Trevor
En écoutant les derniers propos de John, je dois avouer que je suis de plus en plus perdu... D'abord une voix qui lui parle dans son sommeil, ensuite un Sanctuaire dédié à une déesse de la Grèce antique et un chevalier protégé par l'une des constellations du Zodiaque... Dans quelle histoire le fils de mon défunt ami Etienne m'entraîne-t-il...
C'est alors que John, comme s'il avait perçu mes pensées, me dit:
"Je comprends votre désarroi, révérend...Bien que je n'aie entendu que peu d'informations en une dizaine de secondes sur ma situation, je n'ai pas manqué de me poser des questions, des questions que vous devez sûrement vous poser en ce moment..."
"Tout à fait, John." approuvai-je.
John esquissa un sourire timide, puis reprit son récit.
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John
Je ne suis pas au bout de mes surprises. Je suis donc dans un Sanctuaire dédié à l'une de ces divinités mythiques et en face d'un jeune homme qui se prétend...chevalier! Pourtant, les temps des idoles païennes et des chevaliers médiévaux est révolu! Suis-je devenu fou? Je demande alors à mon mystérieux sauveur:
"Excusez-moi...Je crains de ne pas vous avoir tout à fait compris...Qui êtes-vous?"
Le jeune homme du nom de Felipe sourit, puis répéta:
"Felipe, chevalier d'or de la constellation du Capricorne. Je suis l'un des soixante dix-huit chevaliers sacrés de la déesse Athéna!"
"Les chevaliers sacrés de la déesse Athéna? Je...Je n'ai jamais entendu parler de cette confrérie!"
"C'est normal, me répondit Felipe. Bien peu de gens ont entendu parler de nous, nous cultivons l'art du secret. Toutefois, malgré notre discrétion, nous sommes toujours disposés à servir la déesse Athéna et à protéger l'humanité!"
A ces mots, je me frottai vigoureusement les yeux, car, quelque part, j'étais toujours persuadé d'être en plein rêve. Devant mon geste, Felipe se mordilla les lèvres pour ne pas éclater de rire, puis me dit:
"Non, John, tu ne rêves pas! Cela dit, je pense que le Grand Pope saura mieux t'expliquer que moi ta situation et celle de tes parents et de cet homme qui vous accompagnait..."
"Qu'est-ce que vous avez dit?!"
Cette question, survenue comme un coup de tonnerre, venait de la pièce d'à côté. Je ne mis guère de temps pour reconnaître cette voix:
"Révérend Valnoy?"
Felipe soupira:
"Hum...Apparemment, Cristobal et Arkantos ont dû assister au réveil de tes parents et de ce pasteur, et ce dernier semble être sous le choc..."
Ce fut alors que la porte me séparant de mes parents s'ouvrit, et je fus alors confronté à un bien curieux spectacle. Le révérend Valnoy était solidement empoigné par deux hommes portant la même tenue que Felipe, mais l'un avait la peau plus sombre, tandis que l'autre était de race blanche avec des cheveux noirs et courts. Derrière eux, mes parents semblaient abasourdis par la situation dans laquelle ils se trouvaient à présent. Mon précepteur se mit à fulminer:
"C'est honteux! Nous avoir emmenés dans ce nid de païens! J'exige des explications!"
Felipe ne se laissa pas impressionner par Valnoy, qui était pourtant un homme rigoureux et strict, et lui répondit fermement:
"Vous aurez vos explications, ne vous en faites pas...Attendez simplement que nous vous emmenions voir le Grand Pope."
Mon père accourut vers les deux hommes qui maintenaient le révérend immobile et leur demanda:
"Excusez-moi...Puis-je savoir qui vous êtes?"
L'homme basané répondit:
"Je suis Cristobal, chevalier d'argent de la constellation du Toucan!"
L'homme aux cheveux courts enchaîna:
"Je suis Arkantos, chevalier de bronze de Pégase, et disciple de Felipe, chevalier d'or du Capricorne ici présent! Nous sommes des chevaliers sacrés d'Athéna!"
"La déesse grecque de la Guerre?"lâcha ma mère étonnée.
"En effet, approuva Felipe. Elle est revenue sur Terre, il y a quinze ans, signe que les forces du Mal ne vont pas tarder à menacer le monde!"
En entendant les paroles du chevalier d'or, je ne pus m'empêcher de crier:
"Quoi?! L'Apo...L'Apocalypse est donc inéluctable?!"
"Bien sûr que non, répondit catégoriquement Felipe. Car, tant qu'Athéna et ses chevaliers seront en vie, le Mal aura fort à faire!"
"Pourtant, répliqua mon père, je croyais que le combat entre le Bien et le Mal opposerait Jésus à Satan..."
"En fait, précisa Cristobal, il s'agit d'un autre combat, tout aussi terrible, qui opposera Athéna au seul et véritable ennemi qu'elle ait jamais eu...Mais, nous autres chevaliers sacrés ne savons rien de son identité..."
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Pendant vingt secondes, John, ses parents et son précepteur restèrent muets, les yeux écarquillés. Le simple fait d'avoir entendu parler d'une menace sur la Terre avait suffi à les ébranler. Quelque chose de différent de l'Apocalypse de Jean, mais de tout aussi impitoyable...Cette idée les terrifiait...Ce fut alors qu'Arkantos, le jeune chevalier Pégase, leur répondit:
"Ne vous en faites pas! Quand le Mal viendra, nous serons prêts pour le neutraliser! N'est-ce pas, maître?"
