"Abderhamane, Martin, David...
Et si le Ciel était vide ?"
(Alain Souchon, Et si en plus y'a personne, 2005)
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Le camp de la résistance skygardienne
Tandis qu'Eaque de Garuda avançait lentement au milieu de l'allée qu'il avait lui-même dégagée, Harald et ses hommes s'étaient regroupés en rangées et avaient sorti leurs armes blanches. Quand le Juge des Enfers s'en aperçut, il laissa échapper d'un ton railleur :
"Vous perdez votre temps ! J'ignore dans quel matériau ont été forgées vos armes, mais contre moi, elles ne vaudront pas plus que de vulgaires bouts de bois !!"
Harald répliqua aussitôt :
"Eaque, sache que j'ignore si je vais mourir, mais en tout cas, je sais que je me serai au moins battu !"
Le sourire du spectre de Garuda s'élargit, puis il demanda :
"Dis-moi... Ne serais-tu pas l'inconscient qui imagine bêtement pouvoir s'opposer au jugement rendu par sa majesté Hadès, deux siècles auparavant, contre le royaume de Skygard ?"
"Je suis en effet le chef de la résistance aux noirs desseins d'Hadès ! Et je me nomme Harald !"
Eaque secoua la tête :
"Tu n'étais pas obligé de préciser ton nom... Car il tombera dans l'oubli, en même temps que Skygard !"
Le jeune guerrier sourit nerveusement :
"Je trouve que tu parles beaucoup, Eaque, mais tu n'as toujours pas agi, alors que tu aurais eu l'occasion de nous tuer tous !"
Le Juge des Enfers rétorqua avec un sourire sardonique :
"Cela n'aurait eu aucun intérêt... Pourquoi vous tuer tout de suite, alors qu'il serait plus jouissif de vous voir souffrir et goûter à votre angoisse ?... Il n'y a qu'à voir les genoux de tes hommes qui tremblent !"
Harald se retourna brièvement et vit effectivement que plusieurs des sentinelles tremblaient nerveusement sur leurs jambes.
"Quand je pense que tu me reproches de parler beaucoup sans agir... Pourtant, je doute que tes hommes soient aussi vaillants qu'ils veulent le faire croire... Je sais de quoi je parle !"affirma le spectre de Garuda.
"Que... Que veux-tu dire, Eaque ?"demanda le chef de la résistance, fort intrigué.
"Nous voici arrivés au meilleur moment de l'histoire, sourit Eaque... Je veux parler du chapitre qui révèle comment je suis parvenu à trouver votre cachette !"
Le spectre de l'étoile céleste de la supériorité, en un éclair, présenta sous les yeux d'Harald et ses hommes un Chardsonn recroquevillé sur lui-même et tremblant comme un enfant apeuré...
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"La simple vision de Chardsonn aux mains d'Eaque, loin de rassurer Harald et ses hommes, avait suscité chez eux un sombre pressentiment que le Juge des Enfers n'allait pas tarder à confirmer... Cependant, l'effroi qui régnait chez les natifs de Skygard était ridicule par rapport à celui des chevaliers qui... qui venaient d'apprendre que j'étais le refuge de l'âme d'Hadès..."dit John d'un ton sombre.
Trevor tendit alors plus attentivement l'oreille, tandis que son ami se préparait à recadrer son récit dans la Giudecca.
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La Giudecca
Un silence de mort avait succédé au vacarme dû au cri des trois chevaliers d'Athéna. Eon, Emma et Lévi contemplaient avec horreur le visage d'Hadès. Certes, le visage de John Roligny n'était plus le même, ses cheveux étaient devenus rouge vif et ses yeux, de marron, étaient passés à un bleu pâle, mais les autres traits du jeune réformé étaient intacts. La vision de l'Empereur des Ténèbres sous les traits de John avait généré une émotion considérable chez les chevaliers des Poissons et de la Colombe, bien plus que lorsque la première avait reconnu en Faarooq de la Mandragore l'assassin de ses deux compagnes ou quand la seconde avait découvert qu'Eon n'était pas un homme. Même le chevalier de la Licorne, qui avait moins côtoyé le jeune homme, était frappé de stupeur. Le spectacle des trois chevaliers abasourdis amusait beaucoup Moloch, mais laissait son souverain de marbre. Les choses en restèrent là pendant presqu'une minute, jusqu'à ce qu'Emma s'avançât, toute tremblante :
"John, dit-elle d'une voix fébrile... Comment... Comment est-il possible que tu..."
"On se calme !!"fit Moloch d'une voix forte.
La jeune fille sursauta sur place, ce dont profita l'âme damnée du Dieu des Enfers pour prendre la parole :
"Chevaliers d'Athéna, celui que vous voyez ici n'est plus John Roligny, bien qu'il lui ressemble. Il s'agit de sa majesté Hadès, l'Empereur des Ténèbres !"
Eon serra les poings nerveusement, puis rétorqua :
"Non !! C'est impossible ! C'est un mensonge !!"
"On ne connaît point le mensonge dans ce lieu sacré, répondit Moloch en souriant. John Roligny était destiné depuis toujours à ne faire qu'un avec sa majesté Hadès !"
"Comment..."balbutia Emma.
Le vieil homme voulut s'expliquer, mais Hadès l'interrompit :
"Moloch, laisse-moi tout expliquer à ces ignorants... Bien... Sachez, chevaliers d'Athéna, qu'à chaque fois que Dieu renaît, il Lui faut emprunter le corps d'un être humain... Le corps de l'homme le plus pur qui existe sur Terre ! Et à cette époque, c'est le jeune John Roligny, fils d'une famille de réformés de New Rochelle, qui a été élu par Dieu pour être Sa réincarnation !"
En entendant les paroles du sombre monarque, l'horreur qui avait gagné le coeur des trois chevaliers s'accrut de plus belle. Pourtant, quelque part, un doute subsistait chez Eon, qui laissa échapper d'une voix incrédule :
"Non... C'est impossible... Comment John, un jeune homme doux et bon, aurait-il pu devenir le jouet de l'Empereur des Ténèbres ?... Il aurait été plus logique que le corps d'un homme corrompu..."
Hadès coupa net le chevalier des Poissons :
"L'on voit bien que tu ne sais rien de moi, chevalier... Ta bêtise me révulse... Tu imaginais donc que Dieu pouvait prendre le corps de n'importe qui ? Lui, dont le devoir est de châtier ces pécheurs que sont les humains ?! Non... Il Lui faut le corps d'un homme bon, qui répugne à la violence, pour qu'il soit Sa propriété à part entière... John Roligny, comme tu l'as bien dit, était doux et bon ; à ce titre, il était le plus apte à devenir le refuge de mon âme !"
Emma, révoltée par ce discours, intervint :
"Ce que tu as fait à John est odieux, Hadès !!"
Le sombre monarque pencha son regard vers la jeune fille, puis lui dit :
"L'on voit bien que tu ignorais tout de ses pensées... En tout cas, celles qui te concernaient..."
"Comment ça ?"
"Avant de te répondre, découvre-toi devant Dieu !"
Emma vit une brève lueur scintiller dans les yeux d'Hadès... quand tout à coup, son masque de porcelaine vola en éclats, laissant son visage à découvert. La jeune fille était toutefois moins troublée par la perte de son masque que par la vivacité du geste de l'Empereur des Ténèbres :
"Je n'en reviens pas... Il... Il a brisé mon masque avec une facilité déconcertante... Cette force est bien celle d'un dieu ! John... John est bel et bien devenu Hadès !"
Ce fut alors que la voix d'Hadès s'éleva :
"Voilà donc ton visage... Je comprends mieux maintenant ce jeune homme..."
"Qu'entends-tu par là, Hadès ?"demanda Emma, qui commençait à être perturbée.
"A l'ignorante que tu es, je vais répondre : John Roligny, dans son for intérieur, te désirait !!"
"Quoi ?!"
Cette fois-ci, c'était Eon qui avait poussé ce cri. Le sombre monarque feignit de ne pas avoir entendu le chevalier des Poissons et préféra poursuivre sa conversation avec Emma :
"Il t'a épiée, un peu par hasard, quand tu te baignais nue dans un lac. Bien sûr, il a fait en sorte de ne pas être vu de toi, afin de ne pas périr de ta main... A la suite de quoi, il a été tiraillé entre son devoir de jeune chrétien et le désir qu'il avait pour toi, un déchirement qui m'a servi à entrer plus souvent en contact avec lui... De même, c'est bien John Roligny qui vous a épiées, toi et ce chevalier d'or, tandis que vous vous embrassiez sans vergogne !"
"Comment ?!"
Les deux amantes avaient poussé ce cri en même temps ; elles savaient que quelqu'un les avait épiées, mais étaient loin de se douter qu'il s'agissait de John Roligny. Hadès, indifférent à leur émoi, poursuivit :
"Accablé par la douleur, il s'est alors enfui du Sanctuaire, puis a rencontré Moloch à Rodorio, avant que je ne prenne possession de son corps... Votre relation a donc indirectement permis qu'il tombe entre mes mains... Quelque part, chevalier, dit le Dieu des Enfers, je ne m'étonne pas qu'il t'ait voulue à ce point, tant ton visage rappelle..."
A cet instant, le fils aîné de Cronos fronça les sourcils, puis se tut subitement, ce qui intrigua Eon :
"Que t'arrive-t-il, Hadès ? Que veux-tu dire par là ?"
"Inutile que je vous le dise... Vous seriez incapables de me comprendre..."
La réponse du sombre monarque intrigua encore plus le chevalier des Poissons. En revanche, Emma fit quelques pas vers le Dieu des Enfers et lui dit, d'une voix troublée :
"John... J'ignore si tu peux m'entendre alors qu'Hadès s'est emparé de ton corps, mais sache que tu as commis un crime aux yeux de la chevalerie d'Athéna... Tu as vu mon visage à plusieurs reprises, tout comme tu as vu le visage d'Eon alors qu'elle apparaissait comme femme... Je n'ai donc d'autre choix que de t'ôter la vie !"
Moloch, indigné, commença à s'emporter :
"Tu...!"
"Ne tente rien contre elle, Moloch, intervint le sombre monarque. Laisse-la agir..."
Le chevalier de la Colombe, dont les yeux luisaient étrangement, comme si elle était sur le point de pleurer, s'écria :
"Pardonne-moi, John, mais je dois te tuer ! Adieu !... WINGS OF PEACE !!"
Une vague d'énergie immaculée partit des mains de la jeune fille et fonça vers Hadès, mais alors qu'elle n'était qu'à une dizaine de centimètres de l'Empereur des Ténèbres, elle repartit en sens inverse et Emma fut frappée violemment sans avoir eu le temps de réagir. Le chevalier de la Colombe fut projetée en arrière en poussant un cri déchirant, au grand effroi de son amante :
"Emma !!"
Eon courut vers l'endroit où Emma était tombée, mais se rendit rapidement compte que la jeune fille ne risquait rien. Ce fut alors qu'Hadès reprit la parole et dit d'un ton très lent, comme s'il s'adressait à des simples d'esprit :
"Quand on crache sur les cieux, on se reçoit inévitablement son propre crachat à la figure. Quand on attaque Dieu, on voit ensuite sa propre attaque se retourner contre soi. Mon âme, dit-il à Emma qui avait repris connaissance, a bel et bien pris possession du corps de John Roligny et ne pourra jamais s'en séparer. Considère donc, jeune imprudente, que John Roligny est mort pour de bon."
Les mots de l'Empereur des Ténèbres serrèrent le coeur de la jeune fille qui, toute tremblante, murmura alors que ses larmes coulaient :
"Non... John..."
Tout à coup, la voix de Lévi, qui était resté muet jusqu'alors, se fit entendre dans la Giudecca :
"Ainsi donc, ce jeune homme a rendu l'âme... Qu'il repose en paix... Quelque part, cela n'est pas gênant, car je n'aurai alors aucune hésitation à venir à bout de toi, Hadès !"
Le chevalier de la Licorne intensifia son cosmos et la corne de son diadème se mit à briller.
"Hadès, dit Lévi, voici la Purification Unicorne ! Cette technique, qui unit mon cosmos à la pureté de la Licorne, permet d'éradiquer le Mal en le réduisant en poussière ! Et tu seras sa victime !"
Tandis que Moloch était interloqué par la témérité du jeune garçon, Hadès demanda à ce dernier :
"Et qu'est-ce qui te rend aussi sûr de toi, chevalier de bronze ?"
Lévi pouffa de rire, avant de répondre :
"Tu te moques de moi, Hadès... Tu le sais mieux que quiconque... Tu ne peux qu'être le Dieu du Mal, en raison de ta volonté d'anéantir l'humanité... Oui, Hadès, ta cruauté envers les hommes fait de toi le Mal incarné !!"
L'Empereur des Ténèbres fronça les sourcils, puis rétorqua en regardant fixement le jeune garçon :
"C'est ton point de vue. Pour moi, le Mal, c'est l'humanité."
Eon et Emma laissèrent échapper un cri de stupéfaction, tandis que Lévi se mit à balbutier, indigné :
"Comment... Comment oses-tu..."
"Tous autant que vous êtes, vous m'avez bien entendu. Moi, Hadès, j'estime que le genre humain, pécheur par nature, est le Mal incarné."
Hadès contempla plus attentivement Lévi, avant de poursuivre sur un ton plus ferme :
"Et le point de vue d'un mortel n'a aucune valeur face au jugement de Dieu."
Le chevalier de la Licorne semblait fou de rage. Serrant les poings, il répondit :
"Ne... Ne crois pas que je vais accorder le moindre crédit à tes paroles, Hadès ! Tu n'es qu'une icône de la mythologie grecque, tandis que j'ai foi en l'Eternel, le seul et vrai Dieu !... Bien... La Purification Unicorne va atteindre son paroxysme... Désires-tu parler pour la dernière fois avant que je ne la déclenche, Hadès ?"
Le Dieu des Enfers soupira, puis répondit d'un ton las :
"En effet... Je suis navré de voir que tes désillusions contre cette traîtresse de Tamsin ne t'ont pas servi de leçon."
Le descendant du troisième fils de Jacob se figea de stupeur, comme s'il avait pris une claque violente. En un éclair, il revit son face à face avec le spectre de la Succube, quand la Purification Unicorne s'était retournée contre lui et qu'il avait pris connaissance du côté obscur de ses origines. Il ne fallut guère de temps au chevalier de la Licorne pour qu'il baissât la tête et se mît à pleurer bruyamment.
"Visiblement, je me suis trompé... Tu n'as pas la mémoire aussi courte que je ne le pensais, chevalier, lâcha Hadès d'un ton ironique. Tu te souviens donc de ce qui s'est passé quand tu as voulu déclencher ton attaque contre elle..."
Lévi renifla, puis, les yeux larmoyants, releva la tête et s'adressa à Hadès en ces termes :
"Tu... Tu n'avais pas le droit, Hadès... Moi... Moi, Lévi, je vais te le faire payer !..."
Le sombre monarque soupira, puis répliqua :
"Je te le déconseille fortement... Si tu as vu ce qui s'est passé avec cette jeune fille, tu devrais savoir ce qui va t'arriver... Non seulement ton attaque se retournera contre toi, mais en plus tu y laisseras la vie..."
