FAQ
![]()
Saint Seiya
![]() Figurines
![]() Fanfics
![]() Fan Arts
![]() |
Cette fiche vous est proposée par : squekky Initiation
L’aube se profilait sur les contours du Sanctuaire. Aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres. Il régnait au Sanctuaire un esprit de retrouvailles mêlé à une atmosphère lourde et tendue. Tout le monde au sein du domaine sacré pouvait le ressentir. Car aujourd’hui, l’ensemble des douze Chevaliers d’Or allait se réunir dans la grande Salle du Conseil, après plus de six ans d’absence. C’était en outre la première fois depuis six ans que l’Ordre se retrouvait au complet.
Arnaud, qui venait pourtant juste de se réveiller, sentait cette tension. Il allait rencontrer tous ses frères d’arme ensemble pour la première fois. Parmi les douze grands, deux lui était encore inconnus, le Chevalier des Gémeaux et celui du Cancer. Il ne savait rien de ces deux personnes ; juste que Laure du Cancer passait pour une personne très sympathique et que le Chevalier du Gémeaux portait le nom de Renji. Arnaud se replongea dans ses souvenirs. Lorsqu’il avait été sacré Chevalier du Scorpion, Laure et Renji étaient en mission sur ordre du Grand Pope. Il s’abandonna à sa rêverie, se remémorant les six années passées au Sanctuaire. La seule fois où il aurait pu rencontrer le Chevalier des Gémeaux et celui du Cancer était le jour où l’Armure des Poissons avait enfin trouvé un porteur. Le douzième Chevalier d’Or avait été sacré ce jour-là, complétant la garde rapprochée du Grand Pope. Mais Arnaud avait lui aussi été envoyé en mission quelques jours avant, ratant de ce fait la cérémonie et les deux Chevaliers qui lui étaient alors inconnus.
Au même moment dans le Palais du Pope, les premiers Chevaliers arrivaient. François, comme à son accoutumée, était le premier sur place. Revêtu de son Armure d’Or du Verseau, il dégageait une prestance et un charisme inégalés. Son diadème à la main, il contempla gravement la grande voûte représentant les douze constellations. Chaque étoile brillait d’une lueur chaude et amicale, prouvant la présence de son protégé au Sanctuaire. Derrière lui venait Leti, Chevalier d’Or des Poissons, intimidée de pénétrer en ce lieu sain. Elle était encore subjuguée par cette salle ; ce n’était que la deuxième fois qu’elle y pénétrait. Elle se rappelait encore de sa première impression. C’était il y a peine quatre mois. Leti savait qu’elle se souviendrait toujours de ce moment. Elle se replongea un instant dans ses souvenirs… ------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Quatre mois plus tôt…
Leti était avec François dans sa maison, la onzième du Zodiaque. Celle-ci était circulaire, fait que le Chevalier du Verseau appréciait hautement. Au moins, disait-il en riant, cela la démarquait des autres temples du Sanctuaire. Revêtu de son Armure, il expliquait à Leti les modalités de sa future rencontre avec les autres Chevaliers. Il ne voulait pas qu’elle s’inquiète. Juka serait aussi présent au sacre de son disciple ; il était l’invité du Grand Pope pour la cérémonie. - Tu ne connais pas encore le Sanctuaire Leti, ni ses habitants, lui expliquait-il. Une fois sacrée, tu feras la connaissance de tes frères d’arme. Dont je fais partie, ajouta-t-il avec un sourire un peu narquois. Ça l’avait fait rire, sur le moment. Plus tard, elle se souviendrait de cet instant, et le trouverait nettement moins comique. - Tous les Chevaliers d’Or, au nombre de douze, sont égaux entre eux. Ils doivent obéissance et fidélité au Grand Pope, représentant de la Déesse de la Sagesse et de la Guerre Juste, Athéna, poursuivit François. Tu me suis, Leti ? Leti hocha la tête tout en attachant ses cheveux en une queue-de-cheval haute. Il faisait lourd et humide au Sanctuaire, et elle ne supportait plus ses boucles brunes collées à sa nuque. - Tu découvriras aussi ta Pandora, bien sûr. Elle te sera remise à la fin de la cérémonie. Tu seras alors officiellement sacrée Chevalier d’Or. Leti, Chevalier d’Or d’Athéna, de la constellation des Poissons, précisa François avec un sourire chaleureux. A ces mots, Leti sentit son cœur s’accélérer. Elle, Chevalier d’Or… Les combattants les plus puissants de l’Histoire, les Chevaliers d’Or… Les mythiques protecteurs d’Athéna... Elle en ferait bientôt partie. Elle sentit une boule dans sa gorge, appuya ses bras sur son ventre noué par l’excitation, et s’obligea à prendre une profonde inspiration. François lui lança un regard inquiet. Bien sûr, son angoisse était des plus normales, mais il aurait préféré la savoir plus calme. - Ou Chevalière des Poissons ? tenta-t-il, en un effort pour détendre l’atmosphère. - Ça se dit, Chevalière ? demanda Leti intriguée. - Non, admit François en riant, je ne crois pas. A ma connaissance, on dit Chevalier, même pour une fille. - Bande de machos, grommela la jeune fille, faussement outrée. - Hmm… Moui, c’est bien possible, réfléchit son compagnon en se frottant le menton. C’est possible, répéta-t-il, l’air le plus sérieux du monde. Leti n’y tint plus et éclata de rire, aussitôt imitée par François. Son angoisse s’était un peu atténuée, et elle songea qu’après tout, tout Chevalier était passé par là, qu’il soit Or, Argent ou Bronze. Elle ne faisait pas exception, voilà tout. Elle s’y ferait, un point c’est tout. François reprit ses explications quelques minutes plus tard, et Leti s’obligea à l’écouter attentivement, recalant toute peur au plus profond d’elle-même. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous convoqués au Palais du Grand Pope. Lorsque Leti pénétra dans la grande salle, son premier réflexe fut de compter les personnes présentes. Elle en dénombra neuf. Neuf Chevaliers d’Or, qu’elle identifia sans peine à leur Armure. Plus François debout devant elle et le Grand Pope, reconnaissable à sa tenue imposante ; cela faisait onze. Et elle, douze. Manquait à l’appel le gardien de la huitième Maison, Arnaud du Scorpion. François l’avait prévenue de cette absence, aussi ne s’en étonna-t-elle pas ; elle savait que le Chevalier du Scorpion était en mission sur ordre du Grand Pope. François avança de quelques pas, et Leti sentit son cœur rater un battement. Là, au centre de la pièce, trônait une boite dorée d’environ un demi mètre de côté. Elle brillait de mille feux sous les rayons du soleil, qui pénétraient à flot dans la pièce. L’urne était frappée aux six faces d’un signe zodiacal que Leti identifia aisément, la gorge nouée : face à elle, accrochant particulièrement bien la lumière, deux poissons d’or s’enlaçaient, se détachant nettement de la surface métallique. La Pandora de l’Armure des Poissons. Figée sur place, Leti ne pouvait détacher ses yeux de l’urne sacrée. Elle était si absorbée par sa future Armure qu’elle ne remarqua même pas Juka, debout près de la protection, face à elle, un sourire radieux aux lèvres. Qu’il était fier de son disciple ! Son disciple qui, pour l’instant, n’osait plus respirer, clouée sur le seuil de la pièce. Juka étouffa un rire, et d’un discret mouvement de tête, fit signe à François. Le Chevalier du Verseau se retourna et vit Leti bouche bée à quelques pas derrière lui. Se retournant, il lui toucha légèrement le bras en murmurant son nom. La jeune fille sursauta, comme si elle émergeait d’une longue torpeur, et reprit soudain conscience des personnes qui l’entouraient. Le regard grave, lourd, pesant même, des neuf Chevaliers d’Or, la puissante aura du Grand Pope, la main de François sur son bras, son sourire encourageant, et… Comment ne l’avait-elle pas remarqué plus tôt ! Juka… Les yeux brillants, Leti s’avança vers son maître, mais celui-ci lui fit comprendre du regard de ne pas trop s’approcher. Elle s’immobilisa sur place, incertaine de ce qu’il lui faudrait faire, inquiète de l’impression qu’elle donnait d’elle-même, mais néanmoins réconfortée par la présence de Juka et François. Le Grand Pope se leva, aussitôt imité de l’ensemble des Chevaliers assis autour de la table. Leti se sentit défaillir lorsque François se dirigea vers sa propre place auprès de ses compagnons, la laissant seule au centre de la pièce. La jeune fille balaya rapidement du regard les onze autres personnes qui composaient l’assemblée, histoire de se donner une contenance. Elle espérait que personne ne remarquerait sa pâleur ni le tremblement qui l’agitait. « Peu probable, songea-t-elle avec ironie. On n’est pas Chevalier d’Or pour rien… » Après quelques secondes de lourd silence, le Grand pope Moyï prit la parole. - Leti, en mon nom et celui de tes futurs frères d’armes, je te souhaite la bienvenue. Mon nom est Moyï, et je remplis les fonctions de Grand Pope, chef et dirigeant du Sanctuaire d’Athéna. Tu vas bientôt rejoindre nos rangs, il est donc tout à fait normal que tu fasses la connaissance de tes compagnons, les Chevaliers d’Or. Je tiens à m’excuser de l’absence du Chevalier du Scorpion, Arnaud. Il est en mission pour l’instant, mais nous rejoindra incessamment. Moyï se tut, et Leti sentit qu’il la fixait sous son casque. Attendait-il une réponse ? Elle hocha maladroitement la tête, comme pour accepter les excuses du Grand Pope. Ce devait être la réaction escomptée, car Moyï reprit aussitôt la parole. - A présent, la cérémonie peut débuter. Leti, avant d’être sacrée, tu devras prêter serment à Athéna. Te sens-tu prête ? tonna-t-il presque. Pétrifiée, comme écrasée par sa propre peur et la prestance du Grand Pope, Leti inclina brièvement la tête, incapable de prononcer un mot. L’atmosphère, de lourde qu’elle était, devint carrément tendue ; les dix Chevaliers d’Or étaient visiblement nerveux à l’idée d’accepter un nouveau Chevalier dans leurs rangs. Leti frémit en sentant cette formidable puissance contenue dans les cosmos des guerriers réunis autour d’elle, et jeta un regard désespéré en direction de Juka. Son maître se contenta de lui adresser un regard bienveillant, ainsi qu’un sourire encourageant, avant de reporter son attention sur la Pandora à ses côtés. La voix du Grand Pope résonna, grave et profonde. Il parlait lentement, sans doute pour s’assurer que Leti comprendrait chaque mot du serment qu’elle s’apprêtait à prêter à la Déesse de la Sagesse. - Moi Leti, gardienne de la justice et de la paix, Leti jeta un rapide coup d’œil autour de la table ovale. A sa tête, se tenait le Grand Pope Moyï, de taille élancée, dégageant une aura de sérénité et de calme. Une nouvelle vague de panique l’envahit. Serait-elle capable de renoncer à sa vie pour Athéna ? Etait-elle assez forte pour sacrifier jusqu’à sa vie si besoin était ? Avait-elle assez de puissance pour protéger le Sanctuaire et la Terre ? En un mot, avait-elle ce qu’il fallait pour devenir un Chevalier d’Or ? Le cosmos de François s’intensifia, le soutenant encore. Leti frissonna et ne put s’empêcher de penser que François était bien gentil de l’aider ainsi, mais tout de même, devait-il absolument refroidir l’air autour de lui ? Son cosmos était pourtant tout ce qu’il y avait de plus chaleureux, songea-t-elle ironiquement. A l’aura du Chevalier du Verseau se mêla soudain une autre, bien plus familière à Leti. Celle de Juka. Juka qui avait placé tant d’espoirs en elle, combien de fois le lui avait-il répété ! D’une part son maître, de l’autre son tuteur et guide dans la nouvelle vie qui l’attendait, deux amis qui la soutenaient, qui avaient foi en elle, attendaient impatiemment sa réponse. Leti releva violemment la tête, rejetant ses cheveux sur ses épaules, et fixa durement le masque du Grand Pope, là ou, supposait-elle, se trouvaient les yeux de Moyï. Sa voix se fit ferme, presque cassante tandis qu’elle répétait mot pour mot le serment prononcé un instant plus tôt par le Grand Pope. - Moi Leti, gardienne de la justice et de la paix, Moyï inclina lentement la tête. Leti sentit la tension des Chevaliers d’Or grimper d’un cran. - Très bien, Leti, dit le Grand Pope d’une voix claire. Je t’autorise