Felipe, moins expressif que son disciple, se borna à sourire timidement, puis ajouta:
"En tout cas, nous sommes tous prêts à défendre les humains à n'importe quel prix! Y compris en donnant nos vies!...Bon, je pense que nous n'avons pas trop intérêt à tarder, je dois rendre des comptes au Grand Pope sur votre présence!"
"Le Grand Pope? Qui est-ce?"demanda John.
"C'est le représentant d'Athéna sur Terre, le chef infaillible des chevaliers sacrés, répondit le chevalier du Capricorne. Nous lui devons une obéissance absolue, presqu'au même titre qu'Athéna! Bon, maintenant, allons-y!..."
"Ce sont les naufragés que tu as amenés ici, n'est-ce pas, Felipe?"
John comprit en entendant cette question que quelqu'un d'autre venait d'entrer dans la pièce. Il se tourna alors vers l'endroit d'où venait la voix et ne manqua pas d'être étonné. Deux jeunes hommes se trouvaient sur le seuil de la porte. Ils n'étaient plus tout à fait des adolescents, pas tout à fait des adultes. L'un était plus grand que l'autre, il avait de longs cheveux verts qui lui tombaient sur les épaules, des yeux sombres et deux curieux points rouges sur le front. Son camarade, lui, avait une peau mate trahissant ses origines; sans doute devait-il venir de l'Extrême-Orient. Ses cheveux étaient châtains foncés et ses yeux, entre le marron et le vert. Le fils d'Etienne Roligny voulait les interroger sur leur identité, mais il n'en eut pas tout de suite l'occasion, car Felipe répondit au jeune homme aux cheveux verts:
"C'est exact, Shion. J'allais les emmener au palais du Grand Pope, pour les présenter, ainsi que pour m'expliquer."
"Eh bien, poursuivit le jeune homme asiatique, si ça ne te dérange pas, nous t'accompagnerons..."
"Il n'y aura pas de problème." sourit Felipe.
Puis ils se turent. Cependant, ils ne restèrent pas longtemps silencieux, car Etienne Roligny demanda aux nouveaux venus:
"Excusez-moi, mais...qui êtes-vous?"
"Je suis Shion de Jamir, chevalier d'or de la constellation du Bélier!" répondit le jeune homme aux cheveux verts.
"Je suis Dohko de Rozan, chevalier d'or de la constellation de la Balance!" répondit son camarade.
"Ah bon...Enchanté de vous connaître..." répondit Etienne, qui avait toujours du mal à se faire à cette nouvelle situation.
Shion, puis Dohko, tendirent alors leurs mains au négociant huguenot, qui les serra timidement. Puis, ils en firent de même avec John, puis avec le révérend Valnoy, et inclinèrent leurs têtes devant Catherine. Cristobal, qui semblait s'impatienter, leur dit:
"Bon, excusez-moi, mais je crois que l'on doit vous amener au Grand Pope, et je ne voudrais pas contrarier Felipe!"
"Alors, allons-y, répondit Etienne. La demeure de ce Grand Pope est-elle loin?"
"Le temps de traverser les douze maisons du Zodiaque, et nous y serons en moins de deux heures!" sourit Felipe.
"Deux heures?! s'exclama Catherine. N'y a t il pas un raccourci pour y parvenir?"
"Je regrette, madame, répondit Arkantos, mais il n'existe aucune alternative. Qui veut voir le Grand Pope doit traverser les douze maisons du Zodiaque!"
"Je suppose que vous ne devez donc pas le voir souvent." dit John timidement.
"Plus que vous ne le pensez! répondit Felipe. Pour un chevalier sacré, traverser les douze maisons du Zodiaque est un jeu d'enfant!...Cependant, nous marcherons d'un pas plus lent, pour ne pas vous fatiguer...Bon, assez parlé, suivez-moi!"
Obtempérant rapidement, John, ses parents et son précepteur suivirent le chevalier du Capricorne, près duquel se trouvaient Shion et Dohko. Quant aux chevaliers de Pégase et du Toucan, ils marchaient derrière eux, par respect pour l'élite de la chevalerie d'Athéna. Une fois sortis de la petite maison qui avait fait office de refuge temporaire, la famille Roligny et le révérend Valnoy se trouvèrent devant un escalier immense, qui conduisait à un grand temple de style dorique, qui aboutissait lui-même à d'autres escaliers et d'autres temples. Shion se chargea de donner quelques explications, alors que tout ce petit monde commençait à monter les marches:
"Nous allons entamer la traversée des douze maisons du Zodiaque. Chacune d'entre elle est gardée par un chevalier d'or, mais certains de mes frères d'armes sont absents pour le moment, car ils s'entraînent avec leurs disciples pour le futur grand combat. La première maison est celle du Bélier, que j'ai l'honneur de garder depuis plus de cinq ans..."
En moins de dix minutes, les chevaliers d'Athéna et les naufragés venant de New Rochelle parvinrent devant la maison du Bélier. Ils remarquèrent sur son seuil un jeune garçon aux cheveux roux portant une tunique grise et dont le front était couvert de deux points rouges. Il sourit au chevalier du Bélier, qui en fit de même avec lui. Lorsque la première maison fut traversée, Shion donna quelques informations à John et ses proches:
"Le jeune garçon que vous venez d'apercevoir est mon disciple. Il s'appelle Panti et est depuis trois mois chevalier de bronze de la constellation du Burin! Il n'a que douze ans, mais est fort prometteur; il a déjà acquis le don de pouvoir réparer les armures, don que je possède moi-même!"
