnée du fils aîné de Cronos ; tout au plus se contenta-t-il d'afficher un sourire discret, bien qu'il fût tout autant ravi que Moloch de la renaissance de son Empereur. Ce dernier déclara alors de sa voix grave, qui était bien la sienne :
"A présent, je n'ai plus rien à faire ici...Moloch, Rhadamanthe, suivez-moi, nous rentrons au royaume des Morts..."
Mais le révérend Valnoy ne l'entendait pas de cette oreille :
"Il n'en est pas question, démon ! Je ne te laisserai pas repartir !"
Paraissant enragé, le pasteur se jeta sur Hadès et lui asséna trois à quatre soufflets...avant de se faire saisir à la gorge par le Dieu des Enfers lui-même. L'air inquiet, Valnoy regarda Hadès ; l'Empereur des Ténèbres n'avait pas froncé les sourcils, mais sa voix, bien que paisible, n'en était pas moins mécontente :
"Jusque là, dans ma bonté, je n'ai point réagi quand tu m'as frappé...Mais, à présent que je suis l'entier propriétaire du corps de ce jeune homme, je ne serai plus aussi magnanime..."
Sur ces entrefaites, Hadès commença à accroître son emprise sur le cou du pasteur, qui commençait à avoir des difficultés pour respirer.
"D'un autre côté, je resterai généreux : pour avoir osé levé la main sur moi, tu mérites une punition exemplaire, mais je me contenterai de te la faire porter à toi seul, et non à ta descendance et ton entourage, comme je l'ai fait en 1538 envers le royaume impie de Skygard..."
Valnoy n'eut pas l'occasion de se demander ce que voulait dire le Dieu des Enfers, car il sentait que la vie n'allait pas tarder à le quitter. Il put toutefois entendre Hadès lui demander :
"Crois-tu en la vie après la mort, stupide mortel ?"
Valnoy ne put répondre.
"Qu'importe, poursuivit l'Empereur des Ténèbres, tu ne tarderas pas à savoir si tu avais raison ou tort..."
Hadès accentua alors son emprise sur le cou de Valnoy, jusqu'à ce qu'un craquement d'os se fit entendre. Valnoy tomba à terre, la tête inclinée sur le côté, la nuque en sang et le regard livide. Il avait cessé d'exister. Le Dieu des Enfers regarda son cadavre d'un air distant, avant de lâcher :
"Tiens donc ! Il avait une bourse sur lui !"
Hadès prit la bourse du corps du pasteur, puis la tâta :
"Elle est pleine...tant mieux !"
Il en tira alors une pièce d'argent, qu'il plaça dans la bouche du cadavre, ce qu'eut du mal à comprendre Moloch :
"Votre majesté, pourquoi voulez-vous offrir une sépulture à ce mécréant qui a osé lever la main sur vous ?"
La réponse du fils aîné de Cronos fut sans équivoque :
"Je veux qu'il arrive aux Enfers, pour qu'il y soit châtié comme il se doit...Rhadamanthe, arrange-toi pour qu'il soit enseveli..."
Le spectre de la Vouivre fit quelques pas et, d'une seule main, creusa le sol pour que le cadavre du révérend Valnoy y fût déposé. Quand la profondeur de la sépulture fut jugée suffisante, Rhadamanthe donna un violent coup de pied au corps, qui tomba dans la fosse. Le Juge des Enfers replaça les monceaux de terre grâce à son cosmos, couvrant totalement le corps du pasteur.
"Ce n'est pas la peine de lui faire une oraison funèbre, il ne le mérite pas !"précisa Hadès.
De leur côté, les trois gardes ayant survécu au Power Lightning de Moloch s'étaient raidis depuis la possession définitive de John par le fils aîné de Cronos. Ils chuchotèrent entre eux, pour ne pas se faire remarquer :
"Que...Qu'allons-nous faire ?"
"Il...Il faut...faut prévenir le Grand Pope, la Terre est en danger !"
