Mémoire de Camus du Verseau, 13 septembre 1973
Note : Ce texte remplace la version précédemment écrite à cette date. Originellement rédigée codée sur les branches d’un flocon créé par mes pouvoirs. Texte recopié tel quel.
Ces mémoires sont les premières à ne pas être rédigées à la suite de celles des précédents chevaliers du Verseau.
Trop dangereux pour le moment. Ecrirai une version inconséquente à la place dans le grimoire.
Les recopier au bon endroit à un moment dans le futur paraît incertain. Toutefois : Sanctuaire a subsisté et ai vécu assez longtemps pour le faire si vous êtes en train de les lire.
Nouveau régime vient de s'instaurer sur le Sanctuaire. Il est parfaitement capable de nous espionner par tous les moyens possibles.
Ai découvert cette réalité la nuit dernière.
Deathmask du Cancer et Shura du Capricorne ont traversé mon temple dans la nuit. Prétendaient apporter au Grand Pope le rapport du premier.
Les ai laissés passer. Néanmoins ai préféré les suivre.
Trahison imprévisible d'Aioros du Sagittaire déjà mentionnée hier encore fraîche.
Ai utilisé pouvoirs sur le froid pour les suivre. Méthode utilisée pour devenir virtuellement invisible : stopper mouvements atomiques du corps, réguler toutes émissions d'énergie.
Les ai donc suivis jusqu'au temple des Poissons. Là, ai assisté à discussion animée. Démonstration argumentée de Deathmask : Aioros n'a pas trahi, un usurpateur a pris la place du Grand Pope. Informations apportées par Aphrodite des Poissons désignent obligatoirement Saga des Gémeaux.
Aphrodite et Shura inexplicablement pas convaincus par cette conclusion de Deathmask. Le Cancer n'est pas un bon chevalier. Sa folie le rend incontrôlable et imprévisible.
Cependant examen objectif de ses arguments montre qu'il a obligatoirement raison.
Les ai ensuite laissés partir jusqu'au Palais du Grand Pope. Avaient l'intention d’y confondre le Pope.
Aboutissement de leur visite prévisible. Les suivre ne pouvait apporter plus d'informations.
Sont revenus du Palais une heure plus tard, Shura en premier. Seule conclusion possible : ont décidé de servir le Grand Pope malgré son imposture.
Avenir devient incertain.
Mémoires de Praesepe du Cancer, 16 décembre 1973
Les dernières semaines ont été agitées, et il m’a été bien difficile de trouver le temps de mettre à jour ces notes.
Athéna est à présent à l’abri, au Japon.
Après l’avoir filé pour apprendre son identité, puis m’être renseigné en utilisant certains anciens réseaux de Sion, il s’avère que l’homme qui l’a recueillie est à la tête d’un immense empire financier. Cela est à la fois positif, car cela signifie qu’il a d’importantes ressources pour la protéger, et potentiellement négatif dans le sens où son profil est peut-être trop public. Néanmoins, se cacher à découvert peut également être une tactique payante.
Quoi qu’il en soit, je ne peux pas me permettre de tenter de le contacter pour le moment.
En outre, comme me l’avait demandé Aioros, j’ai récupéré la mère de la déesse, Sophia.
Celle-ci était fort peu ravie d’être une nouvelle fois impliquée contre son gré dans les affaires internes du Sanctuaire. Malgré tout, consciente du danger qui pèse désormais sur elle, elle a accepté de me suivre, même si de mauvaise grâce, et nos relations restent glaciales.
En revanche, mes craintes initiales sur le fait qu’elle me gêne dans ma tâche de créer des fausses pistes pour attirer Saga se sont rapidement évaporées. Même si elle n’a plus accès au cosmos de la déesse, elle n’est pas sans ressources, loin de là.
Nous avons ainsi échappé d’extrême justesse à Aphrodite voici huit jours, et sans la vigilance et les réflexes de Sophia cela aurait pu très mal tourner.
Il est d’ailleurs probable qu’avec un entraînement adapté elle serait capable d’éveiller son propre cosmos. Mais, d’une part, nous n’en avons pas le temps dans l’immédiat, et, d’autre part, je ne suis pas certain qu’elle en ait réellement envie.
Nous y penserons quand nous pourrons nous poser quelque temps à un endroit.