Les quatre naufragés levèrent alors les yeux au ciel, car tout ce galimatias avait pour effet de les rendre plus perplexes qu'avant. Ce fut alors que Felipe prit la parole:
"Dans dix minutes, nous arriverons devant la maison du Taureau! Je ne sais pas si son gardien s'y trouve..."
Moins de dix minutes plus tard, le chevalier du Capricorne eut la réponse à sa question; la deuxième maison du Zodiaque était vide.
"Shad doit être en train de s'entraîner avec quelques-uns de ses apprentis, suggéra Felipe. En tout cas, ne tardons pas!"
Marchant d'un pas plus vif, les chevaliers sacrés et les rescapés se dirigèrent alors vers la troisième maison, celle des Gémeaux. Felipe fit le même constat que pour la maison du Taureau:
"Bosching est donc absent...Cela ne me surprend guère; c'est l'un de nos plus brillants chevaliers, il s'entraîne régulièrement avec ses disciples et est d'une nature implacable! C'est un exemple pour bon nombre des jeunes apprentis se trouvant au Sanctuaire!"
Ce fut alors que John demanda au chevalier du Capricorne:
"Excusez-moi...Pourquoi continuez-vous à entraîner des apprentis si votre combat contre le Mal est imminent?"
Felipe répondit sans s'arrêter:
"Tout simplement parce qu'aucun des chevaliers sacrés n'est assuré de revenir vivant de ce terrible combat...Nous ne faisons que préparer l'avenir..."
Le jeune homme écarquilla des yeux en entendant cette réponse; au fond de lui, il était admiratif de voir ces jeunes garçons et ces jeunes hommes prêts à mourir pour leur cause. Il marcha alors avec ses proches et les autres chevaliers d'or durant près de dix minutes, jusqu'à la maison du Cancer. Son gardien s'y trouvait. C'était un jeune homme de grande taille, aux yeux bleus et aux cheveux noirs et frisés, avec une petite queue de cheval lui tombant dans le cou. Il salua les trois chevaliers d'or présents dans le groupe:
"Je suis heureux de vous voir, Dohko, Shion et Felipe! Que faites-vous ici?"
Le chevalier de la Balance répondit:
"Felipe a emmené quatre naufragés dans l'enceinte du Sanctuaire. Nous allons tout expliquer au Grand Pope au sujet de cette situation inédite."
"Soit. Vous avez eu beaucoup de chance, dit le chevalier du Cancer à John et ses proches. Je suis sûr que le Grand Pope se montrera indulgent à votre égard! Au passage, je me présente; Vittorio de la constellation du Cancer!"
"Heureux de vous connaître, répondit timidement Etienne Roligny. Excusez-nous, mais nous ne devons pas tarder..."
"Alors que les dieux de l'Olympe vous accompagnent." sourit Vittorio.
A ces mots, le révérend Valnoy, qui était resté discret jusqu'alors, se renfrogna. Il se garda d'exprimer son indignation pour ne pas retarder les Roligny, mais ne put s'empêcher de maugréer entre ses dents:
"C'est honteux! Nous souhaiter d'être accompagnés par de vulgaires idoles! Nous, de fervents chrétiens, qui ne suivons que la parole de Dieu!"
Toutefois, l'incident ne s'ébruita pas, et le pasteur se hâta de marcher vers les maisons du Zodiaque suivantes. Les maisons du Lion et de la Vierge étaient désertes; pour cette dernière, cela ne surprit nullement Dohko:
"Il est rare que Gautama soit présent dans sa demeure...En général, il médite ou converse avec Dieu!"
"Comment ça?!" fit le révérend Valnoy, qui commençait à voir rouge.
"Gautama de la Vierge, expliqua le chevalier de la Balance, est l'un des plus puissants chevaliers du Sanctuaire, sinon le plus puissant, mais il est aussi l'être le plus proche de Dieu et, à ce titre, converse souvent avec lui, et ce, depuis son enfance!"
A ces mots, le pasteur se figea, tout en serrant les poings. Il s'adressa à Dohko d'un ton mécontent:
"J'exige que vous retiriez immédiatement ce que vous venez de dire! C'est une injure envers Dieu; le Seigneur n'est proche d'aucun habitant de ce monde, il est saint et distant!..."
Etienne Roligny accourut aussitôt pour calmer les ardeurs du précepteur de son fils:
"Révérend, s'il vous plaît, calmez-vous...Nous n'avons pas de temps à perdre, notre priorité est de rencontrer ce Grand Pope! Nous avons déjà fait la moitié du chemin, alors ne tardons pas!"
Après être resté immobile durant une dizaine de secondes, Valnoy poussa un profond soupir, puis haussa les épaules et répondit:
"Comme vous voudrez, Etienne...Mais j'espère que je ne resterai pas longtemps dans ce repaire d'idolâtres!"
De mauvaise grâce, le pasteur suivit la famille Roligny et les cinq chevaliers sacrés jusqu'à la maison de la Balance, que protégeait Dohko. La septième maison du Zodiaque n'était toutefois pas déserte; sur son seuil se trouvait un jeune garçon aux yeux couleur encre de Chine et aux cheveux noirs, le front couvert par plusieurs mèches sombres et portant un habit tout aussi terne. Il salua chaleureusement le chevalier de la Balance:
"Comment te portes-tu, Dohko?"