"Alors, il...il faut faire vite et discrètement ! Dépêchons-nous de...de revenir au Sanctuaire !"
"Oui...allons-y !"
Sortant prestement de leur refuge de fortune, les trois sentinelles commencèrent à accélérer...mais se heurtèrent rapidement à un obstacle. Croyant d'abord avoir eu affaire à un mur, les gardes levèrent lentement leurs têtes, avant de se rendre compte qu'ils s'étaient trompés :
"Quoi ?!"
C'était Rhadamanthe qui les avait arrêtés :
"Puis-je savoir ce que vous avez l'intention de faire ?"
Tentant de surmonter leur peur, les gardes répliquèrent :
"Nous allons retourner au Sanctuaire et ce n'est pas toi qui vas nous en empêcher !"
"Si tu essaies de nous barrer la route, il t'en cuira !"
Pour toute réponse, le spectre de l'étoile céleste de la destruction leva la main et, en un éclair, pulvérisa les lances des trois infortunés gardes. Il leur lança dans la foulée :
"Imbéciles ! Je ne vais pas perdre de temps avec des misérables qui ne sont même pas des chevaliers sacrés !...GREATEST CAUTION !!!"
Les trois gardes eurent à peine le temps de voir la silhouette de la Vouivre derrière Rhadamanthe avant d'être balayés par son attaque et de retomber au tapis. Ils ne mirent guère de temps à rendre l'âme.
"Voilà ! Il n'y aura pas d'autres témoins de votre renaissance, à part moi et le seigneur Moloch, votre majesté !"
"Soit, dit Hadès. Nous pouvons repartir pour le royaume des morts, mais...avant cela, j'aimerais offrir un présent..."
"Un présent ? A qui ?"demanda Moloch.
Pour toute réponse, l'Empereur des Ténèbres croisa les bras, faisant apparaître derrière lui une aura sombre, puis leva les bras et fit voler dans les airs une énergie de couleur noire, qui se dirigeait vers un endroit que le Dieu des Enfers abhorrait :
"Quand cela arrivera au-dessus du Sanctuaire d'Athéna, cette stupide déesse et ses chevaliers sauront que j'existe...pour leur malheur ! Bien, ne perdons plus de temps, j'ai besoin de me reposer dans la Giudecca avant le début des hostilités..."
Ne cherchant pas à se poser plus de questions sur la nature de l'énergie lancée par Hadès, Moloch et Rhadamanthe le suivirent vers l'entrée des Enfers, laissant derrière eux les cadavres du révérend Valnoy et des six gardes partis à sa poursuite.
************
"John ?"
"Oui, révérend ?"
"Vous...Vous ne m'aviez pas dit que vous aviez tué votre précepteur...Vous m'aviez dit que vous aviez tué vos parents et déclenché une éclipse sous l'influence d'Hadès, mais vous ne m'aviez rien dit au sujet de Jean...Quel dommage pour lui, c'était un pasteur exemplaire, dévoué à l'Eternel...J'espère qu'il repose en paix désormais..."
Le révérend Trevor se tut un instant avant de reprendre :
"John, pourquoi m'avoir dit que vous aviez tué vos parents, mais en me cachant le fait que vous aviez tué votre précepteur, même sous l'influence de ce monstre d'Hadès ?"
Le jeune homme ne mit guère de temps avant de répondre :
"Parce que ce n'est pas moi qui ai tué le révérend Valnoy, mais Hadès..."
Un sombre sentiment commença à apparaître dans le coeur de Trevor, mais ce dernier n'eut pas l'occasion d'y penser plus longtemps ; John venait de reprendre son récit :
"Pendant ce temps-là, l'énergie envoyée par Hadès se dirigeait vers le Sanctuaire à une vitesse surhumaine. Elle se retrouva au-dessus de lui en moins d'une minute et commença à exercer son influence négative...De violentes rafales de vent chargées d'électricité se répandaient dans les environs, affolant les gardes, qui parfois allaient jusqu'à quitter leurs postes, tant ils avaient peur...Elles flottaient également près de la maison de mes parents et des douze maisons du Zodiaque..."