Mémoires de Praesepe du Cancer, 2 septembre 1977
J’ai appris la mort d’Amalthée du Capricorne aujourd’hui. J’ai d’abord réagi très violemment, mais Sophia m’a convaincu de ne pas me rendre en Espagne.
Je ne peux pas m’empêcher de penser que Saga est derrière cela, et que l’un de ses hommes de main, mon élève maudit ou alors Aphrodite, a tué ma vieille amie. Néanmoins, je dois reconnaître la validité des arguments et des précieux conseils de Sophia.
Amalthée aurait eu soixante treize ans cette année, et je sais que lors de la guerre contre Mardouk elle avait reçu des blessures très graves, dont elle n’a jamais pleinement récupéré. Comme elle n’avait en outre à ma connaissance jamais utilisé son cosmos pour ralentir son vieillissement, la possibilité d’une mort naturelle est crédible.
Et surtout, que Saga soit responsable ou pas, il ne fait en tout cas aucun doute que je suis attendu là-bas. Nous sommes rentrés dans une phase cruciale de la préparation de la venue de la nouvelle chevalerie, je ne peux pas me permettre de mourir maintenant ou d’interrompre mes communications avec Graad. Il m’a fallu suffisamment longtemps pour établir un semblant de relation de confiance. Kido n’est pas idiot, il sait forcément que j’en sais bien plus que les informations que je lui transmets. Même s’il semble avoir accepté que je garde mes secrets, cela reste trop fragile pour que je me laisse distraire ou prenne des risques inconsidérés.
Je n’en saurai donc probablement jamais plus sur le sort de ma vieille amie.
J’espère qu’Amalthée aura eu la mort douce qu’elle méritait, mais le doute me rongera éternellement.
Mémoires de Praesepe du Cancer, 13 août 1980
Cela a commencé. La fondation Graad a envoyé les cent enfants dans les différents centres d’entraînements que je lui ai indiqués. Ils ont déjà été préparés le mieux possible au sein de l’orphelinat, grâce aux instructions que j’avais fait passer.
Mais malgré cela, combien réussiront, combien échoueront ? Je n’en ai pas la moindre idée. Tout ce que je peux espérer est que les chevaliers dont Aioros a prophétisé la venue seront bien parmi ces enfants. Néanmoins, même si une dizaine obtiennent leur armure de bronze, que pourront-ils faire face à Saga ?
Mes doutes sont particulièrement visibles, mais je peux m’appuyer sur le soutien sans faille de Sophia. Sa jeunesse et son entrain permettent à l’homme vieillissant que je suis de continuer à avancer.
Mémoires de Saga des Gémeaux, 3 avril 1983
Nous avons à présent la certitude que cette larve de Mû nous soupçonne d’être un imposteur.
Aphrodite est en effet revenu de la mission que nous lui avions confiée, et il nous a rapporté que Mû avait refusé d’obtempérer quand il s’est vu ordonné de rentrer au Sanctuaire. Comme nous nous attendions que ce lâche de traître le fasse !
Il a prétexté avoir du travail à faire qui le retenait à Jamir, et que seul un cas de force majeur justifierait son retour. L'enfoiré, nous balancer un mensonge aussi grossier !
Il savait très bien que nous n’en croirions pas un mot, mais il savait aussi que nous pouvions nous satisfaire de cet état de fait tant qu’il reste éloigné.
Soit, dans cette situation, nous pouvons tous prétendre que tout est parfaitement normal, mais le message et son insolence sont claires.
De toute façon, il serait difficile de le faire revenir par la force ou de l’éliminer. Tout ça parce que cet éphèbe d’Aphrodite n'a pas osé agir quand Aac et d’autres guerriers müviens sont apparus aux côtés du Bélier ! Nous savons qu’Aac a des pouvoirs équivalents à un chevalier d’or, et il n’est peut-être pas le seul Müvien dans ce cas. Admettons, mais dans ce cas nous devrions tous les tuer un par un et effacer leur menace !
Cependant ils n’ont pas cherché querelle à Aphrodite, et comme celui-ci avait ordre de ne pas utiliser la force, tout est resté très courtois. Néanmoins, là aussi, le message est clair ! Mû est effectivement sous la protection des siens. Raison de plus pour les éliminer ! Cependant le risque serait de perdre le secret de la réparation des armures.
Ils se défient de nous, nous ne devrions pas le permettre : nous avons tué Sion pour ce genre d'erreur !
Nous le tolérerons cependant, et, malgré sa défiance à notre égard, nous pensons qu’il reviendra bel et bien en cas de force majeure, et que nous pourrons donc compter sur lui quand la guerre viendra. Nous sommes d'accord sur ce point.
Cela est rassurant, car il est un élément stratégique clé du futur conflit.
Conflit qui, si ce que nous avons découvert lors de nos retraites au Mont Etoilé et dans les notes du vieux fou est bien exact, aura lieu dans quatre ans.
Cela passe avant tout. Tant que Mû restera dans sa montagne et n’interférera pas dans nos projets et la préparation de la bataille, nous pourrons continuer à jouer son jeu.
Mémoires de Praesepe du Cancer, 8 juin 1984
Nous avons officiellement fêté l’ouverture de notre orphelinat aujourd’hui.
Les chambres accueillent déjà quinze pensionnaires, qui nous ont rejoint depuis l’ouverture effective, dont quatre appartiennent au groupe de cent envoyés par la Fondation Graad à la conquête des armures voici bientôt quatre ans. Evidemment, celle-ci ne sait pas que l’argent que nous lui réclamons depuis le début sert à cela…
Ces enfants sont brisés par les épreuves qu’ils ont traversées au cours de leur entraînement, et par leur échec dans leur tentative de devenir chevalier. Ces blessures sont tant physiques que mentales.
Guérir ces traumatismes, les réhabiliter et les réinsérer dans la société va nous demander beaucoup de temps et un travail considérable, mais Sophia et moi sommes déterminés à mener cette tâche à bien, d’autant plus depuis le décès de Kido.
Depuis le début, j’étais conscient du fait que nous allions sacrifier l’immense majorité d’entre eux. Mais j’espère, qu’au bout, ces dizaines de vies brisées permettront de préparer la venue d’un monde meilleur. Aujourd’hui je comprends plus que jamais le poids qui pesait sur les épaules de Sion pendant ces deux cent cinquante ans où il a préparé la chevalerie.
Evidemment, comme nous allons désormais rester au même endroit, la possibilité que Saga nous retrouve, s’il continue à nous chercher, est réelle. Mais je pense que la simulation de notre mort d’il y a quelques années a porté ses fruits et qu’il nous croit bel et bien à jamais hors de son chemin.
Sophia et moi acceptons le risque, car il en vaut la peine.
Mémoires de Deathmask du Cancer, 9 juin 1984
J'arrive pas à croire que je suis en train d'écrire dans cette connerie de bouquin.
Si ça c'est pas la preuve que j'ai la tête complètement à l'envers !
Je serais très étonné que quelqu'un lise jamais ces mots. Et si ça arrive, le plus probable c'est que ce soit toi, Saga. Et que donc tu ne serais plus qu'à quelques secondes d'envoyer Aphrodite et Shura me faire la peau. Ça serait intéressant à voir, cela dit !
Bref, jouons ce jeu à la con jusqu'au bout. Si tu me lis, tu te demandes sûrement pourquoi le psychopathe de service se découvre tout à coup une vocation littéraire.
Ben le truc, c'est que j’ai enfin retrouvé mon maître, ainsi que cette femme dont tu veux la mort par la même occasion. Les abrutis se sont subitement dit que ça pimenterait un peu leur existence de devenir imprudents après toutes ces années. Ou alors c'est qu'un nouvel exemple de gens qui m'ont pris pour plus bête que je ne suis.
Bref, il s’avère qu’ils s’occupent d’orphelins, pour une raison qui m’échappe complètement. En tout cas, Athéna n’est pas avec eux. Et quelque part il valait mieux pour eux.
Car, Saga, bien que je t’ai dit que je les avais enfin éliminés, et bien en fait je me suis barré sans même qu’ils ne me voient.
Et la raison pour laquelle je suis pour la première fois en train d'écrire dans ce bouquin débile comme Praesepe me l'avait demandé, c'est que je n'avais foutrement aucune idée de comment expliquer ma décision.
Mais là je me rends compte que le vieux nègre n'était en fait pas totalement à côté de la plaque quand il me disait que d'écrire pour un éventuel successeur avait également un intérêt pour moi. Car si je reste persuadé qu'un jeune blanc-bec en aura rien à foutre de mes histoires (et, franchement, le plus probable si j'écrivais toutes les saloperies que tu m'obliges à faire, Saga, ça serait qu'il fasse dans son froc plutôt que d'en tirer une leçon), je reconnais qu'en quelques lignes ça m'a déjà bien éclairci l'esprit.