"A merveille, Sun! Je vais présenter au Grand Pope quatre naufragés que Felipe a recueillis."
"Puis-je t'accompagner?"demanda le jeune garçon du nom de Sun.
Dohko parut hésiter durant cinq secondes, mais finit par répondre:
"Il vaudrait mieux que nous ne soyons pas trop nombreux à parvenir jusqu'au Grand Pope...Cependant, pour toi, je ferai une exception!"
"Merci beaucoup, Dohko!" répondit le jeune garçon en souriant.
Il rejoignit aussitôt le groupe qui commençait à quitter la septième maison. Etienne Roligny se rapprocha alors du chevalier de la Balance et lui demanda:
"S'il vous plaît, Dohko...qui est ce jeune garçon?"
"Ce jeune garçon s'appelle Sun, et il n'est autre que mon cousin et mon disciple! Il n'a que quatorze ans, mais il est plein d'avenir! Lui et moi sommes orphelins et sommes arrivés au Sanctuaire à six années d'intervalle. Il n'avait que huit ans quand il est venu ici, et je venais de gagner l'armure de la Balance. Je l'ai donc pris sous mon aile et son entraînement touchera bientôt à sa fin."
Après ces explications, Dohko se tut jusqu'à ce que lui et les autres arrivèrent à la maison suivante, celle du Scorpion. Leur gardien était un jeune homme aux cheveux mauves et courts et aux yeux verts. Il salua ses trois frères d'or de la main, puis les laissa passer sans dire un seul mot. Shion fit brièvement les présentations:
"Ce jeune homme est Diomède, chevalier d'or de la constellation du Scorpion. Il est né et a gagné son armure sur l'île de Milo, une île réputée pour être envahie par toutes sortes d'animaux venimeux!"
John frissonna en écoutant les paroles du chevalier du Bélier. Ce dernier s'en aperçut et lui dit, avec un petit sourire en coin:
"Je comprends ta réaction...L'armure du Scorpion est sans doute l'une des armures les plus difficiles à conquérir, et ce, depuis la nuit des temps!"
Près de dix minutes plus tard, le groupe arriva devant la maison du Sagittaire, qui était gardée par un jeune homme aux cheveux châtains clairs et bouclés. Il n'était pas seul; à ses côtés se trouvait un colosse musclé aux cheveux roux et bouclés. Le jeune homme se présenta:
"Je suis Philoctète, chevalier d'or de la constellation du Sagittaire, et voici mon disciple, Tellos, chevalier d'argent de la constellation d'Héraclès!"
"Ah...Oui, murmura Catherine, qui était restée silencieuse jusque là. Je me disais aussi que votre apprenti ressemblait beaucoup à ce demi-dieu de la mythologie grecque!"
"Tellos est l'un des chevaliers d'argent les plus puissants du Sanctuaire! Je suis fier de l'avoir comme disciple! dit Philoctète d'un air enthousiaste. Bon, je ne vais pas trop vous retarder; le Grand Pope attend votre venue!"
"Comment le sais-tu?"demanda Felipe, très surpris, à son égal.
"Les nouvelles vont vite, Felipe, se borna à répondre le chevalier du Sagittaire. Traverse ma maison avec les autres chevaliers et ces étrangers."
Ne cherchant guère à comprendre, Felipe salua son homologue d'un signe de la tête et sa hâta de traverser la neuvième maison du Zodiaque. John demanda alors au chevalier du Capricorne:
"Dites-moi, Felipe, Diomède, Philoctète...ce sont des noms qui se trouvent dans L'Illiade d'Homère, n'est-ce pas?"
"Tout à fait, répondit affirmativement Felipe."
"Vous êtes donc nombreux à être grecs au Sanctuaire, n'est-ce pas?"
"La chevalerie d'Athéna est bien plus cosmopolite qu'on ne le pense! Certains chevaliers viennent d'Asie, comme les chevaliers du Taureau, de la Vierge, ainsi que Shion et Dohko ici présents, et certains sont originaires d'autres pays européens! Seuls trois chevaliers d'or sont grecs; les chevaliers du Scorpion, du Sagittaire et des Poissons! Bon, assez parlé, je ne voudrais pas contrarier le Grand Pope..."
John, qui voulait en savoir plus au sujet de ce personnage, décida néanmoins de se taire, pour ne pas contrarier le chevalier d'or. La traversée des dernières maisons du Zodiaque fut plus rapide que prévu, car les maisons du Verseau et des Poissons étaient tout à fait désertes, sans compter la maison du Capricorne, que Felipe ne gardait plus. Aussi, après plus de cent minutes de marche, la famille Roligny, le révérend Valnoy, Sun et les chevaliers sacrés parvinrent devant le palais du Grand Pope. Deux hommes portant la même tenue militaire s'avancèrent alors vers le groupe, la lance à la main. L'un d'eux leur demanda, d'un ton agressif:
"Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici?"
Felipe se détacha du groupe et, à sa vue, les gardes baissèrent leurs armes et firent profil bas:
"C'est vous, chevalier du Capricorne? Vous venez sur ordre du Grand Pope, au sujet de ces quatre naufragés?..."
"Exactement. Et je ne voudrais pas faire attendre plus longtemps le représentant d'Athéna sur Terre. Si vous vouliez donc bien ouvrir la porte derrière vous, je vous en serais infiniment reconnaissant..."
