Le hall du manoir
exhalait une agréable odeur de terre mouillée. Brumaire contemplait, par la
porte entrebâillée, les rayons du soleil rompre l’uniformité de l’averse. Mélancolique,
il s’assit sur une marche et se servit un petit verre d’absinthe. A cet instant
précis Germinal, trempé jusqu’aux os, fit une entrée remarquée.
- La ponctualité est
la qualité première des rois, lui expliqua Brumaire. Mais ce n’est certainement
pas l’une des tiennes, noble semeur !
- A chacun ses
tares ! Ton léger penchant pour la boisson passerait, aux yeux de certain,
pour de l’alcoolisme forcené !
- Tu parles de
tares, mais celles qui te sont quotidiennement reprochées devraient te faire
rougir plus que de raison ! Fieffé assassin !
- Un autre que moi
t’aurait certainement arraché la langue pour de tels propos ! Mais que
pourrais-je bien faire d’une pareille ignominie ! Offre-moi donc à boire
pour que l’ivresse nous absoute provisoirement de nos pêchés !
- Bien parlé,
compagnon de pénitence ! Mais au préalable, tu devras prouver que tu es
digne de trinquer avec moi ! Car ton retard inopiné t’a, tout
naturellement, désigné pour accomplir une tâche désagréable ! Vois !
Une jeune fille,
toute en finesse et en délicatesse, descendit cérémonieusement les marches. Germinal
remarqua d’abord le parfum qui se dégageait d’elle, subtil mélange de fleurs
sauvages et d’effluves plus sucrés. Elle était vêtue d’un justaucorps bicolore
et d’une écharpe de lin lui recouvrant la partie inférieure du visage. La
partie supérieure se composait de deux iris bleu comme l’azur surmontés d’une
coiffure brunette, coupée au carré.
- Cette jeune
personne se fait appeler Sun-ya, dit Brumaire, jouant les entremetteurs. Son
excellence l’a rencontré lors sa dernière pérégrination ! Figure-toi
qu’elle souhaite, plus que tout, rejoindre notre organisation ! Mais la
motivation ne suffit pas toujours à se faire accepter ! Aussi avons-nous
décidé, d’un commun accord, de lui faire passer un petit test
d’incorporation ! Et c’est toi qui as été élu à la majorité pour t’occuper
de cet examen !
- Les absents ont
toujours torts, annonça Germinal, en donnant en gage sa lourde sacoche à son
compagnon. Cela m’apprendra à traîner mes guêtres en chemin !
Mademoiselle, je suis à vous !
La jeune fille, en
position de combat, développa son aura. Sans mot dire, elle se jeta sur son
adversaire imposé et lui décocha une série de coups de pied à différentes
hauteurs du corps. Le fils de la nouvelle aube, appréciant la diversité de
cette entrée en matière, trouva sans problème une parade adaptée à chaque
assaut.
- Magnifique jeu de
jambes, s’enthousiasma-t-il. Voyons ce que tu vaux en combat aérien !
Par un balayage au
ras du sol, il obligea Sun-ya à quitter la terre ferme. Du plat de la main, il
la frappa à l’abdomen pour lui faire prendre de l’altitude. Attendant sa
réaction, il fut surpris de la voir s’accrocher au plafond, dont la surface
était pourtant aussi lisse qu’un miroir. De sa main libre, elle envoya un
assortiment d’éclats d’énergie sur Germinal. Le manquant de peu, ces éclats
creusèrent le sol de multiples aspérités disgracieuses.
- Les plus jolies
fleurs se targuent souvent de posséder des épines acérées, professa Brumaire.
En voici un parfait exemple !
- Fleur elle est,
fleur elle restera ! REVIVAL PRISM !!!
Germinal passa à la
vitesse supérieure. Son rayon toucha Sun-ya et la ramena au sol, aussi
rapidement qu’elle l’avait quitté.
- Le corps humain
est une machine fabuleuse, commenta Germinal sans lâcher prise. Ton être ne
disparaîtra pas, je vais seulement fondre ses précieux mécanismes pour les
reforger à ma convenance ! Ta mort permettra peut être de prolonger la vie d’une poignée de
déshérités ! A moins qu’elle ne serve à embellir leurs mornes
existences !