dès à présent à revêtir l’Armure d’Or des Poissons ! Revêtir l’Armure des Poissons ? Mais comment ? Leti jeta un regard perdu autour d’elle ; les dix Chevaliers d’Or présents autour d’elle portaient bel et bien leurs protections, mais comment les avaient-ils revêtues ? Leti tourna la tête vers Juka, mais celui-ci ne la regardait pas. La jeune fille sentit ses mains devenir moites, elle les essuya nerveusement sur son pantalon. Et soudain, une formidable énergie sembla exploser autour de la table. Leti vacilla, et tourna la tête en direction de cet immense cosmos. Debout autour de la table sur laquelle ils s’appuyaient de leurs poings, les dix Chevaliers d’Or faisaient doucement brûler leur cosmos, auxquels se mêlaient les auras des Armures d’Or. Leurs visages étaient tous masqués, même dans le cas de ceux qui ne portaient qu’un diadème pour casque. Leti ne voyait qu’un nuage d’or auquel se mêlaient les différentes couleurs du cosmos de chaque Chevalier flotter au-dessus de la table, baignant les dix guerriers de son intense lumière, renfermant un pouvoir démesuré. Leti ne put s’empêcher de songer qui si jamais ce pouvoir était libéré… Elle préféra ne pas y penser. Mais pourquoi les Chevaliers d’Or se comportaient-ils ainsi ? Elle jeta un nouveau regard à Juka, qui lui souriait, apparemment amusé de la situation. Et soudain, Leti comprit. A ses côtés, les Chevaliers d’Or lui montraient le moyen d’endosser son Armure. Chacun d’entre eux était en harmonie parfaite avec sa protection, et Leti sut que c’était là le seul moyen de se faire accepter de l’Armure des Poissons. Avec une pensée reconnaissante envers ses frères d’arme qui l’avaient définitivement acceptée parmi eux, comme ils venaient de le lui prouver, Leti s’avança vers la Pandora aux côtés de Juka, la tête haute. La boîte dorée vibrait, et Leti sentit que l’Armure était impatiente d’en sortir. Juka s’éloigna de quelques mètres, et l’aura des Chevaliers d’Or retomba, jusqu’à devenir presque nulle. Ils lui avaient montré le chemin, à elle de se débrouiller à présent. Avec un léger sourire, Leti intensifia doucement son cosmos, et la Pandora sembla exploser, révélant la protection sacrée qu’elle renfermait. Là, devant Leti, flottant à environ un mètre du sol, une Armure d’Or représentant un poisson vibrait d’un puissant cosmos, brillant d’un éclat tel que Leti plissa les yeux. La jeune fille tendit la main vers l’Armure, comme pour la toucher, mais se ravisa, et fit plutôt brûler son cosmos un peu plus fort. Et l’incroyable se produisit. Leti sentit l’aura de l’Armure changer, comme si elle essayait de se coupler à la sienne. Se concentrant sur le cosmos de la protection, Leti essaya à son tour de se mettre en harmonie avec l’Armure. Et soudain, la protection se mit à vibrer de plus en plus intensément, et s’entoura, en plus de son aura dorée, d’un cosmos de couleur vert eau, celui de Leti. Le souffle coupé, la jeune fille regarda son aura se fondre dans le cosmos de celle qui était désormais son Armure, ressentant cette parfaite harmonie qui les unissait dorénavant. Il lui semblait que chaque vibration de la protection correspondait à un battement de son cœur. Elle eut l’impression d’avoir devant elle un animal qui ne demandait qu’à la rejoindre. Elle donna une dernière poussée à son cosmos, et se surprit à parler à son Armure. « Viens », mumura-t-elle. L’Armure des Poissons explosa en morceaux, et vint recouvrir son corps. Leti admira les doubles épaulettes, le magnifique plastron richement orné, les longues jambières, la jupe aux arêtes tranchantes, tourna et retourna le casque entre ses mains, l’examinant sous tous ses angles. Elle pivota sur ses talons et fit face aux Chevaliers d’Or et au Grand Pope, les yeux brillants ; elle était radieuse. Du coin de l’œil, elle vit Juka, un immense sourire aux lèvres, et reporta son regard sur François, qui la fixait gravement, mais dont les yeux brillaient également. La voix du Grand Pope Moyï résonna de nouveau dans le profond silence qui régnait à présent dans la salle de conseil. - Leti. L’Armure d’Or des Poissons t’a reconnue et acceptée comme son légitime porteur. Tu as également prêté serment à Athéna, lui jurant fidélité quoi qu’il arrive. Tu es à partir de ce moment, Chevalier d’Or d’Athéna, de la constellation des Poissons. Puisses-tu ne jamais être détournée de ton devoir, et servir la Chevalerie de toute ton âme ! Sans un mot, Leti posa un genou à terre et inclina la tête, en signe de respect et de soumission. Dans un froissement de sa toge, le Grand Pope quitta la salle, imité quelques secondes plus tard par les Chevaliers d’Or. Lorsque Leti se releva, il n’y avait plus que Juka et François dans la pièce, qui la félicitèrent chaleureusement. François était aussi fier d’elle que Juka, à croire qu’il l’avait lui-même formée. Leti les remercia de leur soutien, mais s’excusa rapidement auprès d’eux ; elle voulait à tout prix parler à Clément du Capricorne. Elle s’élança hors de la salle de conseil à la poursuite du Chevalier d’Or, qu’elle rattrapa sur les premières marches qui menaient aux douze Temples du Zodiaque. - Clément ! Attends un peu ! Le Chevalier du Capricorne se retourna, son casque à la main. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu’il reconnut Leti, et il regarda venir vers lui la jeune fille, sans esquisser le moindre geste. Elle se planta face à lui, le fixant droit dans les yeux. A présent, elle était sûre de ne pas se tromper. - C’est toi, souffla-t-elle. C’est toi que j’ai rencontré à Marseille ! N’est-ce pas ? - Tu te sentirais plus rassurée, si je te disais que c’était effectivement moi ? répliqua-t-il avec un petit rire narquois. Leti haussa les épaules, soi-disant avec désinvolture. - Bah… Un peu, oui, quand même… Au moins, je saurais à quoi m’en tenir ! La jeune fille le fixait durement. Il avait bien une tête de plus qu’elle, et une mèche brune retombait sur ses yeux sombres. Les ornements en or blanc de son Armure brillaient particulièrement fort au soleil, rehaussant délicatement les contours de la protection. Il hocha enfin la tête, sans se départir de son sourire ironique. - Oui, c’est moi que tu as rencontré. J’étais curieux de voir le dernier Chevalier d’Or. Je voulais juste te rassurer, et te dire que tu n’étais pas seule. Mais j’ignorais que Juka avait décidé que François serait ton tuteur. Si j’avais su, je n’aurais pas été à Marseille, conclut-il avec un haussement d’épaules, le ton un peu boudeur. - C’est tout ? C’est seulement pour ça ? Rien d’autre ? demanda Leti avec un regard suspicieux. - Ouais, c’est tout… J’étais curieux, répéta-t-il. Bon, moi, j’ai à faire, je dois y aller, conclut-il brusquement. - Mais… ! Attends, je n’en ai pas terminé avec toi ! Mais Clément pivota sur ses talons, l’ignorant complètement. - A un de ces quatre, peut-être, jeta-t-il par-dessus son épaule avant de dévaler les marches des Temples. Leti serra les poings, de rage et de frustration. - Mais pour qui il se prend, celui-là ! Je lui parle ! Il croit qu’il peut m’ignorer comme ça ?! Elle mourait d’envie de se lancer à la poursuite de Clément, mais jugea qu’un scandale le jour de son sacre serait du plus mauvais effet. De toute façon, Clément était là, au Sanctuaire ; il n’irait nulle part. Elle aurait tout le loisir de lui remettre la main dessus quand elle le voudra. Se calmant petit à petit, elle regarda le Chevalier du Capricorne disparaître à l’intérieur du Temple des Poissons, puis tourna les talons et alla rejoindre François et Juka. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------ - Leti ? Ça ne va pas ? La voix de François résonna dans la pièce, tirant la jeune fille de ses songes. Le Chevalier du Verseau s’était déjà installé à sa place autour de la table, et lissait de la main les notes que lui avait envoyées le Grand Pope. Il la fixait, l’air inquiet. - Il y a quelque chose ? - Hmmm ? Oh… non, non… Je me souviens, la première fois que je suis venue ici… Elle n’acheva pas sa phrase, et eut un petit rire nerveux. - Première et dernière avant aujourd’hui, la taquina François. Leti hocha la tête avec un sourire, et s’assit à sa place, à la gauche de François. C’était la première fois qu’elle s’installait sur ce siège. Elle réalisa brusquement qu’elle avait été appelée à siéger au Conseil en tant que Chevalier d’Or, et se sentit fière d’avoir été choisie pour accomplir cette fonction. Elle détourna les yeux de son casque qu’elle contemplait pensivement, et les porta sur François ; plongé dans ses notes, il ne faisait plus attention à elle. Elle se levait pour faire quelques pas lorsque deux personnes pénétrèrent dans la salle. Math du Taureau et Arnaud du Scorpion, revêtus de leur Armure, les saluèrent du geste ; Math déposa son casque devant son siège et s’approcha de François. Arnaud fit le tour de la salle du regard, assez nerveux ; cette tension au Sanctuaire lui était insupportable. Ses yeux croisèrent ceux de Leti, qui lui sourit timidement : les deux benjamins du Sanctuaire assistaient à leur tout premier Conseil. Leur soutien mutuel leur serait précieux, le moment venu… François et Math discutaient à voix basse lorsque trois nouveaux arrivants firent leur apparition : Ariane du Sagittaire, Charlène de la Vierge et Thomas du Lion. Les Chevaliers du Verseau et du Taureau se portèrent à leur rencontre. Thomas les salua entre deux bâillements. Le Chevalier du Lion accusait la fatigue du voyage ; la veille encore, il était en Amérique Latine avec François et Leti. Il massa ses yeux cernés par le manque de sommeil, posa lourdement ses mains sur ses cheveux coupés très courts, comme pour soulever le poids qui pesait sur sa nuque, et lança à François un regard faussement lourd de reproches. - Non mais… Regarde-toi ! Comment tu fais pour être aussi frais après un tel voyage ? Et Leti, alors ? Elle a jamais entendu parler de décalage horaire ? Mais comment vous faites, tous les deux !? - Sais pas, répliqua François en haussant les épaules. On sera probablement crevés ce soir, t’en fais pas, ajouta-t-il en riant. Leti apparut derrière François, un large sourire aux lèvres. - Non Thomas, Juka ne m’a jamais parlé de décalages horaires ! Qu’est-ce que c’est ? C’est la cause de ta sale tête ce matin ? lança-t-elle, une lueur malicieuse dans le regard. Le Chevalier du Lion secoua la tête, maugréant entre ses dents, et se laissa tomber lourdement sur son siège. - Je vous déteste, tous les deux. C’est injuste, vous devriez être au moins aussi fatigués que moi ! François et Leti éclatèrent de rire, imités par Arnaud et Math. Charlène gloussa et Ariane eut un sourire bienveillant. Qu’ils en profitent, songea-t-elle. Ce ne sont sûrement pas de bonnes nouvelles que va nous annoncer Moyï, ce matin. Qu’ils en profitent… Aya du Bélier et Renji des Gémeaux vinrent interrompre ce moment d’hilarité. Eux aussi étaient arrivés dans la nuit, et s’étaient à peine reposés. Renji alla saluer Ariane et Charlène, adressa un bref signe de tête aux autres Chevaliers présents, déposa son casque sur la table et s’avança vers Arnaud, main tendue. Les deux Chevaliers firent rapidement connaissance ; Arnaud fut impressionné par Renji. Un peu plus grand que la moyenne, bien bâti, le Chevalier des Gémeaux portait les cheveux mi-longs, ce qui affinait son visage aux traits Népalais. Sa voix grave et profonde, sa prestance, son calme qui n’avait rien à envier à celui de François, tout en lui laissa une impression des plus favorables à Arnaud. Aya, la fluette Chevalier du Bélier, dont la tête disparaissait littéralement entre les imposantes cornes qu’elle portait sur les épaules, se glissa vers Ariane et Charlène et entreprit de leur faire part de sa mission. Arrivèrent enfin les trois retardataires, Steph de la Balance, Clément du Capricorne et Laure du Cancer. L’Ordre était enfin réuni pour le conseil. Les douze constellations de la voûte