La cinquième prison, dans le Meikai
Shion avait couru aussi vite qu'il le pouvait, mais en vain ; il n'avait pu empêcher Bosching et Néhémie d'être aspirés dans une dimension parallèle, suite à l'ultime attaque de Parker. Le chevalier du Bélier, qui se trouvait désormais entre les cadavres du spectre du Labyrinthe et de Marina des Lamia, se laissa tomber à genoux et frappa le sol à plusieurs reprises, tout en extériorisant sa colère :
"Non !! Non !! Je... Je n'ai pas réussi à les sauver... Socrate m'avait... m'avait pourtant demandé de sauver son maître et les autres chevaliers... Et je n'ai pas réussi !"
La gorge serrée, il murmura :
"Suis-je... Suis-je vraiment digne d'être l'un des douze chevaliers d'or ?"
Shion se souvenait du bref entretien nocturne qu'il avait eu avec Athéna avant son départ pour le Meikai. Sa déesse avait eu beau lui dire de garder l'espoir en permanence, il avait bien du mal à agir dans ce sens, bien qu'il se sentît dans une situation moins critique que lorsqu'il avait laissé partir celle qu'il devait protéger. Il n'était pas loin de se laisser aller aux larmes, quand il sentit qu'on lui prenait la main. Il tourna brusquement la tête :
"Carrie ?"
Le spectre de la Reine Ecarlate le regardait avec des yeux compatissants, elle semblait navrée pour lui. Elle ouvrit alors la bouche :
"Shion, lui dit-elle d'une voix douce... Je peux comprendre ce que tu ressens... Quand je vivais avec ma mère et qu'elle me battait ou me faisait la morale, je me sentais très mal à l'aise... Tout comme lorsque le chevalier de la Vierge m'a fait prendre conscience du mal que j'avais fait à Chamberlain... Je peux comprendre que tu t'en veuilles, tu étais si près du but... Mais, Shion, tu me l'as dit toi-même ; bien que j'aie fait couler le sang, je puis me racheter en t'aidant... Et pour toi, c'est pareil... La guerre sainte n'est pas encore achevée, tu as encore des chances de retrouver les autres chevaliers sacrés..."
Carrie, malgré son regard apaisé, était pleine de détermination, elle désirait ardemment réconforter le gardien de la première maison du Zodiaque qui, surpris par un tel comportement, se mit à rougir. Mais quand il vit les joues de l'adolescente rosir, il toussota, puis lâcha :
"Tu as raison, Carrie... Merci pour ton réconfort... C'est vrai, je ne peux pas me permettre de me lamenter sur mon sort, le temps presse... Nous allons continuer à avancer à travers le Meikai et sauver nos amis !"
"Shion ?"
"Oui, Carrie ?"
"Puis-je compter sur toi pour me protéger ?"
Le chevalier du Bélier sourit timidement :
"Carrie... Lorsque tu nous as combattus, je n'ai jamais été capable de te tenir en échec... A l'inverse, tu m'as sauvé de la mort, quand je combattais Octavius... Tu as beau être une jeune fille, tu es bien plus puissante que moi... Par conséquent, ce sera plutôt à toi de me protéger..."
"Oui, Shion..."
Shion sourit brièvement à la jeune fille, puis commença à marcher d'un pas vif à ses côtés. Il regardait droit devant lui, aussi ne vit-il pas Carrie se sentir troublée par une douce chaleur qui possédait peu à peu son être. Rougissant d'aise, elle songea :
"Shion..."
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Les plaines de Skygard
La tempête de neige s'intensifiait progressivement, de sorte qu'Hérodote, Robin et Akela avançaient difficilement à travers la plaine. Le chevalier du Grand Chien qui, plus d'une heure auparavant, avait craint pour son mentor, Shad du Taureau, avait désormais oublié ce souci et songeait plus à progresser, encourageant ses compagnons :
"Mes amis, dépêchons-nous ! Nous ne pouvons nous permettre de prendre du retard, il doit encore rester plusieurs spectres dans les environs !"