Du coup, après réflexion, j’imagine à présent que voir mon maître en compagnie de cette femme a réveillé des souvenirs d’une autre femme que je croyais oubliés depuis longtemps.
En même temps, la femme en question ne doit être plus qu'un joli tas d'os et ça ne lui ferait ni chaud ni froid que je trucide son homme. En plus, c'est pas que j'en ai pas diablement envie à la base !
Mais voilà, je suis reparti la queue entre les jambes comme une bleusaille de chevalier de bronze qui n'a pas encore trucidé son premier adversaire. Comme si j'avais peur qu'elle revienne de l'autre monde me botter le cul.
Ce qui a dû jouer aussi, c'est que Praesepe est devenu une lopette avec l’âge. C’est plus un danger. S’il voulait agir contre notre régime il l’aurait déjà fait. Et maintenant, je sais où ils sont et je peux aller leur faire la peau quand ça me chante.
Et quelque part, c'est assez jubilatoire de pouvoir un peu t'enfler, arrogant de Saga. Si tu m'avais expliqué aussi pourquoi tu voulais que je tue cette femme, je me serais peut-être forcé.
Bon, par contre, je me dis que ça serait définitivement une mauvaise idée que tu tombes là-dessus, et qu'il va falloir que je fasse quelque chose à ce sujet. Tant pis pour mon éventuel blanc bec de successeur !
Et puis je me laisse quand même quelques jours pour décider définitivement si je ne vais pas les tuer malgré tout…
C'est que j'ai une réputation à tenir moi !
Mémoires de Praesepe du Cancer, 17 mars 1986
Finalement, ça ne sera pas Saga qui nous aura trouvés, mais Athéna elle-même, ou Saori Kido, puisque c’est ainsi qu’elle se fait appeler. Cela est relativement logique néanmoins, puisqu’elle est arrivée jusqu’à nous en remontant la piste des enfants envoyés par son père adoptif aux quatre coins du monde.
Plus de cinquante d’entre eux sont actuellement dans notre orphelinat, et dix autres l’ont été dans les années précédentes avant que nous ne les renvoyons chez leurs mères, pour ceux qui en avaient encore, ou dans leur famille maternelle.
D’après mes informations, environ une dizaine sur les cent conservent des chances réelles d’obtenir une armure. En cherchant à obtenir la même évaluation, Athéna s’est rendue compte que nombre d’entre eux avaient disparu après la fin de leur entraînement, puis elle a réalisé que la Fondation, dont elle est la présidente, finançait dans les faits indirectement un second orphelinat dont elle ignorait tout.
Athéna est donc arrivée chez nous à l’improviste, escortée par ses hommes. Elle a inspecté les lieux et s’est assurée que les enfants étaient bien traités.
Sophia a forcément été émue de voir l’enfant qu’elle avait portée en elle, mais je n’ai pas l’impression que la déesse l’ait remarqué. A vrai dire, Athéna ne m’a pas vraiment fait une bonne impression et m’a même semblé être une enfant gâtée. Il n’a pas paru lui effleurer l’esprit que, théoriquement, cela aurait dû être à elle de penser au devenir de ces gamins. Néanmoins, j’imagine qu’elle a l’excuse de l’âge.
Cela m’a également donné l’occasion de rencontrer Tokumaru Tatsumi, que je n’avais fait qu’apercevoir en 1973, et avec qui je communique depuis la mort de Kido. Evidemment, lui ne sait pas que je suis sa mystérieuse source anonyme. Ils nous ont en effet cru lorsque nous leur avons dit que nous ignorions qui nous finançait, et que nous ne faisions qu’utiliser l’argent placé sur un compte par notre bienfaiteur.
Evidemment, j’aurais pu lui révéler nos identités… Mais ce n’est pas ce qu’Aioros voulait, et le rôle auquel il me destinait est à présent terminé. Athéna devra à présent gagner cette guerre avec ses jeunes chevaliers.
Mémoires de Camus du Verseau, 3 mars 1987
Le jour est arrivé.
J’ai recopié l’intégralité de mes mémoires dans les grimoires.
Ces mots seront probablement la dernière trace écrite que je laisserai.
Alors que j’écris ces lignes, les jeunes chevaliers de bronze fidèles à la déesse Athéna sont en train de livrer bataille dans la Maison du Scorpion, face à mon ami Milo.
J’ai sauvé il y a quatre heures Hyoga du Cygne de l'autre dimension où Saga l'avait envoyé.
Je l'ai ensuite enfermé dans un cercueil de glace. Puis j’ai quitté la Maison de la Balance, convaincu d'avoir échoué dans ma tâche de former un chevalier capable de renverser l'usurpateur.
Je suis cependant bien obligé de qualifier de miracles irrationnels ce qu'ont accompli depuis les compagnons de mon élève. Ils ont vaincu ou tenu tête à plusieurs de mes frères d'armes.
Hyoga lui-même a été libéré de la glace. Il tient en ce moment même la dragée haute à Milo.
Cela confirme donc qu’ils sont ceux dont Aioros avait prophétisé la venue, juste avant sa mort.
Mon élève sera-t-il à la hauteur de ses amis ? J’en aurai le cœur net s’il parvient jusqu’ici pour me défier à nouveau.
Sa faiblesse d’esprit est pourtant rédhibitoire. Ou alors Gienah avait-il finalement raison quand il prétendait que mon manque de sentiments était un handicap ? Ma défaite contre lui venait-elle de cela, et non de mon manque d'expérience doublé du fait qu'il connaissait tous mes arcanes ?
Quoi qu’il en soit, ces jeunes chevaliers arriveront jusqu’à Saga. J’en suis sûr à présent, mais je ferai tout mon possible pour jouer mon rôle jusqu’au bout, et tenter de les stopper.
L’erreur qui avait été faite sur le statut et le rôle de notre ordre de chevaliers d’or m’est apparue de plus en plus clairement. Cela m’est venu au cours des dernières années, pendant la formation de Hyoga, puis au cours des derniers mois, lors des premières victoires de ces gamins. Je ne comprends presque pas avoir été le seul à le voir.
Pendant près de deux cent cinquante ans, notre génération a été attendue. Son émergence, minutieusement préparée, a été saluée comme l’arrivée des héros qui allaient seconder Athéna lors de la Guerre Sainte.
Tout le monde pensait que la génération d’Akiera, Praesepe et Sérapis était celle des formateurs. Et donc que la nôtre allait être celle des combattants.
Il est aujourd’hui clair que nous sommes les formateurs.
Ou, plus exactement, que nous sommes l’épreuve de passage, le révélateur qui permet aux véritables héros de se manifester pleinement. Cet état de fait incontestable concerne la totalité des onze chevaliers d’or survivants. Que nous soyons conscients ou pas de la supercherie de Saga, que nous combattions sciemment sous ses ordres, ou que nous nous opposions à lui, ne change rien.
Déjà, lors de guerre contre Mardouk, notre victoire militaire n’a fait que permettre au Babylonien et aux siens d’aller défier Ordre avec Aioros.
De même, aujourd’hui, notre future défaite permettra avant tout aux chevaliers de bronze d’acquérir l’expérience et les pouvoirs nécessaires pour vaincre Saga. Plus tard, ils s’appuieront dessus pour remporter la Guerre Sainte, voire pour partir à l’assaut du domaine des dieux, tels les géants des mythes.
Au cours de son histoire, notre génération aura ainsi livré deux batailles majeures. Les deux fois elle aura, parfois sciemment, combattu du mauvais côté. Si ces événements deviennent une légende qui se perpétue dans la tradition, nous n'en serons pas les héros, mais les vilains. Des êtres si imbus de leurs pouvoirs et de leur supposée importance, qu’ils sont incapables de discerner la vérité même en étant mis face à elle. Des archaïsmes attachés au passé et s’opposant aux forces de changement.
J’espère malgré tout que, en tant que groupe, nous aurons l’occasion avant la fin de compenser le poids colossal de nos erreurs et de nos insuffisances.
Mais, en attendant cette éventuelle opportunité, la seule façon de nous racheter est de faire en sorte que ceux qui auront finalement à remplir notre mission à notre place en soient capables.
Bientôt les chevaliers de bronze seront là, et ils ne pourront franchir cet endroit qu’après m’avoir prouvé leur valeur.