Le chevalier de la Licorne serra les poings de rage, mais sa cosmo-énergie devenait de moins en moins intense. Lévi hésita durant quelques secondes, puis la corne de son diadème brilla intensément... puis s'éteignit. Dépité par ce qu'il avait fait, il baissa la tête et pleura de plus belle.
"Sage décision, chevalier... Tu n'es pas aussi stupide que tu ne le laissais entendre..."
Le descendant du troisième fils de Jacob releva lentement la tête vers Hadès, les yeux emplis de haine, quand tout à coup, le regard de l'Empereur des Ténèbres scintilla et Lévi sentit une violente douleur dans son corps, avant d'être projeté plusieurs mètres en arrière sous le regard réjoui de Moloch.
"Stupide mortel..."soupira le Dieu des Enfers, alors que le chevalier de bronze gisait à terre.
De son côté, Eon, qui avait déjà craint pour la vie de son amante, commença à perdre son calme face au mépris d'Hadès. La jeune femme délaissa sa bien-aimée et s'avança vers l'ennemi d'Athéna avec de la colère dans son regard :
"Hadès... Comment peux-tu être aussi cruel ?"
"Ce n'est pas de la cruauté, mais de la justice. Dieu ne connaît pas la cruauté, qui est l'une des tares propres au genre humain. Je n'ai fait que mettre en demeure ce misérable chevalier de bronze, qui a voulu défier Dieu en oubliant sa condition d'humain et de mortel..."
"Tu..."
Hadès coupa court le chevalier des Poissons :
"Ce chevalier allait agir stupidement, sans songer aux conséquences qui lui seraient funestes... J'ai l'impression que personne ne lui a raconté l'histoire de la dernière guerre sainte qui m'opposa à Athéna, une guerre où aucun chevalier de bronze ne survécut... D'ailleurs, il ne reste que très peu de chevaliers de bronze sur le front terrestre et les autres combattants du même rang engagés sur les terres criminelles de Skygard ont tous péri... Quant à ces deux chevaliers qui t'accompagnent, ils auraient dû périr avec toi si cette stupide Athéna ne vous avait pas aidés..."
Le chevalier des Poissons ne se laissa pas intimider et rétorqua :
"Mieux vaut une divinité qui nous soutient qu'une divinité qui ment et trompe ses subalternes !... Comme tu l'as fait avec Fausto, lorsque tu lui as dit que l'âme de sa bien-aimée avait été sauvegardée en Elysion, alors qu'elle avait été envoyée dans le Cocyte !"
Le Dieu des Enfers répondit d'un ton calme :
"Je n'ai pas menti à Fausto. Lorsque je suis entré en contact avec lui, l'âme d'Eirene de la Panthère n'avait pas encore été jugée. Et quand son jugement est venu, il s'est avéré qu'elle m'avait maudit juste avant de rendre l'âme, furieuse d'avoir dû combattre dans mes rangs, contre son amant. Il était impossible de laisser ce blasphème impuni, aussi a-t-elle été condamnée au Cocyte pour m'avoir maudit."
"Mais tu avais donné ta parole à Fausto !!"insista Eon, courroucée.
Le sombre monarque regarda plus attentivement la jeune femme et dit d'un ton sévère :
"La parole que Dieu a donnée compte bien moins que le châtiment qu'Il doit infliger à ceux et celles qui L'ont offensé (à cet instant, Eon eut l'impression qu'Hadès la regardait comme s'il contemplait un tas de fumier). Par ailleurs, ma promesse faite à Fausto impliquait une de mes subordonnées, non une rebelle qui m'a insulté avant de rendre l'âme. Je n'avais donc pas à tenir compte de ma parole à Fausto. Dieu ne ment jamais, ce sont ses subalternes qui Le trahissent."
L'Empereur des Ténèbres marqua une pause, le temps de jeter un regard dédaigneux à la gardienne de la douzième maison du Zodiaque, avant de reprendre :
"Par ailleurs, dès que Fausto a péri contre son adversaire, j'ai fait en sorte que son âme soit enfermée dans la glace du Cocyte, près d'Eirene de la Panthère. Je n'ai donc pas menti."
Le ton décontracté du Dieu des Enfers n'apaisa nullement Eon ; bien au contraire, celle-ci fronça les sourcils et lança au sombre monarque :
"Tu es un monstre, Hadès !..."
"Parle pour toi !!!"
La voix impétueuse de l'Empereur des Ténèbres pétrifia le chevalier des Poissons durant quelques instants, avant qu'elle ne rétorquât, d'une voix tremblant sous l'effet de la colère :
"Comment... Comment oses-tu ?... J'avais... J'avais honte de ce que j'étais, mais Emma, celle que j'aime, m'a permis de m'assumer comme je suis ! Je ne suis pas un monstre, je suis un être humain, je ne peux prendre au sérieux les affirmations d'une telle divinité ! Surtout quand dans l'Antiquité, les relations entre personnes du même sexe étaient tolérées !"
Hadès répondit en fronçant les sourcils :
"La morale des hommes n'a aucune valeur devant le jugement de Dieu. Tous ceux qui se sont livrés à de tels actes ont fini après leur trépas dans la troisième vallée, la prison où finissent les débauchés, car j'estime que de tels actes sont répugnants et contre-nature... et moi, Hadès, je ne permettrai pas qu'une dégénérée comme toi puisse avoir l'audace de me faire la morale !!"
Les yeux du fils aîné de Cronos se mirent à briller plus intensément et Eon sentit une vive douleur dans son corps. Elle fut alors projetée dans les airs, sous le regard impuissant d'Emma et sous les yeux ravis de Moloch, avant de chuter lourdement au sol, non loin de l'Empereur des Ténèbres.
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Près des Cinq Pics, dans l'Empire du Milieu
Sun courait à travers la Chine, le regard plein de détermination. Sa victoire obtenue contre Magnus du Python et Komodo du Varan lui avait redonné du courage :
"Même si ces deux Spectres ne faisaient pas partie des plus puissants qui soient, ils m'ont donné bien du mal ! Ceci étant dit, je suis parvenu à les vaincre tout seul ! Mais je ne dois pas me reposer sur mes lauriers et faire en sorte de..."
"Arrête-toi, chevalier d'Athéna !!"
"Que ?..."
Le chevalier du Dragon venait de voir devant lui un colosse revêtu d'un surplis dont la tête était pourvue de deux cornes. L'étrange personnage sourit d'aise en voyant le jeune garçon, qui semblait moins robuste que lui, et lui lança :
"Eh bien, tu ne sembles pas très costaud... Je crois que ça ne me prendra pas beaucoup de temps pour en finir avec toi !"
"Les apparences sont trompeuses, spectre d'Hadès ! Moi, Sun, chevalier de bronze du Dragon, je t'en ferai la démonstration !"
Le colosse se mit à éclater de rire :
"HA ! HA ! HA ! HA ! HA ! Un simple chevalier de bronze... Ce sera beaucoup plus facile que je ne le pensais !... Je me présente, je suis Sylvanos du Troll, spectre de l'étoile céleste de la défaite !... Une défaite au goût amer !... DEFEAT TASTE !!"
Tout en parlant, le dénommé Sylvanos avait concentré son cosmos, avant de croiser les bras. Quand il les déploya, une vague d'énergie fonça droit vers Sun, mais ce dernier fut surpris de voir qu'il esquivait facilement le coup. Saisissant l'occasion, il saisit le colosse par le poing et le balança par-dessus sa tête. Le spectre du Troll atterrit lourdement, mais se releva très vite tout en se débarrassant de la poussière qu'il avait sur lui. Il regarda le cousin de Dohko avec négligence, puis lui dit :
"Ne laisse pas l'enthousiasme te monter à la tête, jeune imbécile... J'avais volontairement retenu ma force, pour que tu aies un avant-goût de ce qui va t'arriver... dès maintenant !!... DEFEAT TASTE !!"