rayonnaient entre elles ; une formidable puissance semblait flotter dans l’air, tel un lourd nuage invisible. Les douze Chevaliers de la garde rapprochée d’Athéna, les douze combattants les plus puissants de l’Histoire se tenaient dans cette pièce. Ariane prit soudain la parole, ramenant rapidement le calme autour d’elle. Elle invita les Chevaliers à s’asseoir en attendant le Grand Pope Moyï, qui allait arriver à tout instant. Le silence se fit immédiatement, et chacun alla s’installer à sa place, le regard grave. Les douze Chevaliers d’Or étaient tendus, les Armures vibraient de cette nervosité dont faisaient preuve leurs porteurs. Chacun montrait clairement son inquiétude, et ne cherchait même pas à s’en cacher : un Conseil était toujours un évènement extraordinaire au Sanctuaire. Aya jouait nerveusement avec ses doigts ; Math pianotait impatiemment sur la table ; Laure se mordillait les lèvres, le regard fixé droit devant elle ; Thomas s’agitait sur sa chaise, mourant d’envie de se lever ; Charlène mâchait avec application une mèche de ses cheveux ; Steph était relativement calme, mais sa pâleur démentait son flegme apparent ; Arnaud jetait des regards inquiets autour de lui, soudain très intéressé par ses collègues et l’architecture de la salle ; Clément passait et repassait sa main dans ses cheveux noirs, les faisant se dresser sur sa tête ; quant à Leti, elle tremblait tout simplement d’excitation, incapable de se maîtriser. Il n’y avait que Renji, François et Ariane qui semblaient au-dessus de cette atmosphère d’inquiétude. Le Chevalier des Gémeaux avait remis son casque et gardait la tête baissée sur sa poitrine ; il avait l’air profondément endormi, mais ses compagnons se doutaient bien qu’il ne faisait que se concentrer sur garder son calme. Quant à François et Ariane, plus ou moins habitués à ces situations de crise –ce n’était pas la première fois qu’ils assistaient à un Conseil- ils bavardaient assez tranquillement par-dessus la tête de Clément, assis entre eux. Clément qui, passablement agacé, finit par proposer à François d’échanger de place, histoire que les Chevaliers du Verseau et du Sagittaire puissent discuter à leur aise. François lui conseilla avec un sourire de garder son calme, vu qu’après tout, lui et Ariane étaient les seuls à avoir un comportement un tant soit peu normal. La remarque s’adressait à tous les Chevaliers d’Or, qui se sentirent honteux de leur attitude puérile, bien qu’elle soit justifiée. Petit à petit, la tension diminua dans la pièce, le calme revint parmi les Chevaliers, qui s’étaient décidés à suivre l’exemple de leurs aînés ; ce fut ce moment que choisit Moyï pour pénétrer dans la Salle du Conseil. D’un même geste, les douze Chevaliers d’Or se levèrent et s’inclinèrent face à l’autorité du Sanctuaire. Le Grand Pope hocha la tête, et les invita du geste à se rasseoir, ce qu’ils firent immédiatement. Lui-même resta debout à la tête de la table, appuyé sur ses mains. Il balaya du regard l’assemblée ; il avait face à lui douze personnes qui pouvaient défier les dieux, douze personnes inégalées en puissance ou en techniques de combat. Le fait de se retrouver en présence de l’un d’entre eux l’avait toujours fait frémir, mais les douze réunis… Moyï secoua la tête ; certes, les Chevaliers d’Or étaient tout ce qu’il y avait de plus impressionnant, mais aujourd’hui, l’heure était grave, presque aussi grave que ce formidable pouvoir qu’il avait sous les yeux. Le Grand Pope prit la parole, sa voix résonnant dans la profondeur du silence qui s’était installé : - Je tiens avant tout à vous remercier d’être tous venus à ce conseil, bien qu’il vous ait pris de court. Je sais, Clément ! s’exclama-t-il en levant la main. Les yeux se tournèrent vers le Chevalier du Capricorne, qui avait en effet ouvert la bouche, comme pour interrompre Moyï. - Je sais ce que tu vas me dire, reprit le Grand Pope. Que c’était de votre devoir, et qu’il n’y a rien de plus normal. Je tiens néanmoins à vous remercier. « Toujours aussi zélé, celui-là, songea Laure. Y en a qui changeront jamais… » « Et voilà, pensa François avec amusement. Encore un bon point en faveur de Moyï. C’est ce genre d’attitude qui en a fait le Grand Pope qu’il est actuellement, si proche de ses Chevaliers… » - Bon, poursuivit Moyï. Trêve de politesses. Vous vous doutez bien que je ne suis pas là pour vous annoncer ma démission… Un frisson parcourut l’assemblée. Moyï remplissait si bien ses fonctions… Personne n’avait envie d’imaginer ce qui se passerait si un autre devenait Grand Pope à sa place. Moyï sembla ignorer la réaction des Chevaliers d’Or, bien qu’elle lui ait fait chaud au cœur. - L’heure est grave, Chevaliers… Laissez-moi vous exposer la situation… Moyï se laissa tomber plus qu’il ne s’assit sur son siège, et commença son exposé d’une voix lasse, comme brisée par la fatigue et le poids de son fardeau. L’assemblée était à présent aussi calme que possible ; maintenant que le Conseil avait commencé, la tension de l’attente avait nettement diminué. Sachant bien de quoi Moyï parlait, François se permit de ne lui prêter qu’une oreille distraite ; même Arnaud, envoyé en mission, ne savait pratiquement rien, si ce n’était ce qui touchait à ladite mission. Le Chevalier du Verseau posa sa main sur l’épaule de Leti près de lui, dont il sentait l’énervement croissant ; la jeune fille apprécia le geste et prit une profonde inspiration, tentant de se maîtriser. Sans retirer sa main, François posa son regard sur Arnaud, qui fixait Laure et Renji, assis en face de lui ; Laure le mettait en confiance, avec son regard doux et ses deux mèches rouges qui lui tombaient sur les joues. Malgré la gravité du moment, le Chevalier du Scorpion esquissa un sourire ; comme elle semblait petite, assise entre Renji et Thomas ! Arnaud croisa le regard de Renji, et réprima un frisson ; contrairement à ce qu’il avait éprouvé quelques instants plus tôt, quand ils avaient fait