Ne voulant pas contrarier le chevalier d'or, les gardes se hâtèrent d'ouvrir une porte imposante qui séparait le groupe de la salle du trône. Puis, l'un d'entre eux cria dans la direction de la salle en question:
"Grand Pope! Le chevalier du Capricorne est arrivé avec les naufragés et d'autres chevaliers sacrés!"
Une voix grave et rauque répondit dans la seconde qui suivit:
"Qu'ils entrent!"
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John s'interrompit un moment dans son récit, afin de contempler la mine ébahie du révérend Trevor, qui semblait de plus en plus perdu. Le jeune homme lui dit aussitôt:
"Après plus de cent minutes de marche, nous étions totalement fourbus, moi, mes parents, et le révérend Valnoy. Parfois, je me demandais comment les chevaliers sacrés faisaient pour supporter une telle ascension..."
"Je me le demande aussi, avoua le pasteur. C'est insensé, cette histoire relève des contes de fées ou de la magie noire!"
"Elle est pourtant bien réelle, murmura John timidement. Nous sommes donc entrés dans la salle du Grand Pope, où une partie de nos interrogations sur la chevalerie d'Athéna trouverait des réponses..."
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John
D'une allure un peu hésitante, moi, mes parents et le révérend Valnoy sommes finalement entrés dans la salle du Grand Pope. J'avance lentement, derrière mes parents et mon précepteur, les cinq chevaliers sacrés et Sun sont devant nous. Ils s'arrêtent soudainement et s'agenouillent devant une silouhette assise sur un trône. J'entends alors la voix de Felipe, qui commence à m'être familière:
"Grand Pope, Felipe du Capricorne, pour vous servir. Vous m'avez demandé au sujet de ces quatre naufragés que j'ai hébergés?"
Discrètement, je regarde droit devant moi et je distingue mieux la silhouette sur le trône. C'est un homme de grande taille, vêtu d'une soutane noire avec un rosaire autour du cou. Je ne parviens pas à déceler le moindre trait de son visage; il est complètement caché par un casque en or massif, sur lequel je vois la représentation d'un animal ailé. Voilà donc à quoi ressemble ce Grand Pope, que les chevaliers sacrés semblent craindre et respecter profondément. C'est alors que je l'entends répondre au chevalier du Capricorne:
"C'est exact. Felipe, pourquoi as-tu hébergé ces quatre étrangers? Tu sais pourtant très bien que seuls les chevaliers et les gardes ont le droit de se trouver au Sanctuaire!"
"Le dispensaire de Rodorio, s'expliqua Felipe en baissant la tête, était fermé. Je ne pouvais pas les laisser là, ils auraient fini par mourir de faim!"
Ce fut alors que Dohko de la Balance se risqua à prendre la parole:
"Grand Pope, si vous me permettez d'intervenir, je ne pense pas qu'il faille s'alarmer de la présence de ces étrangers au Sanctuaire. Je ne ressens aucune agressivité chez eux, tout au plus un peu d'impulsivité pour l'un d'entre eux..."
A ces mots, mon précepteur, qui s'était senti visé, s'apprêta à vociférer contre le chevalier de la Balance, mais mon père posa sa main sur son épaule en lui disant:
"Révérend, s'il vous plaît, taisez-vous, ce n'est pas du tout le moment idéal pour se mettre en colère!"
Mon précepteur acquiesça de mauvaise grâce. Dohko put alors continuer son récit:
"Grand Pope, je suis convaincu que ces étrangers n'ont pas de mauvaises intentions. Je pense que nous pouvons les héberger temporairement, après, nous aviserons..."
Le Grand Pope se tut durant quelques secondes, puis finit par répondre:
"Hmm...J'ignore si tu sais ce que tu dis, chevalier de la Balance...Tu es le plus jeune membre de l'élite de la chevalerie, tu auras dix-huit ans dans quelques jours...Bien que ta force et ta dévotion envers Athéna soient réelles, l'expérience te fait défaut...Tu le sais, j'ai survécu à la dernière Guerre Sainte, qui eut lieu en l'an de grâce 1538, alors je sais à quoi m'en tenir..."
Le chef de la chevalerie sacrée marqua de nouveau une courte pause, avant de reprendre:
"J'aimerais parler à ces étrangers...Gardes, faites-les avancer, s'il vous plaît..."
Les deux gardes qui surveillaient jusqu'alors la salle du trône vinrent vers nous et nous firent avancer vers leur maître. Quand je fus plus près du Pope, je pus mieux déceler le charisme qui se dégageait de lui, c'était un charisme presque...presque divin! Et pourtant, je ne pouvais vraiment pas penser une telle chose, moi, qui avait toujours suivi les préceptes du christianisme, tels que les avaient définis Calvin et les colons de New Rochelle. Cependant, par respect, j'inclinai ma tête vers le Grand Pope en lui disant:
"Merci pour votre accueil, Grand Pope!"
Mon précepteur n'approuva pas mon comportement; d'un air énervé, il se dirigea vers moi, me prit par les épaules et me dit d'un ton mécontent:
"John! Comment osez-vous saluer cet homme qui obéit à une divinité païenne! Auriez-vous oublié le premier commandement, qui dit que vous n'aurez d'autre Dieu que l'Eternel?!"
Je n'eus pas le temps de répondre au révérend; celui-ci fut soudain empoigné par les gardes qui nous avaient conduits jusqu'au Grand Pope, puis présentés devant lui. L'un des gardes s'adressa à mon précepteur d'un air mécontent:
"Dis donc, toi, tu ne vas pas nous faire de scandale! Alors, tu salues le Grand Pope et tu restes bien sage!"
"Jamais!!! fulmina Valnoy. Je suis un pasteur de l'Eglise réformée, je ne m'incline que devant Dieu!"
Le garde ne se laissa pas intimider et rétorqua:
"Ah bon?! Eh bien, ça tombe bien; le Grand Pope, en tant que serviteur direct d'Athéna, est l'égal de Dieu! Alors, tu le salues et tu discutes pas!"
Et sans ménagement, les deux gardes forcèrent le révérend Valnoy à se prosterner devant le Grand Pope, qui était demeuré impassible.
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"Mais...qui étaient ces rustres?"demanda le révérend Trevor d'un air indigné.
"De simples sentinelles, répondit John. Moi et mes parents n'approuvions pas leur comportement, mais nous n'avons pas osé réagir, ignorant ce qui aurait pu se passer..."
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"C'est un scandale! fulmina le révérend Valnoy après s'être relevé. Moi, un fervent croyant, qui ai lu la Bible dès son plus jeune âge, me faire traiter de la sorte par ces deux individus! Je ne sais au nom de quelle autorité vous parlez, Grand Pope, poursuivit le précepteur de John, mais vous ne m'impressionnez pas!..."
Le pasteur s'arrêta net. Le Grand Pope venait de se lever et une aura dorée l'entourait désormais. John et ses parents s'attendirent à le voir lever la main sur le révérend Valnoy, mais le chef des chevaliers sacrés n'en fit rien; au contraire, il se contenta de regarder fixement l'homme en noir. Ce dernier resta paralysé sous l'effet de la surprise vingt secondes durant, puis il recula lentement. La famille Roligny ne s'y trompait pas: le Grand Pope dégageait un charisme réel, qui avait même forcé Sun et les chevaliers présents dans la salle à baisser la tête. L'aura se dissipa subitement et le Grand Pope se rassit sur son trône. Il resta silencieux pendant encore cinq secondes, avant de reprendre la parole:
"L'incident est clos. Dites-moi, fit-il en s'adressant à Etienne Roligny, pourriez-vous vous présenter à moi?"
Le père de John allait répondre, quand tout à coup, une lueur flamboyante apparut derrière le Grand Pope, une lueur bien plus intense que celle qui avait entouré le représentant terrestre d'Athéna quelques secondes auparavant. Le Pope resta immobile sur son trône quelques secondes durant, puis se hâta de se lever, de se retourner et de s'agenouiller, sans pour autant ôter son casque. La lueur brilla encore un certain temps, puis se dissipa subitement.
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"C'est alors que je l'ai vue, dit John au révérend Trevor. Cette apparition a subjugué tout le monde présent dans la salle, mes parents et le révérend Valnoy y compris, mais bien plus encore les chevaliers sacrés. Il s'agissait d'une ravissante jeune fille, aux longs cheveux noirs et bouclés, avec de superbes yeux verts. Elle était vêtue d'une splendide robe blanche...Mais...Mais plus encore que sa silhouette, c'était ce qu'elle dégageait qui nous a abasourdis...Une...Une sorte d'énergie sereine, douce et chaude...je crois qu'en elle, il...il y avait ce qu'on peut appeler l'Amour, cet Amour que Jésus-Christ avait pour l'humanité...Pardonnez-moi si je vous offense, révérend, précisa le jeune homme en voyant la mine du pasteur se renfrogner, mais c'était ce que moi, mes parents et le révérend ressentions..."
Le révérend Trevor se tortilla les mains pendant un court laps de temps, puis regarda fixement le jeune homme dans les yeux et lui demanda:
"John...Pourriez-vous passer outre cette description et me dire qui était cette jeune fille qui vous a tant marqué?"
Et John de répondre rapidement, d'un ton calme:
"C'était la déesse Athéna, révérend."
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Devant le Grand Pope, les chevaliers sacrés, les gardes et les quatre naufragés, la déesse Athéna venait d'apparaître. Réincarnée sous la forme d'une belle jeune fille de quinze ans, mais toujours aussi disposée à protéger l'humanité contre les forces du Mal. Sans un bruit, elle s'avança vers le Grand Pope, qui lui dit simplement:
"Déesse Athéna, les naufragés recueillis par Felipe, Cristobal et Arkantos sont présents dans la salle."
"Très bien, je vais leur parler." répondit-elle d'une voix douce.
La déesse fit quelques pas, jusqu'à ce qu'elle se retrouvât en face de la famille Roligny et du révérend Valnoy. Elle s'adressa alors à eux en ces termes:
"Etrangers, il n'est pas coutumier pour le Sanctuaire d'accueillir des inconnus. Cependant, je peux sentir que vous n'avez pas d'intentions hostiles. Mais avant d'aller au fond des choses, j'aimerais en savoir plus sur vous...Qui êtes-vous et d'où venez-vous?"