Une nouvelle vague d'énergie, trois fois plus puissante, fila vers Sun, mais celui-ci sauta dans les airs et l'esquiva de justesse, au grand dam de son adversaire :
"Quoi ?!..."
"Tu as commis une erreur en ne donnant pas le meilleur de toi-même dès le départ, Sylvanos ; un chevalier sacré ne peut être vaincu par une attaque qu'il a déjà vue !... Adieu !... PAR LA COLERE DU DRAGON !!"
Un dragon rugissant jaillit du poing droit du jeune chevalier de bronze et percuta violemment le spectre du Troll, qui hurla à la mort avant de retomber tout en bas de l'endroit où le combat avait eu lieu. Sun, légèrement essoufflé par l'effort, posa un genou à terre et songea à sa victoire facile qui, quelque part, ne l'étonnait guère :
"Le spectre de l'étoile céleste de la défaite... C'était vraiment le cas de le dire !!"
Après une courte pause, le chevalier du Dragon se décida à reprendre sa route. Il marcha durant quelques dizaines de secondes, non loin de l'endroit où Sylvanos était tombé. Voulant s'assurer de la mort de son adversaire, Sun jeta un coup d'oeil en bas et eut un haut-le-coeur inattendu.
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Le camp de la résistance skygardienne
Harald et ses hommes étaient stupéfaits de voir Chardsonn aux mains d'Eaque, mais ils étaient aussi inquiets, car ils ignoraient ce qu'il était advenu du vicomte Leyfamir et du restant de la troupe. Eaque lâcha subitement :
"Explique-leur toi-même !"
Il laissa tomber le guerrier dans la neige, qui se mit à trembler et à bégayer d'une voix larmoyante :
"Harald... Pardonne-moi... J'ai... J'ai été faible..."
"Chardsonn, je ne comprends pas... Que s'est-il passé ? Où sont passés le vicomte et les autres ?"
Baissant nerveusement la tête, Chardsonn s'expliqua tant bien que mal :
"Je... Je suis désolé... Nous avons été attaqués dans la "Forêt des Trépassés" par un Spectre qui a neutralisé presque toute la troupe à lui tout seul... J'ai... J'ai été lâche, j'ai pris la fuite, en abandonnant le vicomte et Davol à la merci de ce monstre..."
Harald demanda d'un ton indigné :
"Tu as pris la fuite !?"
Mais Chardsonn ne répondit pas ; il baissa la tête et se mit à gémir comme un enfant apeuré. Si Harald et ses sentinelles étaient atterrés par ce spectacle, en revanche, Eaque souriait d'aise face au désarroi des Skygardiens. Mais au bout d'une minute, comme le traître involontaire ne pouvait plus retenir ses larmes, le spectre de Garuda décida de prendre le relais :
"Si cela continue de la sorte, nous allons y passer le restant de temps que la Terre a (Harald laissa échapper un cri de stupeur, mais le Juge des Enfers n'y prêta pas attention) !!... Ce Skygardien a erré je ne sais combien de temps, jusqu'à ce qu'il tombât sur moi et me révélât votre cachette ! Quelle ironie... Vous allez périr à cause de la trahison de ce lâche !"
En entendant les mots du spectre de Garuda, les résistants laissèrent échapper un nouveau cri de stupeur, tandis que Chardsonn sanglotait de plus belle. Cependant, une vingtaine de secondes plus tard, Harald fronça les sourcils et s'adressa à Eaque de la sorte :
"Je comprends tout, à présent... Tu l'as certainement torturé d'une façon ou d'une autre pour lui arracher des aveux !"
Le spectre de l'étoile céleste de la supériorité secoua la tête, avant d'objecter :
"Absolument pas... Je dois le fait d'avoir trouvé votre cachette à la couardise de cet homme... Il avait tellement peur que, sans bien réfléchir, il m'a révélé votre camp sans se faire prier et sans souffrir..."
"MENTEUR !!"fulmina le jeune guerrier.
Eaque fronça les sourcils, puis dit à Harald tout en le regardant droit dans les yeux :
"Au cas où tu l'aurais oublié, je suis l'un des trois Juges des Enfers. Dans le monde des ténèbres, la formule Jurez de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ne souffre aucun manquement. Comme je te l'ai dit, la lâcheté et la peur qui habitaient le coeur de ce Skygardien l'ont poussé bien malgré lui à tout avouer... Après quoi, je lui aurais volontiers réglé son compte, mais j'ai alors reçu l'ordre de sa majesté Hadès de l'épargner temporairement afin que vous puissiez constater que ce sont la trahison et la couardise qui auront perdu votre royaume, natifs de Skygard."
Le chef de la résistance skygardienne comprit définitivement que son ennemi disait vrai, mais n'eut pas l'occasion de s'indigner, car son attention fut troublée par les sanglots de Chardsonn, qui redoublaient d'intensité :
"Je... Je suis désolé, Harald !! Je ne voulais pas trahir Skygard, je te le promets !! Je ne voulais pas !!"
Juste après, le soldat pleura de plus belle, recroquevillé dans la neige, sous les regards ébahis d'Harald et de ses hommes, et sous les yeux consternés d'Eaque :
"C'est bien ce que je disais... Il a voulu jouer au lion, mais s'est avéré être un mouton ! Un mouton plus lâche que ses congénères !"
Sans crier gare, le spectre de Garuda envoya en arrière les résistants de Skygard, puis souleva Chardsonn par son col et, tout en le mettant sous les yeux de ses ennemis, lâcha d'une voix triomphante :
"Natifs de Skygard, vous l'avez vu, vous avez été trahis par l'un des vôtres ! Aussi, remerciez-moi pour ce que je vais faire !"
Et, avant qu'Harald et ses hommes n'aient pu dire un mot, Eaque frappa Chardsonn d'un coup de poing qui traversa son corps de part en part. L'infortuné se mit à blémir, alors que du sang coulait de sa bouche, quand soudain, le Juge des Enfers écrasa son cou de sa main encore sanglante, avant de jeter le soldat aux pieds d'Harald, qui se mit à crier :
"Chardsonn ! Non !!"
Le chef de la résistance skygardienne tâcha de réveiller son ami, mais il était déjà mort. Furieux, Harald tourna son regard empli de colère vers Eaque et lui cria à la face :
"Espèce de monstre !!... Eaque... Tu n'as pas plus de coeur qu'un monstre !"
"Je n'ai fait que mon devoir, jeune Skygardien, répondit Eaque, l'air imperturbable. En tant que Juge des Enfers, il est de mon devoir de rendre la justice !"
"Sache, rétorqua Harald, que jamais le peuple de Skygard n'appelera justice une monstruosité pareille ! Eaque, il est temps de payer pour tes crimes !"
"Bien parlé, Harald !!"crièrent en choeur ses hommes.
Le jeune guerrier sourit, puis cria :
"Soldats de Skygard ! Battez-vous pour votre patrie contre Eaque, cette âme damnée d'Hadès !! Pour Skygard !!"
"Pour Skygard !!"
Les guerriers se rassemblèrent autour d'Harald et firent face au spectre de l'étoile céleste de la supériorité, qui haussa les épaules tout en songeant :
"Qu'ils sont stupides... Je n'ai pas de temps à perdre avec ces insectes, montrons-leur la puissance du Juge des Enfers que je suis !!"
Aussi, alors que les sentinelles, toutes armées, se mirent à courir vers Eaque, ce dernier déploya ses bras et, à peine une seconde plus tard, les hommes d'Harald furent projetés en arrière tout en hurlant à la mort. Le chef de la résistance, abasourdi, vit tomber devant lui tous ses partisans, les uns après les autres. Quand le Juge des Enfers vit son ennemi pâlir peu à peu, il lui sourit narquoisement, avant de le prévenir :
"Je tenais à te dire, jeune Skygardien, que je n'ai employé là qu'une part ridicule de ma puissance... A peine le millième, pour être plus précis... Etant donné que je me dois de garder mes forces pour affronter les chevaliers sacrés d'Athéna, je ne pouvais me permettre de dépenser inutilement mon énergie..."
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Plus loin, dans la plaine skygardienne, un peu avant le carnage perpétré par Eaque
Felipe avançait d'un pas régulier au coeur du royaume enneigé. Sa victoire sur Midas du Roi Cupide lui avait redonné un peu de confiance en soi, mais il gardait la tête froide :
"Je suis parvenu à vaincre ce Spectre, mais je ne dois pas me reposer sur mes lauriers pour autant ! Il doit subsister d'autres adversaires, dont Eaque de Garuda, que..."
Le chevalier du Capricorne s'immobilisa brusquement ; un éclair avait traversé furtivement son esprit. Il réfléchit durant quelques secondes, puis finit par comprendre ce qui se tramait :
"Ce... C'était Eaque ! Il a déployé une puissance remarquable contre plusieurs personnes de faible force ! Miséricorde... Serait-il en train de massacrer des Skygardiens ?"
Puis, pressentant que la réponse à sa question était positive, Felipe haussa les épaules, puis lâcha :
"Je dois aller là-bas !"
A des dizaines de kilomètres de là, une tempête de neige s'était levée, qui incommodait fortement Diomède et Daniel dans leur avancée :
"Cela fait je ne sais combien de temps que cette tempête s'est levée, et je ne vois aucun signe d'amélioration !"constata le chevalier du Scorpion.
"Moi non plus, répondit le chevalier du Lion. Mais nous ne devons pas nous laisser abattre ! Après tout, cette tempête est un adversaire moins redoutable que les Spectres que nous avons combattus !"
Tout à coup, un sombre pressentiment gagna les deux chevaliers d'or ; tous deux venaient de sentir qu'une explosion s'était produite à des centaines de kilomètres d'ici. Daniel et Diomède ne mirent guère de temps pour comprendre :
"Cette puissance remarquable... C'est celle d'Eaque !!"
"Oui, et j'ai le sombre pressentiment qu'il en fait usage contre le peuple de Skygard, à en juger par la facilité qu'il a à combattre !"
"Raison de plus pour ne pas nous laisser décourager par cette tempête et pour avancer droit devant nous ! Les sujets du royaume de Skygard sont en danger, il faut aller les sauver !"
"Tu as raison, Daniel !"
Les deux chevaliers d'or intensifièrent alors légèrement leurs cosmos, puis reprirent leur route d'un pas plus vaillant.
Pendant ce temps, Christian, Leyfamir, Davol et Brolin, seul garde rescapé du massacre perpétré par Danlandsen du Hersir, venaient de voir une lueur au loin. Le vicomte semblait atterré par cette vision :
"Mon Dieu... Quelle masse d'énergie phénoménale... J'ai... J'ai même cru entendre des cris de douleur..."
Davol dit alors :
"Je... Je crois bien que c'était Eaque !... Je reconnais cet endroit, nous ne sommes pas loin du camp de la résistance !"
"Mais alors, demanda Brolin, cela voudrait dire qu'Eaque a découvert notre cachette ?!..."
Dans la foulée, le garde plaqua ses mains contre sa bouche, horrifié par ce sombre pressentiment, tandis que Leyfamir murmurait :
"Mon Dieu..."
De son côté, Davol tourna son regard vers Christian et lui dit d'une voix implorante :
"Chevalier du Verseau, en ce moment, Eaque doit être en train de massacrer les nôtres ! Je vous en supplie, hâtez-vous !"
Le gardien de la onzième maison du Zodiaque hocha la tête, avant de répondre simplement :
"Alors agissons vite !"
Tout ce petit monde se mit alors à courir en avant, Christian en tête. Durant sa course, il songea :
"J'ai jugé bon de ne pas dire toute la vérité à ces Skygardiens... Etant donné l'écart de puissance entre Eaque et les résistants, à moins d'un miracle, je crains que nous n'arrivions trop tard..."
************
La Giudecca
Emma, horrifiée, voyait son amante giser au sol, mais était trop affaiblie pour pouvoir se relever. Alors qu'Hadès regardait les trois chevaliers d'un air méprisant, son âme damnée lâcha d'un ton enthousiaste :
"Affrontez votre déchéance, chevaliers d'Athéna ! Aussi puissants que vous êtes, vous n'êtes que des insectes face à la suprématie divine de sa majesté Hadès ! Oui, il est temps pour vous de payer votre insolence !..."
"Attends..."
"Comment ?!"
Moloch, incrédule, venait de voir le chevalier des Poissons ramper lentement à terre. L'espace d'un instant, le vieil homme croisa le regard de la jeune femme et y vit une colère mal dissimulée. Tout en avançant vers Hadès, la gardienne de la douzième maison du Zodiaque murmura :
"Attends, Hadès... Tu n'en as pas encore fini avec moi..."
"Aurais-tu donc l'audace de vouloir continuer à me défier ?"demanda l'Empereur des Ténèbres d'un air dédaigneux.
"Oui, Hadès, approuva Eon. Tu as beau m'appeler dégénérée, je n'en suis pas moins femme et chevalier d'Athéna... Et... Et non seulement j'aurai l'audace de continuer à te défier, mais aussi celle de te regarder droit dans les yeux, pour te montrer que je ne te crains pas !..."
Ce fut alors que les yeux du chevalier des Poissons croisèrent ceux du sombre monarque. A cet instant, le coeur d'Eon fit un bond dans sa poitrine et elle s'immobilisa, assise sur ses talons. Son visage, sur lequel était affichée une grande colère, laissa la place à la stupéfaction et au désarroi, et pour cause :
"Ce... Ce n'est pas vrai... Ce regard... Quel est ce regard ?... Je ne m'attendais pas à y trouver de... de..."
La jeune femme demeura stoïque durant presque dix secondes, sous les regards intrigués de son amante et de Moloch, tandis qu'Hadès se tenait devant elle, impassible. Finalement, elle lâcha d'une voix qui cachait mal son trouble :
"C'est... C'est de la tristesse... Je ne vois que de la tristesse dans les yeux d'Hadès..."
"Et cela t'étonne, chevalier ?"
"Comment ?!"
Hadès laissa échapper un léger soupir, puis enchaîna dans la foulée :
"Comme je te l'ai dit, tu ne sais rien de moi... Tu ne sais rien de la désolation à l'égard du genre humain qui m'habite... Ce genre humain, que Prométhée a conçu avec de l'argile (Lévi, qui venait de reprendre conscience, fronça les sourcils)... Ce genre humain qui craignait et vénérait les dieux avant de vouloir être leur égal... Au nom de cette ambition stupide, ils se sont mis à domestiquer le feu, à vouloir atteindre les cieux... Mais quand ils se sont aperçus que jamais ils n'atteindraient le millionième de la toute-puissance divine, ils ont été gagnés par la rancoeur et la haine et ont sombré dans le péché... Il a donc été nécessaire de les châtier, et comme mes frères Zeus et Poséidon régnaient sur les cieux et les eaux, moi, Hadès, leur aîné, je fus chargé de cette tâche ingrate, moi qui déplorais la fin de la dévotion des humains envers les dieux... Pour toutes ces raisons, j'ai de quoi être triste."
"Tu parles pour ne rien dire, Hadès !!"
C'était Lévi qui avait lancé cette phrase. Le chevalier de la Licorne s'était relevé et, bien qu'affaibli, regardait Hadès avec un air de défi. Le sombre monarque fronça légèrement les sourcils avant de demander au jeune garçon :
"Qu'est-ce qui te rend si sûr de toi, chevalier ?"
"Apprends, Hadès, que nous autres chevaliers d'Athéna gardons au fond de nous cette chose que l'on nomme l'espérance ! Nous avons foi en le genre humain et nous sommes convaincus qu'il vaut le coup d'être sauvé ! Nous croyons en un monde meilleur, même après la mort ! Nous savons que les hommes de bonne volonté auront tôt ou tard leur récompense ! Qu'as-tu à répondre à ceci, Hadès ?"
Le fils aîné de Cronos poussa un profond soupir, puis lâcha :
"La tristesse, plus que la bêtise, caractérise l'humanité pécheresse et frustrée de ne pouvoir égaler les dieux, mais en ce qui te concerne, chevalier, ce serait plutôt l'inverse... Moloch, fit Hadès en se tournant vers son âme damnée, ouvre les yeux de ces chevaliers, je préfère garder ma salive pour plus tard."
Moloch hocha la tête, puis se tourna vers les trois chevaliers en leur disant :
"Tous autant que vous êtes, chevaliers d'Athéna, vous vous fourvoyez dans des illusions stupides, notamment toi, jeune imbécile, dit-il à Lévi, qui crois bêtement avoir été aidé par Dieu, alors que cette traîtresse de Tamsin t'a fait voir la vérité en face !"
"Comment oses-tu..."commença le chevalier de la Licorne, mais l'âme damnée d'Hadès poursuivit sur sa lancée :
"Toi et tes deux soeurs d'armes l'avez pourtant constaté : le monde des ténèbres est un monde consacré à la punition des pécheurs, qui subissent les châtiments de leurs crimes, tous autant qu'ils sont !! Elysion, le paradis des Enfers, n'a plus accueilli d'âme qui en soit digne depuis pratiquement l'éternité ! Il est temps que vous appreniez la vérité, chevaliers d'Athéna : les paradis des monothéismes ne sont que des leurres ! La souffrance après la mort pour expier ses crimes, la justice divine, impitoyable, mais juste, frappant tous les pécheurs, voilà quelle est la vie après la mort, y compris pour les humains les plus croyants, et notamment pour vous, chevaliers d'Athéna, qui avez osé vous opposer à la volonté de sa majesté Hadès !"
L'exaltation de Moloch avait varié crescendo au fur et à mesure de sa révélation. Le vieil homme étendit soudainement les bras, puis s'exclama, sur un ton presque jovial :
"LE CIEL EST VIDE !!!"
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Les Cinq Pics, en Chine
Sun était revenu là où il avait gagné son armure ; les Cinq Pics et la cascade de Rozan. Mais l'émoi qui gagnait peu à peu le chevalier du Dragon n'était pas dû à ce souvenir récent, mais à ce qu'il avait vu au pied de la cascade : le corps de Télémaque du Compas, transpercé de part en part.
"Oh non, murmura Sun en tremblant... Télémaque... Toi aussi, tu as été vaincu..."
Mais le cousin de Dohko n'eut pas le temps de pleurer son compagnon tombé au combat, car une voix railleuse commença à lui parler :
"En effet, chevalier... Mais il n'a pas été le seul..."
"Qu'est-ce que... COMMENT ?!"
Sun se trouvait en face de l'étrange créature pustuleuse qui ressemblait bien moins à un homme qu'à un démon. La chose rampa sur quelques centimètres, avant de poursuivre :
"Comme je te le disais, chevalier, ce misérable porteur d'une armure de bronze n'a pas été le seul à tomber sous mes coups... J'ai aussi vaincu facilement l'un de ses amis... Oui, c'est bien ça... Il s'agissait du chevalier de bronze du Fourneau, qui repose désormais au fond de la cascade de Rozan..."
A ces mots, le chevalier du Dragon eut un haut-le-coeur, puis laissa échapper :
"Lupos... Non... Pas toi..."
"Je n'ai pas de mérite... Ces chevaliers étaient bien trop faibles... A propos, à qui ai-je l'honneur ?"
"Je suis Sun, chevalier de bronze du Dragon !!"
La chose soupira bruyamment :
"Pfff... Le sort n'est pas tendre avec moi... Un vulgaire chevalier de bronze à nouveau..."
Sun, interloqué, vit les pustules de la créature se mettre à gargouiller bruyamment, puis la créature lâcha :
"Inutile de perdre mon temps avec toi !... Meurs !!... UGLY ERUPTION !!"
Les pustules de la chose éclatèrent toutes, laissant apparaître des vagues d'énergie qui foncèrent droit sur le cousin de Dohko. Celui-ci, presque instinctivement, plaça le bouclier du Dragon en position de défense et, tant bien que mal, parvint à repousser toutes les attaques de son adversaire, qui lâcha d'un ton qui cachait mal sa surprise :
"Comment... Comment as-tu pu..."
"Inutile de te répondre... J'ignore qui tu es, mais tu ne tiendras pas longtemps face à moi ! Notamment face à cette attaque (le cosmos du chevalier de bronze s'intensifia) !!... PAR L'ENVOL DU DRAGON DE ROZAN !!"
L'attaque de Sun frappa de plein fouet la chose, qui sembla se dissiper dans un nuage de fumée. Le cousin de Dohko posa un genou à terre et murmura :
"J'ai... J'ai réussi !..."
"Pas tout à fait, chevalier, pas tout à fait..."
Sous le choc, le chevalier du Dragon sursauta sur place et regarda droit devant lui. Lorsqu'il eut une vision bien plus nette du spectacle qui se tenait devant lui, il ne put s'empêcher de laisser échapper un cri d'épouvante...
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L'Empire du Milieu
A plusieurs dizaines de kilomètres des Cinq Pics, Philoctète tâchait de reprendre ses forces. Certes, il avait fini par venir à bout de Motta, mais son adversaire l'avait mis en difficulté à plusieurs reprises et aurait très bien pu l'emporter. Adossé à un rocher, le chevalier du Sagittaire soupira, puis laissa échapper :
"Je me suis assez reposé à présent... Véga, ajouta-t-il en se tournant vers le corps inerte de son disciple, j'espère que tu reposeras en paix... Avant de partir, je vais t'offrir la sépulture que tu mérites..."
D'un seul coup de poing, Philoctète creusa le sol à trois mètres de profondeur, puis déposa le cadavre du chevalier de la Lyre dans un tombeau de fortune. Après avoir recouvert de terre le corps de son disciple, il murmura :
"Adieu, Véga. A présent, je vais..."
Ce fut à cet instant que le gardien de la neuvième maison du Zodiaque sentit une puissante montée de cosmo-énergie dans les environs. Faisant volte-face, il tenta de l'identifier :
"Cette... Cette puissance... Elle est du même niveau que la mienne ! Cela voudrait donc dire que je suis..."
"Heureux de te retrouver, chevalier du Sagittaire !!"
Le futur adversaire de Philoctète venait d'apparaître au grand jour. Le chevalier d'or s'écria alors :
"Rhadamanthe !!"
"En personne. Je suis ravi de te revoir, chevalier d'or, depuis que j'ai lancé ce défi du front terrestre..."