connaissance, l’aura du Chevalier des Gémeaux lui déplaisait au plus haut point. Elle ne le rassurait pas, pour ne pas dire qu’il la sentait menaçante. L’espace d’un éclair, Arnaud pensa qu’il avait eu la même impression le jour où il s’était retrouvé pour la première fois face à François. A la différence, notable tout de même, que François était son aîné de quelques années, alors que Renji avait le même âge que lui… Il coula un regard discret vers le Chevalier du Verseau, qui avait à présent retiré sa main de l’épaule de Leti et s’appuyait des coudes sur la table, la tête baissée vers ses genoux. Même dans cette position que certains auraient pu qualifier de « vautrée », François ne se départissait pas de son élégance et de sa prestance. Il releva soudain la tête, comme s’il sortait de sa torpeur, et croisa le regard d’Arnaud ; ses yeux se firent interrogateurs, et Arnaud détourna la tête, un peu intimidé, reportant son attention sur les mèches flamboyantes de Laure. Un coup de coude discret de Steph, assise à ses côtés, le rappela à l’ordre, et il se concentra sur ce qui disait le Grand Pope. Moyï exposait la situation dans laquelle se trouvait le Sanctuaire, relatait la rencontre de François avec Davi et Vlanir, donnait un compte rendu des investigations d’Arnaud. Enfin, il leur apprit la défaite des Chevaliers de la Licorne et du Cygne en Espagne, l’état inquiétant de Patrick, celui de Cécile qui l’écarterait de la Chevalerie pour quelques temps. Les Chevaliers d’Or commençaient à s’inquiéter, mais la même question restait présente dans tous les esprits : pourquoi les avoir convoqués, eux ? Ce fut Math qui osa poser la question au Grand Pope. - Pourquoi nous avoir convoqués, nous les Chevaliers d’Or ? s’écria-t-il en se levant. S’il s’agit d’une enquête, les Chevaliers d’Argent feront très bien l’affaire ! - Attends un peu, Math ! s’exclama Arnaud avec autorité, sortant de sa réserve. Le Chevalier du Taureau regarda son ami, stupéfait ; il ne l’avait jamais entendu s’exprimer ainsi, et encore moins le faire taire. Renji posa sa main sur l’épaule de Math, le poussant à se rasseoir. Il s’exécuta de mauvaise grâce, visiblement de méchante humeur. Arnaud remercia Renji du regard, et reprit la parole. - Ce qui se passe en Espagne est ce que je redoutais le plus. Depuis le début des mes investigations c’est ce que je craignais. Et je pense que François aussi s’en doutait… François ? interrogea-t-il en se tournant vers l’intéressé. Le Chevalier du Verseau hocha légèrement la tête, mais ne dit rien. Ces réactions violentes avaient le don de l’agacer au plus haut point, et il sentait bien que s’il ouvrait la bouche, il risquait de se montrer désagréable envers Math. Il préféra se taire, laissant à Arnaud et Moyï le soin d’expliquer aux autres ce qui se passait. - Comment ça ? s’indigna Ariane. François aussi ! Vous avez bientôt fini avec vos petits secrets ? On aimerait savoir de quoi vous parlez et ce qui se passe ! - Ça suffit, Chevaliers ! tonna Moyï. Ariane se tut, honteuse. Arnaud se rassit lentement, jetant un regard d’incompréhension à Math, « Mais qu’est-ce qui t’a pris ? » Math haussa les épaules, la mine boudeuse, et se renfonça dans son siège. Arnaud secoua la tête sans chercher à comprendre. - Il est exact, poursuivit Moyï, qu’Arnaud et François sont un peu mieux au courant que vous de ce qui se passe. Pour la simple raison, précisa-t-il en haussant la voix à l’intention d’Ariane qui ouvrait la bouche pour protester, qu’ils ont été envoyés en mission, et que ces missions concernaient la présente situation. Ariane ne dit rien, mais elle n’en pensait pas moins. Elle estimait qu’en tant que doyenne du Sanctuaire, elle avait le droit d’être mise au courant au même titre que François, qui partageait son statut. - Ariane ? Tu m’écoutes ? La voix de Moyï était sévère ; Ariane se secoua, se redressa sur sa chaise et fixa le Grand Pope du regard. - Très bien… A présent Chevaliers, laissez-moi vous exposer les faits plus en détail, et vous expliquer ce qui se passe… ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Cécile s’appuyait d’une main sur le lit de Patrick, tentant de maintenir son équilibre de l’autre. Elle évitait de poser sa jambe brisée au sol, et l’autre jambe ne valait guère mieux, elle la soutenait à peine. Son cosmos plein de vengeance enveloppait son corps et celui de son ami d’une aura violette, dernier rempart face à l’ennemi. La jeune femme devant elle était intégralement protégée par une Armure couleur bleu nuit, aux reflets rouges métalliques ; sur son épaule, se dessinaient trois lames lancées vers l’arrière. Son diadème lui masquait tout le visage, et dans la pénombre de la chambre, deux yeux brillaient d’une lueur sanguinaire, fixant impitoyablement Cécile. Tétanisée, le pauvre Chevalier de la Licorne ne pouvait détacher son regard des yeux de braise et de la silhouette en face d’elle. Silhouette si familière que Cécile sentit son courage tout neuf l’abandonner de nouveau. Sonia ! Sonia de la Discorde ! Sonia, responsable de son état et de celui de Patrick ! L’état de Patrick… Patrick… Prenant une profonde inspiration, Cécile tenta de maîtriser sa panique et se redressa, appuyée sur une béquille. Elle n’avait plus le choix, elle devait faire face, ne serait-ce que pour protéger son ami. Toute faiblesse lui était dès à présent interdite, la vie de Patrick en dépendait. Sonia la fixa longuement sans rien dire, ouvrant et fermant son poing gauche avec à chaque fois, un craquement sinistre des phalanges. Le souffle court, Cécile détaillait son adversaire aussi précisément que possible, tentant de percevoir une faille quelconque dans sa posture, sa protection… Rien. Absolument rien. Tout était parfait. Un filet de sueur coula le long de son dos, elle tenta tant bien que mal de s’arrêter de trembler et raffermit son appui sur sa béquille. Sonia remarqua ses efforts et laissa échapper un ricanement méprisant.