************
La demeure provisoire des Roligny
"Etienne ! Regardez !"
Catherine avait subitement cessé de prier et regardait désormais avec son époux les rafales de vent qui tournaient autour de leur abri. Le père de John ne put que lâcher :
"Mon aimée...Vu les circonstances, il nous est impossible de sortir...Mieux vaut rester à l'abri..."
"Mais, et John...?"
L'air grave, Etienne répliqua :
"Son sort est entre les mains de l'Eternel, désormais...Nous ne pouvons plus que prier pour qu'il soit sain et sauf..."
Après quelques secondes de silence, Catherine acquiesça en hochant la tête et se remit à prier avec son mari. Mais elle priait la tête baissée, pour qu'Etienne ne puisse pas voir les larmes qui coulaient de ses joues et tombaient sur le plancher.
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La maison du Bélier
Shion avait rapidement aperçu les rafales de vent générées par l'énergie d'Hadès. Par acquis de conscience, il avait préféré reculer et se tenir à l'écart des ennuis. Se rendant compte de la situation critique qui se profilait à l'extérieur, son disciple Panti lui demanda :
"Maître Shion ? Que...Que se passe-t-il ?"
Le chevalier du Bélier soupira :
"Rien de bon...Tout cela m'incite encore plus à rester surveiller la demeure du Bélier, bien que je m'inquiète encore pour John..."
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La maison du Taureau
Les bras croisés, Shad restait debout, le regard ferme, comme s'il ne redoutait pas les bourrasques qui entouraient sa maison. Le comportement du chevalier d'or attira l'admiration de ses élèves :
"Maître Shad m'impressionne ! murmura Hérodote. Des vents violents menacent la maison du Taureau et les autres demeures du Zodiaque et malgré ça, il ne bouge pas !"
"Cela ne m'étonne guère, chuchota Boniface. Avec son gabarit, ce n'est pas cette bise qui va l'intimider !"
Toutefois, malgré son apparence paisible, le chevalier du Taureau était moins serein qu'il n'en avait l'air :
"Tous ces vents qui entourent le Sanctuaire...J'ai bien l'impression que c'est une attaque plus terrible que celle envoyée par l'ennemi la nuit dernière..."
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La maison des Gémeaux
Bosching tournait en rond, l'air nerveux, ce qui n'échappa pas à ses disciples :
"Etes-vous inquiet, maître ?" lui demanda Socrate de la Boussole.
"Comment pourrais-je ne pas l'être ? Hier soir, l'ennemi n'attaque pas vraiment, maintenant, les conditions climatiques se dégradent ! J'ai de bonnes raisons de penser que le grand combat approche, alors, dans ce cas, il faudra se préparer à combattre le Mal sans merci ! Avez-vous compris ?"
"Oui, maître !"
Tous les disciples du chevalier des Gémeaux n'avaient pas répondu. Omar de Persée, qui avait encore dans la tête le regard froid de John, n'arrivait pas à se détacher de cette sombre image.
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La maison du Cancer
"Maître Vittorio !"
Le chevalier du Cancer, qui jusque là contemplait gravement l'environnement extérieur à sa demeure, se retourna aussitôt. Il reconnut son élève le plus discret, Nessos, chevalier d'argent de la constellation du Centaure.
"Que me veux-tu, Nessos ?"
"Maître, que voyez-vous dans ces vents ?"
"Tu le sais, Nessos, je ne suis pas un devin, je ne peux avoir que des pressentiments vagues...D'ailleurs, contrairement à ce que je pensais, le Sanctuaire n'a pas été attaqué hier soir..."
"Dites-moi quand même ce que vous voyez dans ces violentes rafales, maître..."insista Nessos.