"Tu devrais être moins heureux du résultat ! répliqua Philoctète. Moi et mes amis avons éliminé presque tous tes subalternes !"
"Je pourrais en dire autant de vous... Vous n'êtes plus très nombreux, et il ne vous reste d'ailleurs que deux chevaliers d'or, dont toi... En ce qui me concerne, je suis, avec le spectre de l'étoile terrestre féérique, le seul survivant de mon groupe... Cela devrait suffir pour remporter la victoire !"
"Ne me sous-estime pas, Rhadamanthe ! Cette erreur, Edward de l'Archer et Motta de la Harpie l'ont commise quand ils m'ont affronté, et cela leur a coûté la vie !"
Le Juge des Enfers haussa les épaules, avant de répondre :
"Tu sembles être quelqu'un de valeur, chevalier... Mais sache que je n'ai rien à voir avec les deux spectres que tu as vaincus... Je suis Rhadamanthe de la Vouivre, spectre de l'étoile céleste de la destruction et Juge des Enfers au service d'Hadès ! Et je jure au nom de l'Empereur des Ténèbres de te vaincre et de prendre ta tête !... Trêve de palabres, battons-nous !"
Les ailes du surplis de la Vouivre se déployèrent et Rhadamanthe commença à concentrer son cosmos, sous le regard anxieux de Philoctète, qui se dit :
"Sa... Sa cosmo-énergie est bien plus élevée que je ne le pensais... Je vais devoir donner tout ce que j'ai si je veux le vaincre !"
Le chevalier du Sagittaire intensifia à son tour sa cosmo-énergie, puis, quand elle atteignit son maximum, il cria à l'attention de son adversaire :
"Prends ça, Rhadamanthe !! ATOMIC THUNDERBOLT !!"
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Le camp de la résistance skygardienne
Harald avait le plus grand mal à ne pas trembler sur ses jambes, tant la puissance d'Eaque était sur le point de ruiner son moral. Cependant, la pâleur sur son visage trahissait ses appréhensions, qui se retrouvaient aussi dans ses pensées :
"Mon Dieu... Maintenant... Maintenant que je suis face à Eaque, je réalise combien il est puissant... Je... Je ne vois nullement comment je pourrais le vaincre..."
Le jeune guerrier déglutit, avant de se dire :
"Peut-être... Peut-être que j'aurais dû écouter Davol... Essayer de lier contact avec les chevaliers d'Athéna... Sinon, je n'en serais pas là, et..."
"Eh bien, serais-tu dans la lune ?"
Le ton railleur du Juge des Enfers sortit Harald de ses pensées, mais pas de sa peur, à la grande satisfaction du spectre de Garuda :
"Je vois... Tu fais bien moins le fier que tout à l'heure... Et maintenant, es-tu toujours autant décidé à te battre ?"
Harald voulut répondre, mais ne put que claquer nerveusement des dents. Eaque soupira :
"Pff... Tu n'auras même pas ce courage-là... Très bien, puisqu'il le faut..."
"ATTENDEZ !!"
A cette voix, le Juge des Enfers cligna des yeux, tandis que le chef de la résistance skygardienne se retourna brutalement, avant de laisser échapper :
"Quoi ?! Vous ?"
C'était le roi Norst 1er, souverain de Skygard, qui avançait vers eux. Eaque eut à cet instant précis un pressentiment qui fut rapidement confirmé par son adversaire :
"Votre Altesse ? Comment avez-vous pu..."
"J'ai été délivré par un Sygardien, juste avant qu'il ne prenne la fuite... Il ne voulait pas laisser son roi prisonnier, à l'inverse de toi, Harald !"
Harald demeura indifférent à la sévérité du roi, car ses pensées étaient trop centrées sur Eaque, à qui Norst 1er dit :
"Eaque, je suis Norst 1er, dernier souverain de Skygard et dernier membre de la famille royale ! Je sais quel est le destin de mon peuple et j'y suis résolu !
"Altesse, non !"cria le chef de la résistance skygardienne.
Mais le roi ne l'écouta pas et croisa le regard du spectre de l'étoile céleste de la supériorité, auquel il dit :
"Skygard ne peut rien contre la puissance d'Hadès, même Harald l'a constaté ! Faites ce que vous avez à faire, que ma souffrance de voir mourir mon peuple périsse rapidement !"
"Altesse..."balbutia Harald.
De son côté, Eaque ne s'était nullement attendu à une telle attitude de la part du roi Norst, qui le regardait d'un air résolu. Harald, lui, craignait pour la vie de son souverain, mais n'osait intervenir. Il se passa près de trente secondes sans que les choses n'évoluèrent, puis le spectre de Garuda soupira :
"Aucun intérêt..."
Et, sans crier gare, il saisit le roi par son col et l'envoya valser plusieurs mètres en avant. Quand Norst 1er retomba au sol, il lui dit :
"Je n'aurais aucun intérêt à tuer quelqu'un résigné à sa propre mort ! Sa majesté Hadès m'a certes donné l'ordre d'éradiquer Skygard, mais m'a laissé une certaine marge de manoeuvre ! Il vaut mieux que vous périssiez après avoir vu votre peuple s'éteindre devant vos yeux, tout comme j'ai éliminé celui qui avait vendu ces inconscients après qu'ils aient compris leur malheur ! Vous allez donc voir ce jeune imbécile souffrir, puis périr de ma main !"
Le roi de Skygard ayant perdu connaissance, il ne put entendre les paroles du Juge des Enfers. Ce dernier se retourna ensuite vers Harald et lui dit :
"A présent, jeune inconscient, battons-nous ! Et montre-toi aussi offensif que tu peux l'être !"
Sans réfléchir, le chef de la résistance skygardienne tira son épée et la pointa dans la direction du spectre de Garuda, avant de foncer vers lui. Eaque demeura impassible, les bras croisés, mais alors que l'épée de son adversaire se rapprochait de lui, il la saisit d'une main sans mal. Bien que du sang coulât légèrement de sa main droite, le Juge des Enfers semblait ignorer la douleur, ce qui n'arrangeait pas les craintes d'Harald :
"Incroyable... Il semble se moquer de sa blessure à la main..."
"Je ne voudrais pas te contrarier, jeune imbécile, intervint Eaque, mais ce n'est pas avec cette stupide épée que tu vas pouvoir me tuer... Tu vas rapidement t'en apercevoir !"
Le spectre de l'étoile céleste de la supériorité intensifia sa cosmo-énergie et, en une fraction de seconde, brisa la lame de l'arme de son adversaire, qui tressaillit nerveusement, avant de se mettre à trembler sur ses genoux :
"Oh non ! Il... Il a brisé la lame de mon épée comme si elle était faite en verre !"
A cet instant, Eaque reprit la parole :
"Etant donné que je maîtrise la cosmo-énergie à la perfection, je puis briser ton épée, qui n'est rien d'autre qu'une somme d'atomes ! En revanche, tu n'as jamais pu ressentir l'Univers au fond de toi, voilà ce qui sépare le misérable Skygardien que tu es du Juge des Enfers que je suis !"
Le spectre de Garuda fronça les sourcils, puis reprit :
"Ceci étant dit, tu as quand même fait couler un peu de mon sang (un halo ténébreux recouvrit Eaque)... Et cela, je ne peux le pardonner à quelqu'un qui appartient à un peuple condamné par sa majesté Hadès ! A présent que tu es sans défense, sois certain que je te ferai souffrir avant de t'abattre, car tel est le châtiment que moi, Eaque de Garuda, je t'infligerai au nom de l'Empereur des Ténèbres !!!"
************
Alors que le regard du révérend Trevor s'emplissait au fur et à mesure d'une horreur remarquable, John lui dit d'un ton sombre :
"C'était là l'instant le plus critique qu'Harald vivait depuis qu'il était chef de la résistance skygardienne... Il avait définitivement pris conscience de l'écart de puissance qui existait entre lui et Eaque et commençait vraiment à regretter de ne pas avoir écouté Davol..."
Le jeune homme se mit soudainement à bâiller. Trevor lui demanda aussitôt :
"John, ne voulez-vous pas vous reposer pour cette nuit et reprendre votre récit demain ?"
"Non, révérend, objecta John en secouant la tête. Plus vite je vous aurai raconté l'histoire de cette guerre sainte, mieux cela vaudra... D'autant que je vais aborder un passage délicat... Un passage dont j'ai été l'acteur principal malgré moi..."
Le pasteur écarquilla les yeux, tandis que le fils d'Etienne Roligny reprenait son récit.
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La Giudecca
Les visages d'Eon, Emma et Lévi étaient frappés d'horreur suite aux propos de Moloch, qui avait nié l'existence de la vie après la mort et leur avait promis des souffrances éternelles après le trépas. Le chevalier de la Licorne, malgré son désarroi, secoua la tête :
"Non... Non, ce n'est pas vrai ! C'est... C'est un mensonge !"
"On ne connaît point le mensonge ici, je l'ai dit quand vous avez découvert qui était la réincarnation de sa majesté Hadès... Dois-je le répéter incessamment, chevaliers d'Athéna ?"demanda l'âme damnée d'Hadès sur un ton narquois.
A cet instant précis, Lévi, dont les forces semblaient le trahir, trébucha et se retrouva de nouveau au tapis. Emma était atterrée par les propos du vieil homme, mais Eon semblait ne pas en avoir tenu compte ; elle prit la main de son amante, regarda l'Empereur des Ténèbres et son valet d'un air de défi et leur dit :
"Hadès, Moloch, sachez que ce qui nous arrivera après la mort nous importe peu ! Nous n'agissons pas pour obtenir la vie éternelle ou nous retrouver à Elysion, mais pour Athéna et le bien du genre humain ! Nous sommes prêts à nous battre au péril de nos vies ! Nous n'avons pas peur de mourir, et si nous devons rendre l'âme, nous serons heureux de le faire si nous pouvons à la Terre d'être plongée dans les ténèbres !"
A ces mots, et contre toute attente, les lèvres du sombre monarque se relevèrent et dessinèrent un sourire fort sardonique sur le visage du Dieu des Enfers, qui rétorqua :
"Merci à toi, chevalier."
"Comment ?!"
"Tu viens de m'accorder l'occasion que j'attendais... Le moment de vous expliquer votre invitation dans la Giudecca est enfin arrivé."
Un halo pourpre enveloppa alors l'Empereur des Ténèbres durant une dizaine de secondes, sous les regards des trois chevaliers (Lévi avait repris conscience à nouveau), puis, juste-au dessus d'Hadès, une sphère noire apparut au coeur d'un ciel de la même couleur. Les trois chevaliers ne comprenaient rien à cet étrange manège, notamment Eon :
"Que... De quoi s'agit-il ?"
"C'est le soleil, chevalier d'or... Le soleil autour duquel la Terre tourne !"
"Mais, balbutia le chevalier des Poissons... Mais il est tout noir ! Comment est-ce possible ?"
L'Empereur des Ténèbres regarda plus fixement les trois chevaliers sacrés, tandis qu'une autre image apparaissait au-dessus de lui, puis il reprit la parole :
"Chevaliers, ce que vous voyez là est une pierre de couleur aussi rouge que le sang, et qui était conservée dans les souterrains du palais royal de Skygard depuis que ce royaume impie existe ! Les Skygardiens appellent ce diamant la Pierre Sanguinaire !"
"La Pierre Sanguinaire ?!"lâchèrent en choeur Eon et Emma.
"C'est un diamant qui a été retrouvé lors des premières années d'existence du royaume de Skygard par des gardes du palais royal, un diamant qui émettait une énergie fort dévastatrice et qui avait notamment le pouvoir d'aspirer la mémoire des pires forfaits commis dans ses environs ! Cette pierre conserve encore les souvenirs des crimes que tous les Skygardiens ont commis depuis que Skygard existe ! Après avoir obtenu cette pierre, je l'ai explorée et j'ai été fort étonné de ne point y voir le blasphème que le roi Cyavizen III commit à mon égard lors de la dernière guerre sainte... Mais cela n'avait pas beaucoup d'importance, car au final, cette pierre maudite jouera un rôle dans le recouvrement de la Terre par les ténèbres !"
Les deux amantes eurent beau ne rien comprendre des allusions faites par le sombre monarque au sujet du périple skygardien du Juge Eaque en 1538, il n'en demeurait pas moins que la conclusion des propos d'Hadès les perturbait grandement :
"Que... Que veux-tu dire, Hadès ?"demanda Eon d'une voix tremblante.
L'Empereur des Ténèbres sourit étrangement, puis s'expliqua :
"Grâce à ma toute-puissance, j'ai fait en sorte d'utiliser le pouvoir négatif de la Pierre Sanguinaire afin d'arracher le côté sombre enfoui au sein de mes ennemis !"
"Tu... Tu veux parler de nous ?!"s'exclama Emma.
"Exactement. Depuis que la Guerre sainte a commencé, vous autres chevaliers d'Athéna avez subi de nombreuses pertes ! Plus de soixante des vôtres sont désormais plongés dans les glaces du Cocyte !"
"Oh non !!"gémit Eon.
Hadès ne fit pas attention au désarroi du chevalier des Poissons et enchaîna :
"Chaque fois que l'un d'entre vous a perdu la vie, son côté obscur a quitté son corps sous la forme d'une fumée ténébreuse, une fumée qui s'est ensuite fixée au soleil, le couvrant de ténèbres peu à peu ! A présent que vous avez au moins perdu soixante de vos compagnons, le soleil est entièrement recouvert par les ténèbres ! Il s'est alors formé une éclipse que j'ai appelée l'Eclipse des Ténèbres !"
"L'Eclipse des Ténèbres ?!"s'exclamèrent les deux amantes.
"Cette éclipse, poursuivit le Dieu des Enfers, a couvert le soleil de son énergie négative et ne laisse percevoir plus aucun rayon de lumière. Mais surtout, son énergie maléfique issue du côté obscur des chevaliers d'Athéna défunts va avoir un impact lent, mais inexorable, sur toute la vie terrestre. Durant vingt-quatre heures, l'Eclipse des Ténèbres va anéantir les récoltes, puis le bétail et les animaux, et enfin, les hommes eux-mêmes périront, terrassés par l'énergie négative des chevaliers d'Athéna qui a recouvert le soleil. Au bout de vingt-quatre heures, la Terre deviendra un monde glacial et obscur... La Terre deviendra le monde des ténèbres !"
Les visages des trois chevaliers avaient peu à peu laissé apparaître un terrible effroi, mais Hadès, qui ne semblait pas s'en contenter, regarda fixement ses ennemis, et leur dit d'un trait :
"En d'autres termes, chevaliers d'Athéna, en mourant au combat, vous n'empêcherez pas la Terre de plonger dans les ténèbres, mais vous allez au contraire y contribuer."
Une horreur inquantifiable gagna alors les protecteurs d'Athéna qui furent incapables d'ouvrir la bouche ou de se mouvoir. Les révélations du sombre monarque avaient plongé Eon, Emma et Lévi dans un tel état qu'aucun des trois ne fit attention au sourire narquois qu'affichait désormais l'Empereur des Ténèbres ou au rire sardonique de Moloch.