Sun-ya sentit chaque
cellule de son corps vibrer et se modifier inexorablement. Avant qu’il ne soit
trop tard, elle se releva et, en chant du cygne, poussa son cosmos en ses
ultimes retranchements.
- Ne lutte pas
inutilement ! Tu ne parviendras qu’à prolonger ton agonie !
La voix de Germinal
était imprégnée d’une réelle émotion. Brumaire, qui le connaissait bien, songea
qu’il était sûrement plus à plaindre que Sun-ya. Machinalement, il soupesa sa
sacoche et pensa :
- Au jour du
jugement dernier, le poids de tes fautes pèsera aussi lourd que celui de tes
mérites ! Si Hadès est indulgent, il t’accordera sans doute un arpent de
son royaume pour exercer à jamais tes talents…
Sortant abruptement
Brumaire de ses réflexions, Sun-ya, pour la première fois, fit entendre le son
de sa voix :
- Si je dois mourir,
tu m’accompagneras au tombeau ! FIRELIFE COMBUSTION !!!
Une énergie blafarde
enveloppa la jeune fille. Brumaire, atterré, réalisa qu’elle cherchait à
combiner la faculté d’auto combustion de son organisme à son propre cosmos.
Ceci afin de créer une explosion dévastatrice. Mais une voix autoritaire somma
les belligérants de cesser le combat, avant d’atteindre le point de non-retour.
L’homme au manteau pourpre, escorté par tous les personnages connus du manoir,
apparut en haut des marches.
- Cette petite a du
cran, s’exclama Thermidor. Qui plus est, elle se bat remarquablement ! Si
elle souhaite encore nous rejoindre, je vote sans hésiter en sa faveur !
La plupart des
convives, Brumaire et Germinal y compris, approuvèrent. Seuls Vendémiaire et
l’homme au masque diabolique n’exprimèrent aucun avis. Le personnage au manteau
déclara officiellement :
- Sun-ya, à compter
de cet instant, tu fais partie des fils de la nouvelle aube !
Félicitations !
- Merci excellence,
répondit Sun-ya, un peu sonnée par l’arrêt subit de son attaque kamikaze.
L’individu au
manteau tiqua en s’entendant nommé de ce titre honorifique. Titre de plus en
plus en vogue chez ses subalternes, qui étouffèrent quelques rires.
- Cobalt,
poursuivit-il. Je te charge de confectionner une tenue plus adaptée à notre
dernière recrue ! Dans les plus brefs délais, cela va s’en dire !
- Oui, répondit
l’homme au masque et à la chevelure de neige.
- Mes amis, reprit
le dirigeant. Après toutes ces années d’attente et de préparation, l’heure est
enfin venue d’entrer en action ! La guerre va commencer et vous serez les
instruments de notre victoire ! Cette ère d’esclavage est révolue !
Nous bâtirons un monde équitable, dépourvu de caste et de droit du sang !
Ce n’est pas de l’utopie, c’est l’accomplissement d’un rêve commun à chaque
être humain !
Les fils de la
nouvelle aube, Vendémiaire en tête, acclamèrent sans trop d’effusions ce
discours convenu.
- Vous avez quartier
libre ! Mais sachez bien que l’opération peut débuter à tout moment !
- Mais excellence,
se permit le métis. Les troupes d’Athéna sont en pleine réorganisation !
N’est-ce pas le moment opportun de leur porter l’estocade ?
- Non ! On
vient de m’apprendre qu’un nouveau Saint d’or serait récemment apparu au
sanctuaire ! Il nous faut d’abord glaner des informations sur lui et
ensuite, nous frapperons ! Il se nommerait Dohko !!
Le dirigeant
décomposa lentement chaque syllabe de ce nom, pour bien marquer les esprits.
Thermidor, fébrile, donna une tape amicale à Vendémiaire et lui susurra :
- Il est à
moi ! Ne t’avise pas de me couper l’herbe sous le pied !
- Tu te
trompes ! Je l’ai vu le premier…