Et avant même de finir sa phrase, Sonia lança son pied en direction du visage de Cécile, qui ne vit même pas arriver le coup. Ses genoux se dérobèrent sous elle et elle se retrouva au sol une fraction de seconde plus tard. La douleur sourde dans sa jambe ne faisait que croître et ses côtes fêlées l’empêchaient de respirer correctement. Cécile tâtonna autour d’elle, à la recherche de sa béquille, mais celle-ci avait roulé trop loin et était hors de portée. Le claquement métallique des talons de Sonia qui s’approchait interrompit ses recherches. Son adversaire posa un genou à terre, la saisit rudement par les cheveux et lui souleva la tête, redressant ainsi son buste. Le regard de Cécile croisa celui de Sonia, glacial. Hypnotisée, le Chevalier de la Licorne ne pouvait détacher ses yeux de ceux de son bourreau, qui la contemplait tranquillement, se délectant de la peur de sa victime. Au bout de quelques secondes, Sonia secoua la tête, comme impatientée. - Pfff… Tu as tellement peur… C’est pathétique…Tu m’agaces ! Elle se redressa en lâchant Cécile, qui réussit juste à temps à tomber sur le côté, épargnant ainsi un nouveau choc à sa jambe blessée. Elle porta la main à sa hanche endolorie quand Sonia reprit la parole ; Cécile se figea sur-le-champ, tétanisée par la voix de son adversaire. - Tu ne sais même pas ce qui t’attend. Avant de toucher à ta fin, tu passeras par les pires souffrances possibles et imaginables. Et ni ton corps, ni ton âme n’en réchapperont, fais-moi confiance sur ce point… Sa voix n’était plus qu’un souffle lourd de menaces. - Fais-moi confiance, je saurai m’y prendre… Crois-moi… Un sanglot de terreur monta à la gorge de Cécile, qui tenta vainement de l’étouffer. Un gémissement de panique lui échappa, et Sonia éclata de rire. - En effet, il y a de quoi. Il y a de quoi pleurer, petite Licorne… Ces paroles eurent l’effet inverse escompté par Sonia. Au lieu de l’abattre davantage, elles semblèrent au contraire raviver la hargne de Cécile. Furieuse de s’être laissée aller à sa panique, honteuse d’avoir été surprise à pleurer par son adversaire, bien décidée à se rattraper, Cécile se releva sur un genou, sa jambe invalide tendue derrière elle. S’appuyant d’une main sur le lit de Patrick, de l’autre sur le mur, elle commença à se redresser, lentement, fixant insolemment Sonia dans les yeux, une lueur de défi dansant au fond de ses prunelles. Sonia la toisait du regard, la regardant faire dans rien dire. Lorsque Cécile fut enfin plus ou moins debout, une bonne vingtaine de secondes plus tard, Sonia secoua la tête ironiquement. - Pauvre petite Licorne… Si susceptible, si fière, si courageuse… Et pourtant si faible ! Et une demi seconde plus tard, les efforts de Cécile étaient réduits à néant. La jambe de Sonia l’atteignit aux genoux, et Cécile s’effondra. Elle eut l’impression que sa rotule, déjà fragilisée par ses précédentes blessures, avait littéralement explosé sous le choc. La douleur se répandit dans sa cuisse et son mollet à une allure vertigineuse, et quelques fractions de secondes plus tard, Cécile ne sentait même plus sa jambe, qui était devenu un poids mort pour elle. Elle se redressa sur ses coudes, juste assez pour que le pied de Sonia puisse l’atteindre au ventre, la retournant violemment sur le dos. Les bras en croix, la poitrine en feu, Cécile tentait de reprendre son souffle, quand un ultime coup de pied dans le flanc la projeta contre l’armoire métallique à quelques mètres du lit. Elle heurta brutalement du front l’arête tranchante du pied de l’armoire, et un filet de sang coula dans ses yeux et dans sa bouche. Cécile ne voyait plus qu’à travers un voile rouge, et le goût du sang dans sa bouche était si écoeurant qu’elle fut prise d’un haut-le-cœur. Elle s’essuya les yeux et le front, souillés de sang, de larmes et de sueur, cracha le sang qu’elle avait en bouche et releva péniblement la tête. Toujours debout près du lit de Patrick, Sonia n’avait pas bougé ; la tête baissée vers le Chevalier du Cygne, elle ne la regardait même pas. Lorsque Sonia prit la parole, Cécile dut tendre l’oreille pour l’entendre, tant elle parlait à voix basse. - Pauvre serviteuse d’Athéna… Tu n’es rien sans ton armure, ton cosmos n’existe même plus face à moi. La preuve, tu ne peux même pas te protéger de mes simples attaques, les plus basiques. Alors… Alors comment veux-tu protéger les autres ! Et sous les yeux horrifiés de Cécile, Sonia lança son poing sur les machines qui maintenaient Patrick en vie. Un éclair verdâtre l’aveugla un instant, et un grésillement sinistre se fit entendre, suivi d’un insupportable silence. A la place du rassurant bip-bip des machines, Cécile n’entendait plus qu’un seul bruit : l’unique bip d’un ordinateur