Vittorio poussa un soupir, puis répondit :
"Eh bien, Nessos...J'ai l'impression que nous ne tarderons pas à nous rendre sur le champ de bataille pour y affronter l'Empereur des Ténèbres et ses sbires..."
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La maison du Lion
La mine tendue, les poings fermés, Daniel regarda le Sanctuaire, désormais en proie à de violentes rafales. Joseph de l'Aigle, qui était arrivé dans la cinquième maison du Zodiaque il y a quelques instants, demanda à son mentor :
"Maître !"
"Oui, Joseph ?"
"L'Empereur des Ténèbres serait-il en train d'attaquer le Sanctuaire ?"
Le chevalier du Lion répondit quelques secondes plus tard :
"Pas encore, mais je sens que le moment où nous devrons nous battre approche...Notre destin repose désormais entre les mains de l'Eternel, mes disciples...J'espère juste que les chevaliers de bronze et d'argent ont pu s'abriter hors du danger..."
"Apparemment, Enrique et d'autres chevaliers de bronze sont parvenus à se tenir à l'écart, répliqua Cristobal. Mais je n'ai toujours aucune nouvelle d'Emma..."
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La maison de la Vierge
"Maître Gautama !!"
Thérava accourait vers le fond de la sixième maison du Zodiaque, afin d'avertir son mentor. Il avait en effet vu les rafales de vent menacer la maison de la Vierge, et, inquiet, avait décidé de prévenir Gautama. Mais quand le chevalier du Paon finit par trouver son maître, il le trouva en méditation, prenant la position du Lotus et couvert d'un intense halo doré. Son inquiétude étant la plus forte, Thérava commença à s'adresser à son maître :
"Maître Gautama..."
"Thérava, je te prie de ne pas me déranger, je suis fort occupé..."
"Mais à quoi ?"
Seul le silence lui répondit. Le chevalier d'argent réfléchit quelques instants avant de reprendre :
"Alors, maître, vous...?"
"Oui, tu as parfaitement compris..."
"Mais de quoi vous parle-t-il ?"
"De choses très importantes...Encore plus importantes que tu ne l'imagines, mon disciple...A présent, laisse-moi, je dois poursuivre seul cette conversation..."
Surpris, mais ne voulant pas discuter les ordres de son maître, Thérava hocha la tête, puis repartit vers l'entrée de la maison de la Vierge. Faisant face aux vents, il songea :
"Maître Gautama...J'ai du mal à vous comprendre...La nuit dernière, vous ne m'aviez rien dit de précis sur l'attaque menée par les soldats de l'Empereur des Ténèbres...Et maintenant, alors que le Sanctuaire est en proie à une violence tempête et que ses habitants commencent à être pris de panique, vous...vous conversez avec Dieu ? Je ne vous comprends pas, maître, malgré toute l'estime que j'ai pour vous..."
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La maison de la Balance
Dohko était soucieux. Alors qu'il continuait à se poser des questions sur la probable disparition de John, voilà que l'environnement proche de sa demeure était encerclé par une violente tempête. Le chevalier de la Balance s'appuya sur l'une des colonnes de la septième maison du Zodiaque et pensa à ce jeune homme qu'il avait commencé à connaître :
"John...Quelles sont les raisons qui ont pu te pousser à fuir le Sanctuaire ? Et maintenant, Dieu seul sait où tu es...J'espère que cette tempête qui menace le Sanctuaire ne t'a pas emporté...Pourvu qu'elle cesse bientôt..."
Soudain, le jeune Chinois entendit des bruits de pas derrière lui. Il n'eut même pas à se retourner pour deviner que son cousin Sun, le jeune chevalier du Dragon, l'avait suivi discrètement.
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La maison du Scorpion
Diomède tournait en rond depuis un certain temps. Après avoir vu de loin une rangée de vingt étoiles briller anormalement dans les cieux, il avait commencé à être saisi par l'inquiétude. Puis, quand il avait vu la tempête gagner le Sanctuaire, il avait pressé ses deux disciples, Ambroise du Serpentaire et Brundle de la Mouche, de partir prévenir les chevaliers de bronze présents dans les environs, afin qu'ils se mettent à l'abri. Et plus récemment encore, il avait vu passer deux chevaliers de bronze et un d'argent dans sa demeure, dont Véga de la Lyre. Tournant en rond, il songeait :
"J'ai l'impression d'être revenu au même point qu'il y a dix ans, sur l'île de Milo, la veille de l'épreuve que je devais passer pour gagner l'armure du Scorpion ! Quelle peut bien être cette agitation qui gagne le Sanctuaire ?"
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La maison du Sagittaire
"Maître Philoctète !!"
Véga accourait, suivi en cela par ses deux disciples. Le chevalier de la Lyre remarqua rapidement que non seulement Philoctète se trouvait dans sa demeure, mais qu'il avait aussi conseillé ses disciples et les disciples de ses disciples de venir dans sa maison. Véga sourit devant la présence d'esprit de son mentor :
"Vous avez bien fait, maître !"
"C'était tout naturel, Véga...Je ne pouvais me permettre de laisser mes disciples face au danger..."
"Au danger, chevalier du Sagittaire ?"demanda Bret de la Grand Ourse, disciple de Tellos d'Héraclès.
"La Guerre Sainte va commencer pour de bon, Bret, répliqua catégoriquement le chevalier d'or. Athéna et ses chevaliers vont enfin lutter contre les forces du Mal..."
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La maison du Capricorne
Tandis que Calchas était parti prévenir quelques chevaliers de bronze et qu'Arkantos se reposait plus loin, Felipe, le gardien de la maison du Capricorne, se tenait debout face à un paysage mouvementé. Le disciple du serviteur le plus dévoué d'Athéna songea :
"La nuit dernière, après la bataille, le Grand Pope m'avait confié ses doutes face aux méthodes employées par l'Empereur des Ténèbres...Et aujourd'hui, je ne peux que douter encore plus devant un tel spectacle...J'ai l'impression que nous avons franchi une étape supplémentaire dans la marche vers le grand combat, mais je ne sais pas vers où cette Guerre Sainte débouchera..."
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La maison du Verseau
Face à la tempête, Christian ne put s'empêcher de frissonner. Un comble pour ce chevalier d'or qui avait passé la plupart de son existence en Sibérie, d'abord pour succéder à Kalmar du Verseau, l'un des dix survivants de la Guerre Sainte de 1538, puis pour faire de Néhémie, Wim et Moby des chevaliers d'argent. Le regard froid, les poings serrés, mais le corps parcouru par les frissons, le gardien de la onzième maison du Zodiaque pensait à ses disciples, qui se trouvaient au pied des douze demeures des chevaliers d'or :
"Néhémie, Wim et Moby doivent être en train de veiller l'aile ouest du Sanctuaire avec leurs propres élèves...Je les laisse agir seuls, car je sais qu'ils en ont le potentiel...Mais cette tempête...Elle me donne des frissons...Quelle ironie pour moi, le plus puissant chevalier du froid ! J'espère que je ne tremblerai pas de nouveau quand je devrai faire face à l'ennemi !"
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Star Hill
Les chevaliers du Sanctuaire n'étaient pas les seuls à subir la tempête générée par l'Empereur des Ténèbres. Au sommet du Mont Etoilé, Athéna et le Grand Pope contemplaient attentivement les rafales de vent, auxquelles venaient se mêler des éclairs chargés intensément en électricité. La déesse de la Guerre avait le regard tendu, mais ferme, tandis que le Grand Pope se montrait inquiet :
"Déesse Athéna ! A quoi imputez-vous cette tempête ?"
"Grand Pope, répondit la jeune fille sans se retourner, je vous avais dit que nous ne devions pas agir sur des doutes dans cette Guerre Sainte...Mais cette fois-ci, il n'y a plus de doutes, que des certitudes !"
Tout à coup, le tonnerre gronda et des éclairs déchirèrent le ciel, rendant invisibles toutes les étoiles qui se trouvaient dans le ciel nocturne. Toutes, sauf le groupement vertical de vingt étoiles qui rayonna de plus belle, puis, comme par enchantement, la tempête cessa, le tonnerre ne se fit plus entendre, les éclairs disparurent, ne faisant figurer dans le ciel que l'étrange vingtaine d'étoiles.
Le silence se fit autour d'Athéna et du Grand Pope pendant une minute, l'on ne pouvait entendre que le souffle de la jeune fille et les battements de coeur du chef des chevaliers sacrés. Finalement, la fille de Zeus se retourna vers son plus fidèle serviteur et, d'un ton déterminé :
"Il est revenu !!"
Le Grand Pope ne réagit guère ; il savait depuis peu que l'Empereur des Ténèbres se manifesterait tôt ou tard.
"Rentrons, Grand Pope, dit Athéna, la nuit nous portera conseil pour lutter contre l'ennemi..."
Obéissant à la jeune fille, le chef des chevaliers du Sanctuaire la suivit discrètement. Ses pensées étaient sombres :
"Ainsi l'ennemi est revenu à la vie de nouveau...Et tous les chevaliers sacrés devront lutter contre lui jusqu'à la mort...Comme il y a 205 ans...Le Seigneur seul sait si des chevaliers sacrés survivront à ce terrible combat..."
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La maison de la Balance
S'étant rendu compte que son cousin était resté debout et immobile, même après son arrivée, même après la fin de la tempête, Sun du Dragon finit par s'inquiéter et l'interpella :
"Dohko ?!"
Le chevalier de la Balance se retourna vers le jeune chevalier de bronze. Ce dernier remarqua que le plus jeune chevalier d'or affichait une mine sombre :
"Qu'il y a-t-il, Dohko ? Que...Que s'est-il passé ?"
Dohko prit sa respiration avant de lâcher :
"L'Empereur des Ténèbres a ressuscité, Sun...Je le sens..."
"Comment ?"
"Cette tempête à laquelle le Sanctuaire a dû assister était un message de sa part, pour nous mettre en garde...Et je suis certain que tous les chevaliers sacrés l'ont compris...Nous avons franchi une étape supplémentaire dans la Guerre Sainte, Sun..."
"Que veux-tu dire, Dohko ?"
"Demain, ou peut-être même après-demain, les chevaliers sacrés d'Athéna devront lutter contre les forces du Mal, comme notre destin le veut...Cette Guerre Sainte sera une épreuve difficile pour nous tous, la lutte sera sans merci...Peut-être que toi et moi n'y survivrons pas..."
Tâchant de dissimuler son malaise, Sun demanda à son cousin :
"Que...Qu'insinues-tu, Dohko ?"
"Ce n'est qu'une hypothèse, Sun...Nul ne peut nous dire quelle sera l'issue de ce combat...Dieu seul la connaît..."
Le chevalier de la Balance marqua une pause avant de reprendre :
"Je ne peux rien dire de l'avenir à long terme, Sun...Mais je peux faire cette prédiction sur le court terme : le Sanctuaire est bien parti pour passer une nuit blanche..."
Dohko se retourna, afin de contempler le paysage nocturne, laissant son cousin à ses interrogations, bien que le chevalier du Dragon sût désormais que l'Empereur des Ténèbres était revenu à la vie pour lutter contre Athéna.
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Malgré sa grande sagesse, Dohko s'était trompé sur un point ; tout le Sanctuaire ne serait pas gagné par l'insomnie. En effet, dans la maison des Poissons, dans la chambre du gardien de la douzième maison du Zodiaque, deux jeunes femmes, l'une aux cheveux mi-bruns, mi-roux, l'autre aux cheveux blonds, se trouvaient nues dans un lit, leurs vêtements à terre, et, enlacées l'une contre l'autre, dormaient profondément...