Etienne Roligny prit la parole:
"Je me nomme Etienne Roligny. Mon père, un fervent calviniste, avait fui La Rochelle à la suite de la révocation de l'édit de Nantes et fondé en 1688 avec ses coreligionnaires une petite colonie au Nouveau Monde, nommée New Rochelle. Il était propriétaire d'une manufacture de draps luxueux dont j'ai héritée à sa mort. Avec ma femme, Catherine, nous avons eu un fils, John, qui aura bientôt vingt ans et se prépare à épouser sa promise. Moi, ma femme et son précepteur, le révérend Valnoy, lui avons toujours inculqué les principes conformes à la foi chrétienne enseignée par Jean Calvin et pensons qu'il est prédestiné à faire partie des élus de Dieu!"
John souffla alors à son père:
"Mon père, puis-je poursuivre ce récit?"
"Je te l'accorde, John, je sais que tu sauras être clair auprès de cette jeune fille!"
Le jeune homme enchaîna donc:
"Nous avons quitté New Rochelle, il y a de cela plusieurs semaines, pour nous rendre à Istanbul pour affaires...Malheureusement, hier au soir, un violent orage a causé la perte de notre voilier, de l'équipage et de la plupart de nos marchandises. Sans doute par la volonté de Dieu, nous avons pu gagner les côtes et nous nous sommes perdus. Nous avons finis par tomber d'épuisement et nous nous sommes réveillés ici, sauvés par quelques-uns de vos chevaliers, et je tiens à vous remercier d'avoir sous vos ordres des jeunes garçons aussi généreux."
John s'avança alors vers la déesse Athéna qui, bien qu'étonnée, ne bougea pas. Le fils d'Etienne Roligny lui prit donc la main droite et la baisa solennellement, ce qui contraria les deux gardes présents:
"Mais c'est un scandale! On ne baise pas la main d'une déesse, c'est un blasphème!"
Le révérend Valnoy pensa aussitôt:
"Ils peuvent parler, ces énergumènes! Accuser John de blasphème alors qu'ils vénèrent une idole païenne, ils ne manquent pas d'audace!"
Puis, dans la foulée:
"Quant à John, quel dommage qu'il se soit comporté de cette manière! Pourvu qu'il ne se laisse pas pervertir par ces païens!"
Quant à la déesse, si elle fut surprise au début par l'attitude du jeune homme, elle ne s'en offusqua pas pour autant et se contenta de dire aux gardes:
"Ce n'est pas grave...Vous pouvez vous retirer."
Une fois que les deux sentinelles furent parties, elle dit à Etienne Roligny:
"Vous venez donc de loin et vous êtes arrivés au Sanctuaire grâce à trois de mes chevaliers...Ce qui est une exception, car les terres du Sanctuaire restent inconnues pour le commun des mortels..."
Ce fut alors qu'Etienne Roligny, se rappelant des marchandises qu'il avait pu sauver du naufrage, lâcha:
"Mes caisses de draps! Que sont-elles devenues?"
Arkantos lui répondit:
"Ne vous en faites pas, elles sont en lieu sûr. Mon maître Felipe a ordonné aux gardes de les déposer dans une des pièces de la maison où vous vous trouviez..."
Etienne poussa un soupir de soulagement, puis s'adressa de nouveau à la déesse Athéna:
"Mademoiselle, comme mon fils vous l'a dit, nous faisions route vers l'Empire ottoman, quand un orage a provoqué notre naufrage et notre arrivée ici...Nous ne savons quoi faire désormais..."
Le Grand Pope, qui avait regagné son trône, dit alors:
"En tout cas, vous ne pouvez certainement pas demeurer ici! Les règles du Sanctuaire sont très claires: nous ne pouvons héberger des étrangers dans ce lieu saint!"
"Comment ça?! fit le révérend Valnoy. Auriez-vous oublié la parabole du bon Samaritain, Grand Pope?"
"Les règles du Sanctuaire sont inviolables, insista le chef des chevaliers sacrés. Vous devrez donc partir le plus tôt possible d'ici!"
Le précepteur de John préféra se taire, malgré sa colère, et se contenta de penser:
"Pff...Dans le fond, mieux vaut partir d'ici et fuir ces idolâtres qui semblent n'avoir jamais lu la Bible!"
Tout à coup, la déesse Athéna prit la parole:
"Grand Pope...Je vais faire une exception pour ces étrangers!"
"Comment?! lâcha le Pope. Déesse Athéna, vous n'êtes pas sérieuse?!"
D'une voix à la fois douce et ferme, Athéna répliqua:
"Je suis très sérieuse, Grand Pope. Ces étrangers ne me semblent pas hostiles, nous nous devons de leur accorder l'hospitalité pour une période temporaire, le temps qu'ils puissent repartir pour l'Asie Mineure! Etrangers! dit-elle en se tournant vers la famille Roligny et le révérend Valnoy. Je vous accorde l'hospitalité pour quelques jours, à condition que vous ne quittiez pas le Sanctuaire durant cette période. Acceptez-vous?"
Etienne Roligny hésita durant quelques secondes; d'un côté, il ne voyait pas comment il pouvait accepter l'hospitalité d'une déesse païenne, fût-elle aussi généreuse. Lui, un fervent chrétien, avait du mal à se résoudre à être hébergé dans un Sanctuaire dédié à Athéna. Pourtant, de l'autre côté, il avait senti tout l'Amour qui se dégageait de la jeune fille, un Amour équivalent à celui enseigné dans les Evangiles, un Amour tel qu'il semblait facile de lui céder. Finalement, penchant vers l'Amour qui se dégageait d'Athéna, il finit par répondre:
"Mademoiselle, nous acceptons votre proposition. Nous resterons quelques jours au Sanctuaire, le temps de faire nos préparatifs pour poursuivre notre voyage en Asie Mineure."
"Excusez-moi, demanda Sun, qui était resté muet jusqu'alors, vous n'allez pas vous reposer?"
"Mon jeune ami, rétorqua le révérend Valnoy, l'homme n'est point fait pour le repos! L'oisiveté et le loisir sont les signes qui trahissent ceux qui n'ont point été prédestinés à la vie éternelle! La famille Roligny est une famille vouée au labeur et à la réussite économique, signe de son élection divine!"
Le cousin de Dohko resta muet devant ce récit de la profession de foi puritaine. Etienne Roligny lui précisa aussitôt:
"Pour autant, si aujourd'hui, nous allons nous consacrer à l'étude et à nos préparatifs de voyage, demain, nous nous reposerons, car demain est le Jour du Seigneur, où nous devons nous reposer et ne nous consacrer à aucune tâche! Bon, nous allons rentrer dans notre abri temporaire...John, Catherine, révérend, suivez-moi..."
Les quatre rescapés quittèrent donc discrètement la salle du trône. Une fois qu'ils eurent tout à fait disparu du champ de vision de la déesse Athéna, du Grand Pope, de Sun et des chevaliers sacrés, ceux-ci commencèrent à parler de la nouvelle situation qui se présentait désormais devant eux:
"Déesse Athéna, demanda Cristobal du Toucan, êtes-vous sûre de ce que vous faites?"
"Tout à fait sûre, Cristobal. De toute façon, quand viendra pour eux le moment de nous quitter, nous saurons comment faire pour nous assurer qu'ils oublient tout de notre existence."
Dohko de la Balance esquissa un sourire en écoutant les paroles de la jeune fille. Mais le Grand Pope ne partageait pas un tel optimisme:
"Athéna, avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée d'héberger ces étrangers. N'oubliez pas que, d'ici à quelques jours, le Mal va réapparaître sur Terre et nous livrera une bataille sans merci! Ce sera une terrible épreuve pour les soixante dix-huit chevaliers sacrés, et..."
Dohko interrompit subitement son supérieur:
"Excusez-moi, Grand Pope, mais je crois que vous devriez dire soixante dix-neuf chevaliers!"
Le Grand Pope resta muet pendant quelques secondes, puis poursuivit:
"Hmm...Il est vrai que, sauf accident, ton cousin Sun ici présent rejoindra les rangs de la chevalerie d'Athéna dans peu de temps! Enfin, ce n'est qu'un détail...Athéna, dit-il en se tournant vers la déesse, je continue de rester perplexe devant votre décision...Outre l'imminence de la Guerre Sainte contre le Maître des Ténèbres, ces gens-là ne me semblent guère sympathiques, ils me paraissent extrêmement ancrés dans leur foi..."
"N'est-ce pas le cas de tous les colons du Nouveau Monde? répliqua la jeune fille. De plus, si l'on excepte le cas du pasteur du groupe, ils ne me semblent pas si rigides qu'ils en ont l'air...Nous avons nous-même notre propre exemple de rigueur morale..."
"Vous voulez parler de Lévi?"demanda Arkantos.
La déesse répondit avec un sourire au chevalier Pégase, puis s'adressa de nouveau au Grand Pope:
"Grand Pope, ma décision est irrévocable: les Roligny et le révérend Valnoy pourront rester ici pendant quelques jours! Vous, qui avez survécu à la dernière Guerre sainte et avez été nommé chef des chevaliers sacrés en raison de votre dévouement à mon égard, vous hasarderiez-vous à critiquer ma volonté?"
Le sang du Pope ne fit qu'un tour; il répondit immédiatement:
"Absolument pas, ma déesse. Il y a 205 ans, l'on disait de moi que j'étais votre serviteur le plus dévoué, et je ne veux pas faillir à mon devoir!"
"Vous avez bien parlé, Grand Pope, sourit la jeune fille. Je m'en vais retourner dans mon temple, désormais..."
Athéna quitta alors la salle du trône à un rythme lent, mais régulier, laissant seuls le Grand Pope, Sun et les cinq chevaliers sacrés. Quant la déesse fut bel et bien partie, le Grand Pope prit la parole:
"Chevaliers, je n'ai plus rien à vous demander pour le moment...Vous pouvez disposer."
Les cinq chevaliers et Sun s'inclinèrent devant le représentant terrestre d'Athéna, puis prirent congé de lui. Le Pope quitta alors son trône pour pouvoir contempler le paysage entourant le Sanctuaire et songea:
"Il me faudra donc gérer deux affaires désormais...Le combat contre les forces du Mal et ces étrangers...Athéna, s'il vous plaît, aidez-moi à être digne de ma tâche, comme lorsque je faisais partie de votre chevalerie!"
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"Ainsi, vous avez pu résider au Sanctuaire d'Athéna, vous, vos parents et votre précepteur?" demanda le révérend Trevor à John.
"Tout à fait, révérend. Le reste de la journée fut consacré aux préparatifs de notre voyage en Asie Mineure et à l'étude, étant donné que le lendemain, nous devrions respecter le repos imposé par l'Eternel!"
Le jeune homme marqua une brève pause, avant de poursuivre:
"Le lendemain allait marquer le début du lent cheminement qui me pousserait à commettre ce que je suis venu vous révéler ce soir, révérend..."