qui n’enregistre plus aucun battement de cœur. Elle ouvrit la bouche pour hurler, mais ne produisit aucun son ; seul un gargouillis indéfinissable se fit entendre. Exaspérée par la tonalité de l’ordinateur, Sonia le détruisit d’un simple coup de coude, et le silence se fit, lourd, dense, impénétrable. Elle pivota lentement sur ses talons, et toisa sa proie d’un regard méprisant. Cécile, hébétée, encore sous le choc, fixait de ses yeux hagards le lit où reposait désormais le corps sans vie de son ami Patrick. Elle aurait voulu hurler, elle aurait voulu pleurer, mais elle ne pouvait rien faire, que de fixer le nuage de fumée qui enveloppait maintenant Patrick tel un linceul de couleur indéfinie. Elle ne voyait même plus Sonia qui, apparemment hautement satisfaite de son œuvre, contemplait les carcasses fumantes des ordinateurs d’un œil complaisant. Un couinement se fit enfin entendre, après de longues secondes de silence. - Pa… Patrick… Patrick ? La voix de Sonia s’éleva, semblable au sifflement d’un serpent. - Eh oui, Patrick… Pourquoi… Tu tenais à lui ? - Ami… Sauvée… Sauvé la vie… Patrick… balbutia Cécile sans même réaliser ce qu’elle disait. - Je vois, lâcha nonchalamment Sonia. Eh bien, ce n’est pas grave. Tu vas le rejoindre d’ici quelques minutes, ne t’en fais pas. - Mort… Mort ? Mort… Cécile se recroquevilla contre l’armoire derrière son dos et laissa échapper un long gémissement. Elle revoyait sans cesse la scène, l’éclair verdâtre, la fumée, elle entendait le bip sinistre de l’ordinateur, le ricanement de Sonia, sa propre voix qui pleurait, et un mot, un mot qui revenait sans cesse, ‘mort’… Mort, mort, mort… D’autres mots se succédèrent dans son esprit. Parti… Plus jamais…Mort… Vide… Fini… Termine… Mort… Ma faute… A cause de moi… Le gémissement se mua en un hurlement de douleur, tandis qu’elle réalisait de plus en plus qu’elle était, directement ou indirectement, responsable de la mort de Patrick. Le claquement métallique des talons de Sonia se fit de nouveau entendre, mais Cécile y fit à peine attention. Elle n’enregistra même pas ce bruit devenu pourtant pour elle synonyme de terreur. Toujours cloîtrée dans son chagrin, elle était prisonnière du tourbillon d’idées qui l’agitait, elle revivait encore et sans cesse la même scène. Agitée des mêmes idées de remords, de culpabilité, elle tremblait de la tête aux pieds ; ses larmes roulaient sur ses joues, résultat de ses spasmes bien plus que de son chagrin. Les mains enfoncées dans ses cheveux, les coudes appuyés sur ses tempes, Cécile se balançait d’avant en arrière, en une tentative instinctive d’apaisement. Sa douleur n’existait plus, le goût et l’odeur du sang avaient disparu, seule persistait cette sensation de vide en elle-même, celle qui s’empare de tout votre être quand quelque chose en vous s’effondre. Sonia s’accroupit devant Cécile et la saisit brutalement par les cheveux. Sa voix se fit plus sifflante que jamais. - Ecoute-moi bien, petite Licorne… Tu m’écoutes ? Cécile leva vers elle des yeux vides de toute expression et ne réagit pas. - Dommage… Il faut bien pourtant que tu fasses attention à ce que je te dis, c’est important… Cécile reprit soudainement ses esprits lorsqu’une lame s’enfonça en elle, réveillant du même coup ses sens et sa douleur. Elle poussa un cri de surprise, les yeux écarquillés. Sonia laissa échapper un ricanement de mépris. - Eh oui… Rien de tel que la douleur pour ramener quelqu’un sur terre… N’est-ce pas, petite Licorne ? Cécile abaissa les yeux vers son abdomen sans répondre. Elle faillit perdre connaissance quand elle vit le bras de Sonia qui disparaissait littéralement dans ses entrailles. Elle se ressaisit juste à temps, et cracha du sang à plusieurs reprises pour pouvoir respirer plus ou moins correctement. - Je vais être simple, petite Licorne. J’ai une question pour toi. Soit tu réponds juste, et je te promets de t’achever le plus rapidement possible. Soit tu joues la forte tête, et là, je te jure que tu m’imploreras de mettre fin à tes souffrances. J’ai été assez claire ? Pour toute réponse, Cécile recracha du sang. Le métal glacial la brûlait, ou était-ce le métal brûlant qui lui glaçait les entrailles ? Elle n’aurait su le dire. Une quinte de toux la saisit, et à chaque mouvement, la lame s’enfonçait en elle de plus en plus profondément. Un flot de sang s’échappa de sa bouche et coula sur l’Armure de Sonia, qui sembla se délecter du spectacle. - Très bien… Je considère que tu m’as entendue et comprise. Alors écoute-moi bien, petite Licorne. Ecoute TRES bien…
|
![]() ![]() |
© 2002-2010 Animecdz. Tous droits réservés. Saint Seiya © Toei Animation, Bandai et Masami Kurumada | ||
![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |