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Cette fiche vous est proposée par : Le Passant


Chasse Eternelle

"Ridicule."

      Ce fut la dernière chose qu'entendit l'apprenti chevalier avant d'être projeté à une dizaine de mètres. L'arène entière retenait son souffle. Jamais de l'histoire du Sanctuaire on avait vu pareil massacre. Le sol poussiéreux de la surface de combat était parsemé des victimes du combat, et même si la plupart étaient encore vivants, certains avaient déjà expiré tant la lutte était violente.

"J'ATTENDS UN ADVERSAIRE !" s'écria le jeune homme encore debout. Grand, élancé, il se tenait fièrement au centre et balayait les gradins du regard, cherchant quelqu'un à affronter. Malgré la sueur qui trempait sa tenue d'entraînement, il n'avait nullement l'air fatigué, au contraire, et sa volonté d'en découdre était presque palpable.

      De la partie la plus élevée des gradins, un peu à l'écart, quelques hommes observaient la scène...

"Il est plutôt doué... admit l'un d'eux, les bras croisés, scrutant attentivement le combattant. D'une taille surprenante, il dominait largement toutes les personnes présentes. Encore plus que sa taille, le calme et la sagesse qui semblaient émaner de lui forçaient le respect.

- Plutôt doué ?! Il est TRES doué tu veux dire ! Il est bien plus que ça même !"

      L'enthousiasme se sentait dans la voix du plus jeune des quatre observateurs. Il était à l'opposé du premier : de taille modeste, plus jeune que ses compagnons, et particulièrement surexcité. C'est d'ailleurs avec peine qu'il se retenait de dévaler les gradins pour ressentir lui aussi les joies du combat.

"Rien ne dit que l'armure l'acceptera..." Le géant surveillait du coin de l'oeil son cadet, à la fois amusé par son impatience et inquiet de son impulsivité.

- Bien sûr que l'armure l'acceptera. Elle lui revient de droit. Il a la puissance nécessaire, et c'est un guerrier né. Elle est faite pour lui."

      Le troisième venait de prendre la parole. Il était fier de son disciple. Il en était même extrêmement fier, et il pouvait difficilement le cacher à ses compagnons, tellement le sourire qui s'étalait sur son visage était large.

"Il est trop violent...si il n'apprend pas à se maîtriser un minimum, il n'arrivera jamais à rien. Il a déjà tué plusieurs novices !

- Ils savaient ce qu'ils risquaient. On ne devient pas chevalier quand on espère vivre tranquillement.

- Est-ce vraiment une raison ?

- C'est la loi du Sanctuaire.

-...bien évidemment..."

      Contrairement aux trois autres, celui-ci affichait clairement sa désapprobation. Les cheveux d'un noir de jais, un regard dur, il était l'image même de la discipline et de la rigueur. Et pour l'instant, celle de la colère.

"Le grand chevalier du Sagittaire aurait-il peur de la concurrence ? "

      Le sourire moqueur du jeune effronté s'effaça bien vite quand deux pupilles furieuses se braquèrent sur lui. Et la cosmo-énergie du chevalier offensé de s'intensifier, au point que tout ceux capables de la ressentir se figèrent un instant, et se tournèrent vers les quatre hommes. Puis la colère qui flottait dans l'arène faiblit peu à peu, avant de s'éteindre complètement quand le chevalier du Sagittaire tourna le dos à ses homologues et repartit en direction des douze temples.

"...il est vraiment désespérant. Quelqu'un lui a déjà dit qu'il manquait d'humour ?

- Et toi, on t'a déjà dit que le tien était déplacé ? "

      Le jeune regarda ses aînés, secoua la tête, puis leva les bras au ciel dans un signe de résignation, avant de s'en aller à son tour.

" Irrécupérables...vous êtes irrécupérables ! " leur lâcha-t-il en partant.

      Les deux compères restants se jetèrent un coup d'oeil en coin, puis se tournèrent pour le voir quitter l'arène...et éclatèrent de rire quand il manqua de percuter une colonne en se retournant pour reluquer sans vergogne deux jeunes filles venues du village voisin.

      Yaga avait observé la scène, comme tout le monde, du centre de l'arène. Autant il ne supportait que difficilement le chevalier du Sagittaire, autant celui du Capricorne lui était sympathique. Il trouvait peut-être en ce dernier la fantaisie qui lui manquait à lui même. Le chevalier du Taureau, ce géant...à défaut de toujours le comprendre, il le respectait, comme tout le monde. Quant à son maître...il ne pouvait rêver mieux, même si un peu plus d'entraînement ne lui aurait pas déplu.



 
     Il faisait chaud dans l'arène...si chaud. Le ciel de Grèce, dénué du moindre nuage, laissait se déchaîner un soleil de plomb. Il ne s'y ferait décidemment jamais. La chaleur, combinée à la poussière, rendait l'air irrespirable, et Yaga était épuisé, même si il se refusait à l'admettre, et à le laisser paraître. Et bien qu'il désirait plus que tout faire ses preuves, et combattre, encore et encore, pour se perfectionner, c'est avec soulagement qu'il vit son maître descendre des gradins pour le rejoindre, et l'entraîner vers la sortie.

"Tu as bien combattu aujourd'hui...c'est le moins qu’on puisse dire...

- Merci maître...mais j'aurais pu continuer plus longtemps..."

      Yaga faisait tout pour masquer sa fatigue. Il était peut-être très fort, mais combattre sous ce soleil infernal, pendant des heures, contre plusieurs adversaires tous aspirants chevaliers était épuisant. Son maître affichait un sourire indulgent, mais Yaga n'était pas satisfait de sa journée. Il n'avait toujours pas fait ses preuves.

"N'essaie pas de te faire plus dur que tu ne l'es. Il est inutile de combattre jusqu'à l'épuisement total. L'entraînement, oui...le combat à outrance, non."

      Ils marchèrent plusieurs minutes, en direction du village où la plupart des chevaliers et disciples logeaient. Le jour se terminait, et le soleil avait déjà bien entamé sa descente...les grecs disaient de lui qu'il était un dieu...son maître brisa soudain le silence :

"Yaga, évite de porter des coups mortels.

- Mais maître, ces combats présentent un risque, les partic...

- Ce n'est pas en tuant les autres aspirants chevaliers que tu te feras respecter. La mort fait peut-être partie des risques, mais si on peut l'éviter, autant le faire, non ?

- Ils connaissaient les risques. La mort fait partie intégrante de la formation et...

- Ce n'est pas une excuse pour ôter la vie de tes semblables. La mort est une possibilité, mais pas une fatalité. Les battre, oui. Prouver que tu es meilleur, oui. Mais pas les écraser de cette façon."

      Le ton s'était fait dur. Il était visiblement content de ses victoires aujourd'hui, mais ses recommandations sonnaient comme un avertissement. Yaga tourna les yeux vers le soleil couchant, qui éclairait la roche nue de couleurs chaudes. Le temple et les douze maisons, au loin, resplendissaient littéralement, reflétant de leurs murs blancs les rayons de l'astre. Cette montagne fascinait Yaga, et cette vision onirique lui arrachait à chaque fois un sourire rêveur.



 
     Ce sourire, le chevalier du Cancer le connaissait bien. Chaque jour, il voyait son élève s'émerveiller, et chaque jour, il se demandait ce que lui ressentirait en découvrant le nord, loin au delà des frontières de la Grèce. Jamais il n'avait quitté son pays natal. Né près du Sanctuaire, il lui avait été confié très jeune, et élevé pour le combat, par des combattants. Il ne connaissait que le Sanctuaire, et lui consacrait sa vie. Il avait maintenant 22 ans, et sa vie entière avait toujours été dédiée à Athéna et aux nécessiteux. Et ce sont ces valeurs qu'il essayait d'inculquer à son apprenti, jeune garçon, venu d'un pays du nord du continent, où la culture guerrière prévalait.

"Ces jeunes garçons ne sont pas tes ennemis. Tu dois les respecter.

- Je suis désolé. J'ai parfois du mal à...contrôler ma force.

- Justement...il est impératif que tu apprennes à la maîtriser."

      Ils étaient enfin parvenus devant la maison du jeune homme. Yaga alla s'asseoir, ou plutôt s'écrouler, sur le pas de la porte. Il était décidemment encore plus fatigué qu'il ne l'avait cru. Il leva les yeux vers son maître, le regarda quelques secondes, puis finit par lui poser une question :

"Quand aura lieu l'épreuve finale pour l'armure ?

- Demain.

- De...demain ? Mais pourquoi vous ne m'avez pas prévenu ?! "

      L'apprenti était abasourdi. Il attendait ce jour depuis des années, et voilà qu'on lui annonçait la veille au soir. Il était à présent désemparé. Il aurait voulu s'entraîner plus, plus longtemps, contre de meilleurs adversaires, développer de nouvelles techniques. Mais maintenant il n'avait plus le temps. Son maître dut voir son affolement, car il s'empressa de le rassurer :

"Calme-toi, ça ne sert à rien de s'exciter comme ça.

- Mais...mais c'est demain ! Et je ne suis pas prêt ! Pourquoi vous ne m'avez pas prévenu ?!

- Qu'est ce que ça aurait changé ? Ca t'aurait même plus perturbé qu'autre chose. Maintenant, tu te reposes, et tu ne penses pas à demain. Je viendrai te chercher à l'aube."

      Sur ces paroles, le chevalier du Cancer tourna le dos à son élève et s'éloigna, en direction du Sanctuaire.

"MAÎTRE, ATTENDEZ !"

      Yaga s'était relevé d'un bond, pour peut-être essayer de retenir le chevalier. Il avait besoin d'explications sur l'épreuve, il devait au moins savoir à quoi s'attendre ! Mais en voyant que celui-ci s'en allait, sans même se retourner, il retomba assis, à l'entrée de sa masure. Une fois de plus, il laissa traîner son regard sur le soleil couchant. Il y était finalement. Il s'était entraîné, il avait survécu. Et maintenant, il ne savait pas quoi faire. Il ne sentait pas prêt, et il avait peur. Pas de mourir, non...mais simplement d'échouer.



 
     Anxieux, il alla se coucher, mais il ne pouvait dormir, tellement l'épreuve du lendemain l'oppressait. Après deux heures d'efforts vains pour se calmer, il commençait à renoncer au sommeil. C'est alors qu'il entendit des bruits au dehors. Quelqu'un rôdait, en pleine nuit, près de sa maison. Prêt à bondir, tout ses sens en alerte, il retint sa respiration et cessa de bouger, avant de tendre l'oreille. Plusieurs personnes, qui rasaient les murs. Réagissant promptement, il se plaça à côté de la porte, en silence, et attendit que celle-ci s'ouvre pour accueillir de manière appropriée ses visiteurs. Quand le premier ouvrit la porte, il fut projeté en dehors de la maison par un vif coup de poing au visage. Le deuxième, au dehors, recula brusquement pour ne pas rester dans la trajectoire, avant de voir avec effroi une grande silhouette sombre apparaître dans l'encadrement de la porte. C'est la dernière chose qu'il vit, avant que l'ombre ne se jette sur lui. Un coup à l'estomac avant qu'il ne puisse réagir. Un coup en plein visage, et du sang. Ce furent ses derniers moments de lucidité avant de sombrer dans l'inconscience.



      Yaga se tenait là, en pleine nuit, tenant son adversaire inconscient par le col. Celui qui avait cherché à pénétrer chez lui s'était maintenant relevé. Yaga jeta un coup d'oeil autour de lui, puis un sourire mauvais fendit son visage et il jeta dédaigneusement son fardeau. Quatre autres disciples l'entouraient, et à présent il pouvait les reconnaître : tous Grecs, tous éliminés lors des combats. Le sourire se fit encore plus large.

"Alors, vous n'en avez pas encore eu assez ? Vous voulez qu'on remette ça ?

- Tais-toi, barbare ! Cracha le plus proche de Yaga.

- Tu n'as rien à faire ici ! Seul un Grec est digne de porter une armure sacrée ! lança un autre, mais sans trop s'approcher.

- Si seul un Grec est digne de porter cette armure, vous risquez d'attendre longtemps avant qu'elle ne soit utilisée...le ton était calme, mais sarcastique.

- TAIS-TOI ! "

      Et les quatre agresseurs de se précipiter sur Yaga. Ce qu'ils n'avaient pas prévu, c'est que leur adversaire chargerait lui aussi: il fonça sur les deux qui lui faisaient face. Se baissant pour esquiver un coup au visage, il lança son poing dans l'estomac du deuxième, qui décolla du sol sous la violence de l'impact. Avant qu'il n’ait touché le sol, Yaga s'était retourné, et souriait de toutes ses dents à celui qu'il avait esquivé. Furieux, ce dernier attaqua, mais Yaga para facilement le coup de poing, bloquant la main de son adversaire. Immobile une bonne seconde, le fixant d'un regard plus que méprisant, il finit par lui briser le poignet, lui éclata la rotule d'un coup de pied et l'acheva d'une droite au visage. Ne restait que les deux autres, qui avaient stoppé leur course pour observer. L'un d'eux, complètement terrorisé, fit volte-face et s'enfuit.

"Pauvre Gryllus...tout seul...le sourire de Yaga se fit cette fois tout à fait carnassier.

- Tu crois, barbare ? "

      Yaga sentit soudain quelqu'un le saisir par derrière. Le petit avorton qu'il avait étalé d'un coup de poing à l'estomac, et qu'il croyait assommé pour le compte. Ca lui apprendra. Se débattant comme il put, il ne réussit toutefois pas à se débarrasser de lui. Pendant ce temps, Gryllus se plaça à quelque pas, et fut progressivement entouré d'une aura bleu clair.

"Maintenant, barbare, nous allons bien voir si tu t'en sors !"

      Et Gryllus commença à rouer de coups son ennemi. Sans être particulièrement puissants, ils étaient cependant nombreux, le cosmos l'aidant à frôler la vitesse du son. Son comparse, qui retenait Yaga, avait d'ailleurs du mal à ne pas reculer.



   
   Yaga, lui, encaissait comme il pouvait. Ses adversaires le blessaient moins physiquement que moralement. Cela faisait des années, depuis qu'on l'avait traîné jusqu'au Sanctuaire, que tous, ou presque, le rejetaient. Venu du nord, il était pâle, ses traits étaient loin de ressembler à ceux des Grecs. Des années qu'il subissait les moqueries de ses soi-disant camarades d'apprentissage. Et ceux-ci, frustrés de se voir dépassés, voulaient maintenant fausser l'épreuve finale. L'empêcher, lui qui avait tout donné pour cette armure, de la revendiquer légitimement. Assez. Les coups continuaient à pleuvoir, mais Yaga n'en avait plus cure.

"Alors, pâlichon, tu n'en a pas encore assez ?!"

      Gryllus jubilait. Il tenait enfin sa vengeance, lui qui avait été battu par Yaga durant les grands combats de l'arène. Il frappait, et frappait encore, sans remarquer que Yaga ne cillait même plus. Qu'il ne semblait plus souffrir. Le Grec s'arrêta soudain, écarquilla les yeux, et recula de quelques pas. Un halo mauve commençait à émaner de Yaga. Grisé par la joie malsaine de frapper un homme sans défense, il n'y avait pas prêté attention.



      Sans quitter Gryllus des yeux, le fixant d'un regard dur et impitoyable, Yaga lança son coude en arrière, droit dans le plexus de l'avorton, qui lâcha sa prise sous le choc. Il lui expédia un deuxième coup de coude, cette fois-ci en plein visage. L'avorton s'écroula, le nez cassé, le visage en sang. Et Yaga ne cessait de braquer ses yeux noirs sur Gryllus, sans dire un mot.

"Tu ne m'auras pas aussi facilement, je suis bien plus fort que lui !"

      Gryllus intensifia encore son cosmos. Yaga l'observait sans bouger, en pensant qu'il aurait pu devenir chevalier, si il n'était pas aussi vaniteux. Qu'importe, il s'en moquait à présent. Deux forces s'opposaient maintenant au milieu de la nuit, et plusieurs personnes émergeaient des maisons alentour, réveillées par le fracas du combat. Il vit Gryllus se remettre en position de combat, et l'attaquer de toutes ses forces. Yaga esquiva le premier coup de poing, para le deuxième, et sauta pour esquiver le pied de son adversaire. Les pieds ayant à peine touché le sol, il contra un nouvel assaut. Il riposta d'un coup de poing, bloqué par son adversaire. Puis il chercha à briser du pied le genou de Gryllus. Celui-ci esquiva d'un bond en arrière. Erreur fatale, le "barbare" s'étant précipité en avant. Il l'avait bousculé pour le déstabiliser puis l'avait saisi à la gorge, et le soulevait le plus haut possible. Gryllus tentait de se dégager en le frappant, mais son allonge était trop longue, et il commençait à suffoquer. Puis Yaga le fit passer au dessus de lui, avant de le projeter brutalement et de le plaquer au sol du pied. Plus de sourire moqueur de la part de Yaga, plus d'insultes de Gryllus. C'était bien fini. L'apprenti du Cancer serra le poing, et le leva, visiblement pour achever le vaincu. Un rictus apparut brièvement sur son visage, et Yaga amorça le coup (pas les écraser de cette façon), une seconde de battement (Ces jeunes garçons ne sont pas tes ennemis) et il abattit le poing (Ce n'est pas en tuant que tu te feras respecter)...avant de retenir son coup. Yaga regarda sa main, l'ouvrit. Puis il regarda Gryllus, et cessa de lui écraser la poitrine. Se calmant progressivement, son aura déclina, pour disparaître complètement quand il se dirigea silencieusement vers sa masure. Les spectateurs s'écartaient sur son passage, mais il ne leur prêta pas la moindre attention. Quand il disparut derrière la porte, les blessés furent aidés par les habitants. Fou de rage, Gryllus essayait vainement de reprendre sa respiration. Repoussant ceux venus pour le relever, il clopina sur quelques mètres, puis se mit à courir. Les gens ne s'en préoccupèrent pas.

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