"Facile à dire, soupira Robin... Depuis peu, la tempête de neige est de plus en plus violente... A croire que les dieux de l'Olympe se jouent de nous !"
"Penses-tu, Robin, demanda Akela, que c'est un mauvais coup d'Hadès ?"
"Tout est possible avec ce personnage..."soupira le chevalier de la Flèche.
Tout à coup, une étrange lueur surgit devant les yeux des trois chevaliers sacrés, qui bondirent en arrière malgré eux. Alors qu'ils allaient se poser des questions sur l'origine de ce phénomène, une voix moqueuse retentit à leurs oreilles :
"Eh bien, chevaliers d'Athéna, les rudes conditions climatiques de Skygard vous feraient-elles perdre la tête ?"
"Cette voix, murmura Hérodote... Il... Il me semble l'avoir déjà entendue lorsque nous sommes entrés dans le royaume de Skygard..."
Les pressentiments du chevalier d'argent ne tardèrent pas à être confirmés ; Polyphème du Cyclope surgit devant eux.
"Polyphème du Cyclope !"lâcha Hérodote.
Soudain, deux autres spectres apparurent aux côtés du spectre de l'étoile terrestre violente, l'un portant un étrange surplis avec un casque intégral, l'autre portant un surplis symbolisant un oiseau monstrueux. Les présentations se firent rapidement :
"Casey du Dulahan, spectre de l'étoile terrestre ombrageuse !
"Kurt du Basilic, spectre de l'étoile céleste de la victoire !"
"Une heure après avoir vaincu les chevaliers des Couronnes Boréales et Australes, enchaîna Polyphème, j'ai eu la chance de tomber sur mes deux compagnons... Comme ils n'avaient toujours pas trouvé de chevalier sacré à éliminer, j'ai pensé qu'en les emmenant avec moi, ils pourraient avoir plus de chance... Et je ne m'étais pas trompé !"
Il regarda attentivement les trois chevaliers, puis lâcha :
"Trois contre trois... Cela tombe bien... Cela dit, comme nous n'avons pas beaucoup de temps à perdre dans des combats individuels, nous allons vous éliminer d'un seul coup !"
"Je ne vous laisserai pas faire !"protesta Robin.
Le chevalier de la Flèche bondit juste au-dessus des trois spectres et cria :
"Phantom Arrows !"
Des centaines de flèches partirent du poing de Robin et foncèrent à toute allure sur les trois spectres, qui commençaient à perdre leur calme :
"C'est pas vrai ! lâcha Casey. Nous allons tous finir embrochés !"
Les trois guerriers d'Hadès sautèrent alors sur place, faisant de leur mieux pour éviter les flèches du chevalier d'argent, quand Kurt lâcha :
"Attendez ! Ne prenez pas garde à ces flèches, ce ne sont que de vulgaires illusions !"
"Comment ?"fit le spectre du Dulahan.
"Dans ce cas... Autant contre-attaquer tout de suite !"enchaîna Polyphème.
Robin déglutit en voyant que son stratagème avait échoué. Il concentra alors son cosmos, prêt à déclencher une nouvelle attaque, mais le spectre du Cyclope jaillit brutalement sous ses yeux en criant :
"BIG KNUCKLE !!"
Un bruit lourd et sec résonna dans les oreilles d'Hérodote et d'Akela, puis les deux chevaliers virent le corps de leur compagnon flotter dans les airs, puis retomber à quelques centimètres d'eux. Ils firent alors un saut en arrière, horrifiés : le chevalier de la Flèche avait eu le visage enfoncé dans sa tête, de sorte qu'il paraissait désormais méconnaissable et grotesque. Le chevalier du Grand Chien, après s'être fait violence pour ne pas vomir, accourut près de son compagnon :
"Robin ! Robin, réponds-moi !"
"C'est inutile, chevalier ! Il est mort !"l'avertit Polyphème.
Furieux contre le spectre du Cyclope, Hérodote serra le poing et s'apprêta à jurer à l'encontre de son adversaire, mais un cri de douleur l'interrompit :
"AAH !"
Se retournant, le disciple de feu Shad du Taureau aperçut Casey du Dulahan, agenouillé près de Kurt du Basilic, et dont le genou droit avait été percé par une flèche dorée. Le spectre de l'étoile terrestre ombrageuse enrageait à voix haute :
"Maudit... Maudit soit ce chevalier... Cette flèche... Je dois la retirer !"
"C'est inutile ! lança alors Hérodote. Nul ne peut retirer cette flèche d'or, hormis le Grand Pope ! Les Phantom Arrows du chevalier de la Flèche sont toutes irréelles, hormis celle qui doit atteindre son but!... Malheureusement pour nous, tu as échappé à un coup mortel..."acheva amèrement le chevalier du Grand Chien.
"Tant mieux ! rétorqua Kurt. En revanche, chevaliers d'Athéna... vous, vous n'échapperez pas à la mort !"
Le spectre de l'étoile céleste de la victoire concentra sa cosmo-énergie et un oiseau monstrueux apparut derrière lui, au grand étonnement des deux chevaliers :
"Mais que... que prépare-t-il ?"balbutia Akela.
"Je ne sais pas, dit Hérodote, mais nous ne devons pas le laisser agir ! Il faut..."
"ANIHILATION FLAP !"
Un cri suraigu se fit entendre, puis, avant que les deux chevaliers n'aient eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait, ils furent balayés d'un coup sec dans les airs, puis retombèrent durement au sol au bout d'une dizaine de secondes, inanimés...
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Le camp de la résistance, des dizaines de kilomètres plus loin
Là où se situait le camp, la tempête de neige se calmait peu à peu. En revanche, l'esprit d'Harald, lui, était de plus en plus tourmenté :
"Je ne sais combien de temps s'est écoulé depuis que le vicomte Leyfamir, Chardsonn et d'autres hommes sont partis... Et ils ne sont toujours pas revenus... Plus grave, au loin, j'ai vu plusieurs lueurs et senti qu'il y avait de l'agitation... Je crains qu'il n'y ait eu des combats dans les environs... Pourvu qu'il ne leur soit rien arrivé..."
"Harald !!"
La voix du roi Norst avait brusquement tiré le jeune guerrier de ses craintes. Fronçant, les sourcils, il se retourna et demanda derrière la porte de la pièce où le souverain de Skygard avait été assigné à résidence :
"Altesse, je vous prie de vous taire, ce n'est pas en geignant que vous réussirez à sortir d'ici !"
"Harald, je t'ai pourtant dit qu'il n'y avait rien à faire ! Skygard est condamné, c'est écrit dans la prophétie !"
Harald soupira profondément, puis, après avoir contenu difficilement un mouvement d'humeur :
"Altesse, c'est inutile de continuer à me chanter incessamment le même refrain !"
"Qui sait ? insista Norst. Davol, lui, a compris qu'il n'y avait rien à faire !"
"Fermez-la !! hurla le guerrier bien malgré lui. J'ai envoyé des hommes pour ramener Davol à la raison, et je sais qu'ils y parviendront ! Il y va de l'intérêt de notre patrie !"
"L'intérêt de notre patrie..."répéta le roi, la voix brisée.
Le changement de ton brutal intrigua Harald, qui s'était à plusieurs reprises posé des questions sur l'attitude de son souverain, borné à prendre la prophétie du grand-prêtre Pongussen pour parole d'Evangile, mais aussi semblant en proie à d'étranges tourments. Aussi demanda-t-il, d'un ton apaisé :
"Altesse... Que cachez-vous à votre plus fidèle serviteur ?"
Derrière la porte de la pièce où il se trouvait, Norst 1er étouffa un rire nerveux, puis répondit par une autre question :
"Harald... Tiens-tu vraiment à le savoir ?"
"Je ne veux que votre bien, votre Altesse... Si vous confier à moi peut vous permettre de me vous sentir mieux, faites-le..."
Le souverain de Skygard sembla hésiter brièvement, puis toussota à deux reprises, et finit par lâcher :
"Soit... Si cela peut te permettre d'agir pour mon bien et sans doute de te ramener à la raison, je le ferai... Ecoute-moi bien, Harald..."
Harald tendit attentivement l'oreille et écouta son souverain, qui commençait son récit :
"C'était il y a vingt-trois ans... Tu n'étais pas encore né à cette époque... Je régnais depuis quinze ans sur Skygard et j'avais comme épouse la reine Léonore, une jeune femme d'une beauté éclatante... Je savais depuis mon avènement en tant que roi de Skygard qu'il était fort possible que j'en sois le dernier souverain, à cause de la malédiction d'Hadès... Aussi, bien que notre union fût consommée depuis notre mariage, il avait été fait en sorte que Léonore ne tombe pas enceinte, car il ne pouvait y avoir de prince héritier de Skygard... Tout allait bien pour nous..."
Derrière la porte de sa chambre, Norst 1er trembla, puis se hâta de poursuivre son récit :
"Mais un jour... Léonore s'est trouvée mal... Elle souffrait de douleurs au bas-ventre... Elle a hurlé de souffrance pendant une heure, puis... puis a perdu les eaux... Je ne voulais y croire, mais c'était pourtant bien la vérité vraie : j'avais fécondé la reine de Skygard malgré toutes les précautions prises... Me souciant alors plus de la santé de mon épouse que du nourrisson à venir, je me suis hâté d'appeler tous les médecins du palais, d'autant que le choc nerveux lié à la grossesse avait déclenché une grave hémorragie chez mon épouse... La souffrance de Léonore dura pendant deux heures encore, jusqu'à ce que le nouveau-né, notre fils, le prince de Skygard, jaillit du ventre de sa mère... Mais les souffrances de Léonore ne s'étaient pas estompées, car les médecins étaient incapables de juguler l'hémorragie... Finalement (la voix de Norst avait commencé à se briser)... elle mourut quelques minutes plus tard... Je ne pouvais me réjouir de la naissance du prince héritier, car, outre la perspective de voir Skygard anéanti, j'avais perdu mon épouse bien-aimée, morte en couches... Lorsque j'ai enfin daigné poser mon regard sur mon fils... Le grand-prêtre de Skygard est arrivé dans la chambre royale en transe, comme son prédecesseur Pongussen l'avait été, il y a deux siècles..."
Se souvenant de l'histoire de la malédiction annoncée, Harald demanda avec empressement au roi de Skygard :
"Altesse... Que vous a dit le grand-prêtre ?"
"Il... Il m'a dit d'une voix monocorde : Un nouveau-né est arrivé/Mais Skygard sera supprimé/Il faut alors le sacrifier/Et mettre fin à la lignée."
"Je... Je ne comprends pas, Altesse..."balbutia le guerrier.
"Etant donné que Skygard était condamné à mort, il ne servait à rien de s'encombrer du prince héritier... La mort dans l'âme, je me suis résigné à le voir disparaître..."
"NON !!hurla Harald, épouvanté. Vous... Vous n'avez quand même pas..."
"Si, Harald... Mais je ne pouvais me résoudre à abattre mon propre enfant... J'ai donc ordonné au victomte Leyfamir..."
"Comment ?!"
"S'il te plaît, Harald, laisse-moi finir, car il n'est point facile de replonger dans ces souvenirs-là... J'ai donc ordonné au vicomte Leyfamir de déposer le nouveau-né dans un panier et de l'abandonner aux flots de l'Océan Arctique... Ce qu'il a fait sous les yeux de plusieurs gardes, qui devaient certifier que le prince héritier avait été emporté par l'océan..."
La voix de Norst se brisa, tandis qu'Harald étouffa un cri d'horreur.
"Voilà mon secret, Harald... J'espère maintenant que tu m'as compris... Tu dois me libérer, non seulement parce que tous tes efforts seront vains pour sauver Skygard, mais aussi pour que son dernier prince héritier n'ait pas péri en vain..."
Harald, dont les jambes tremblaient nerveusement, maintint ses mains contre le mur de la cabane pour éviter de glisser sur le sol, tant il était sidéré par l'histoire que venait de lui conter son souverain. Ce dernier, étonné par le temps que mettait le jeune guerrier à réagir, lui cria derrière sa porte :
"Eh bien, Harald ?! Qu'attends-tu donc ? Libère-moi !"
Harald se retourna vivement et, d'un ton ferme, répliqua :
"Je m'y refuse, votre Altesse."
"Et pourquoi donc ?"
"Auriez-vous oublié la loi fondamentale de Skygard, votre Altesse ? La volonté du roi est souveraine, mais la sauvegarde de Skygard est capitale !"
"Il est impossible de sauver Skygard, nous sommes condamnés ! Estimerais-tu que respecter la mémoire du prince héritier compte moins que respecter la loi fondamentale ?"
"En effet."
Furieux, Norst hurla :
"Tu es un monstre, Harald !"
"Vous vous trompez de cible, votre Altesse, répondit le chef de la résistance. Ce n'est pas à moi qu'il faut s'en prendre, mais à vous ! Vous qui avez été assez crédule pour prendre au pied de la lettre les paroles de vos devins ! Vous qui, dans votre résignation, avez décidé de faire mourir votre propre enfant ! Est-ce digne d'un roi, votre Altesse ? Êtes-vous digne du sang royal qui coule dans vos veines ?"
"Harald..."fulmina le roi derrière la porte de sa chambre.
Le jeune guerrier enchaîna :
"Quand je vois que vous avez fait mourir la chair de votre chair et abandonné votre peuple, je jurerais du contraire !"
Norst 1er voulut encore s'emporter contre son serviteur, mais celui-ci, qui n'était plus disposé à poursuivre la discussion, préféra s'éloigner et sortir dehors. Divers sentiments contradictoires se mélangeaient dans sa tête :
"Leyfamir... Le vicomte m'avait caché qu'il s'était fait complice de la mort du prince de Skygard... Difficile à croire, à en juger par les apparences, et pourtant... Maintenant, je comprends mieux pourquoi son Altesse s'obstine à ne pas vouloir m'écouter... Je suis partagé entre le dégoût et la pitié à son encontre, mais pour l'instant, c'est le premier sentiment qui domine... Peuple de Skygard, la folie de tes devins va-t-elle causer ta perte ?... Non, cela ne se peut pas... Tant que nous ne serons pas tous morts, il y a encore un espoir..."
Harald tourna la tête vers l'horizon et murmura :
"Davol... Leyfamir... Chardsonn et les autres... Que le Créateur ait fait en sorte que vous ayez échappé aux griffes d'Eaque et de ses sbires... Revenez tous vivants pour que nous puissions vaincre les forces de l'Empereur des Ténèbres..."
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Le visage du révérend Trevor avait blémi tout au long du récit du roi Norst rapporté par John. Quand celui-ci eut fini de rapporter les états d'âme d'Harald, le pasteur murmura :
"Mon Dieu... John... Je... Je n'arrive pas à trouver les mots pour exprimer ce que je ressens..."
"Et qu'éprouvez-vous au sujet du souverain de Skygard, révérend ? De la compassion, de la pitié, de la répulsion, de l'antipathie ?"
Trevor soupira avant de répondre :
"Tous ces sentiments à la fois... Un peu comme son serviteur... Voilà pourquoi je ne trouve pas les mots au sujet de ce personnage, tant je suis partagé entre ma compassion chrétienne héritée des enseignements du Christ et la répugnance que j'éprouve en tant que simple mortel..."
Le fils d'Etienne Roligny n'ajouta rien à ce sujet et préféra revenir sur le front skygardien.
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Le front skygardien
Depuis qu'il avait vaincu Mafuta du Guépard, Daniel avait entamé un long périple dans la plaine skygardienne, mais qui ne l'avait pour l'instant confronté à aucun spectre. A cette déconvenue, le chevalier du Lion avait dû ajouter celle d'avoir senti la disparition de plusieurs de ses frères d'armes sur le front terrestre :
"Cristobal... Tu étais mon dernier disciple en vie et tu as péri... Puisses-tu ne pas être mort en vain... Et Vittorio... Shad... Deux chevaliers d'or ont péri sous les coups des guerriers de l'Empereur des Ténèbres... Ils avaient été cinq il y a deux siècles... Qui sait quelle tournure prendra ce conflit..."
Tout à coup, il releva la tête et, comme il était complètement perdu dans ses pensées, il se retrouva à plusieurs mètres d'une étrange silhouette. Celle d'une femme vêtue d'une protection noire et d'un masque semblable à celui que portaient les femmes chevaliers du Sanctuaire. Daniel fut fort surpris de se trouver face à un tel adversaire :
"Une femme ?"
Le spectre en question répondit d'une voix anormalement douce :
"En effet, chevalier d'or... Croyais-tu donc que seuls des hommes étaient au service de sa majesté Hadès ?"
Le gardien de la cinquième maison du Zodiaque toussota, avant de reconnaître :
"En effet... Ou plutôt, j'avais du mal à m'imaginer que des membres de la gente féminine puissent combattre pour le sombre monarque..."
"C'est pourtant bien le cas, chevalier d'or, fit la jeune fille... Je suis protégée par l'une des 108 étoiles maléfiques, je suis Mona de la Sorcière, spectre de l'étoile céleste de l'illusion !"
La présentation de Mona intrigua Daniel :
"Mona de la Sorcière... Elle semble peu agressive, mais mon expérience de chevalier d'or m'interdit de me fier aux apparences!"
Puis, à voix haute :
"Mona, je suis Daniel, chevalier d'or de la constellation du Lion ! Et je compte bien faire honneur à mon rang, comme je l'ai fait en battant Mafuta du Guépard !"
"Tu as donc vaincu l'un des nôtres, chevalier du Lion, et je t'en félicite... Mais prends garde à ne pas te reposer sur tes lauriers, simplement parce que je suis une femme ; les femmes spectres sont aussi fortes que leurs homologues masculins..."
"C'est ce qu'on va voir !"
Daniel intensifia sa cosmo-énergie très rapidement, de sorte à faire apparaître derrière lui un lion rugissant. Mona, étonnée par ce phénomène, recula de quelques pas, mais le chevalier du Lion ne la laissa pas agir plus longtemps, et abaissa un doigt dans sa direction. Avant d'avoir pu comprendre quoi que ce soit, le spectre de la Sorcière fut frappée en plein visage et son casque fut brisé en deux, en même temps qu'elle se retrouva au tapis. Elle resta inconsciente durant presque dix secondes, puis se releva lentement et son visage apparut. Mona était une jeune fille rousse aux yeux bleus et au visage mélancolique. Sans les tâches de rousseur qui parsemaient son visage, l'on aurait pu la prendre pour la soeur jumelle de Carrie de la Reine Ecarlate. Elle regarda furtivement Daniel, puis lui dit en fronçant les sourcils :
"C'est dommage, chevalier du Lion..."
"Comment ça ?"
"J'ai ouï dire que les femmes qui faisaient partie de la chevalerie d'Athéna devaient porter un masque... Si jamais un homme voyait leur visage, elle avaient le choix entre tuer cet homme ou l'aimer... Et les femmes spectres portent elles aussi un masque..."
"Mais alors..."commença Daniel.
"Non, chevalier... Si un homme voit le visage d'une femme spectre, il est condamné à mort d'office... Je me dois donc de te tuer pour laver l'affront que tu as fait..."
"Dommage pour toi, je n'ai pas l'intention de me laisser faire !"lança le chevalier du Lion.
Mais malgré le ton assuré qu'il avait pris, le gardien de la cinquième maison du Zodiaque ne savait pas à quoi s'en tenir avec le spectre de la Sorcière, tant son apparence apaisée le déconcertait. Tout à coup, une aura verdâtre entoura Mona, qui tendit les bras vers Daniel, puis cria :
"PAINFUL CURSE !!"
Sans avoir eu le temps de comprendre quoi que ce soit, il fut saisi d'une douleur sans nom, tellement insupportable qu'il tomba à terre. Le visage du chevalier d'or se contorsionnait nerveusement, il avait l'impression que tous les os de son corps allaient se disloquer, que ses yeux allaient sortir de leurs orbites et que ses muscles prenaient feu. La douleur était telle que s'il n'avait pas eu en tête qu'il devait se battre pour Athéna, il aurait pu céder à la tentation d'avaler sa langue pour abréger ses souffrances. Tout à coup, une demi-minute après que le spectre de l'étoile céleste de l'illusion eût déclenché le Painful Curse, elle y mit un terme, puis dit :
"Ce n'était qu'un avant-goût, chevalier du Lion... Pour que tu apprennes ce qu'il en coûte de déshonorer une femme spectre au service de l'Empereur des Ténèbres !"
La cruauté du geste contrastait avec le ton de conversation qu'avait adopté Mona. Le contraste était si grand que Daniel en fut grandement troublé et se mit à trembler, alors qu'il ne s'était pas encore relevé :
"Mon Dieu, songea-t-il... /i]Quel terrible adversaire... Elle est encore plus redoutable que Mafuta... Comment... Comment trouver une parade à ses maléfices ?"[/i]
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L'Empire du Milieu
Véga errait dans une forêt de bambous, l'air sombre. Quelque temps après s'être séparé de son frère d'armes, Tellos d'Héraclès, le chevalier de la Lyre avait senti sa cosmo-énergie disparaître et réalisé que son ami avait été vaincu au combat. Plus grave, de nouvelles pertes avaient eu lieu sur le front terrestre, les plus importantes étant celles des chevaliers du Cancer, puis du Taureau. La chevalerie d'Athéna avait donc été privée de deux de ses meilleurs éléments, comme Véga le reconnut amèrement :
"Ainsi donc, la Guerre sainte frappe tous les chevaliers sacrés, y compris les gardiens des douze maisons du Zodiaque... Les Spectres d'Hadès cachaient bien leur jeu... Et il se peut que je fasse partie du lot des victimes... Maître Philoctète m'a parfois dit que ma puissance était pratiquement égale à celle des chevaliers d'or, mais si eux-mêmes sont morts, du moins pour deux d'entre eux..."
"Serais-tu dans la lune, chevalier d'Athéna ?"
"Que ?..."
Le chevalier de la Lyre releva brusquement la tête et aperçut un spectre qui ne lui était pas vraiment inconnu :
"Tu es..."
"Je suis Motta de la Harpie, spectre de l'étoile céleste de la lamentation ! Tu as bonne mémoire, chevalier, pourtant, seuls les chevaliers d'or ont eu vent de ma présence !"
"Je t'avais vu quitter le Sanctuaire, l'espace de quelques secondes..."
"Tout s'explique, alors... Et toi, chevalier d'Athéna, qui es-tu ?"
"Je suis Véga, chevalier d'argent de la Lyre !"
"Un chevalier d'argent... Espérons que tu vaudras mieux que celui que j'ai vaincu sur la Dune du Pilat !... C'était le chevalier du Centaure, je crois bien..."
Véga fut peiné d'entendre la confirmation de la mort d'un de ses compagnons, mais il n'en laissa rien paraître :
"En tout cas, sache que je vengerai Nessos ! L'on dit que ma puissance est remarquable pour un chevalier d'argent !"
"Ce que l'on dit de toi m'importe peu, chevalier... Ce qui compte, ce sont les actes !"
"Dans ce cas..."
Véga s'empara rapidement de son instrument, puis se mit à jouer une mélodie qui intrigua le spectre de la Harpie :
"Quelle mélodie suave... Ce chevalier d'Athéna me semble être un parfait virtuose..."
Puis, tout haut :
"Que ?..."
La silhouette de Véga s'était démultipliée entre-temps, Motta était désormais entouré d'une vingtaine de chevaliers qui jouaient la même mélodie. Le spectre était surpris par cette situation, l'importance des sosies de son adversaire et l'aspect envoûtant de la mélodie qu'il jouait lui donnaient le tournis :
"Mais... Mais à quoi peut-il bien jouer ? Il n'espère quand même pas me vaincre par ce tour de passe-passe ?"
Tout à coup, l'un des sosies du chevalier d'argent pinça plus intensément sa corde de sol. Motta, pressentant une offensive, se jeta sur lui :
"Tu ne m'auras pas ! Prends ça, chevalier...!"
Ce fut alors qu'il sentit une violente douleur sur le flanc gauche, puis dans le dos. Il hurla pendant quelques secondes, puis tomba à terre, au beau milieu de six sosies de Véga. Ces derniers continuaient à jouer la même mélodie entêtante, comme s'ils voulaient narguer le spectre de la Harpie, qui était encore sous le choc :
"Quel... Quel adversaire déconcertant ! Non seulement je n'arrive pas à le repérer, mais en plus, il me nargue avec sa musique ! Il est bien plus puissant que le chevalier du Centaure..."
Motta se releva promptement, puis songea :
"Mais alors... Que puis-je faire ?"
Il regarda tout autour de lui, concentré sur la cible qu'il devait atteindre. Finalement, après quelques secondes de réflexion, il se dit :
"Ça y est, j'ai compris ! Chevalier, tu ne me berneras plus !"
Puis, tout haut :
"Prends ça, chevalier !!"
Un flux d'énergie jaillit du poing du spectre de la Harpie et visa... le vrai Véga. Ce dernier, abasourdi de s'être fait découvrir aussi vite, cessa aussitôt de jouer, geste imprudent, puisqu'il fut frappé en plein ventre. Son armure d'argent avait encaissé tout le choc, mais le disciple de Philoctète était sous le choc :
"Ce n'est pas vrai !... Il... Il a découvert rapidement où je me trouvais parmi tous mes sosies !"
Puis, il demanda à son adversaire :
"Motta, comment as-tu fait pour déceler ma présence ?"
"Enfantin, chevalier ! rétorqua le spectre de l'étoile céleste de la lamentation. Ton ombre te trahit ! Croyais-tu pouvoir me tromper avec cette futile illusion d'optique, moi, Motta de la Harpie ?"
Véga songea :
"Incroyable... Il n'a pas la vue perçante de Balzer du Faucon, mais cela ne l'a pas empêché pour autant de trouver la faille de mes illusions ! Ce spectre est non seulement très puissant, mais il est aussi fort intelligent ! Je vais devoir ruser pour le vaincre..."
Le chevalier de la Lyre s'adossa alors à un rocher, puis commença à jouer une mélodie plus langoureuse que la précédente, si captivante que Motta commença à se laisser bercer malgré lui :
"Quelle... Quelle mélodie superbe... Tellement belle qu'elle me donnerait presque envie de m'endormir..."
Ce fut alors qu'un sombre pressentiment jaillit dans son esprit :
"Oh non !! Il... Il ne faut pas que je le laisse faire ! Sinon...!"
Mais déjà le spectre de la Harpie tremblait sur ses jambes et ses paupières devenaient fort lourdes. Il bâilla bruyamment, une fois, puis deux fois, puis trois fois, avant de finalement se laisser tomber à genoux. Véga, qui demeurait impassible tout en jouant, lâcha à voix basse :
"Le moment est venu... Il est temps que tu t'endormes à tout jamais, Motta..."
Il se mit à jouer plus fort et à murmurer :
"Les dieux ont arrêté leurs bavardages... Les oiseaux ont arrêté de chanter... Les étoiles aussi ont temporairement arrêté de briller... Et tous vont sommeiller dans la beauté et l'ivresse... "
Bien que Motta sentît qu'il était sur le point de succomber à ce sommeil fatal pour lui, il s'efforçait de lutter intérieurement :
"Non... Pas... Pas maintenant... Je... Je ne peux pas mourir comme ça..."
Ignorant les états d'âme de son adversaire, le disciple de Philoctète souffla :
"Et le temps tout entier s'arrête un court instant..."
"Je ne dois pas le laisser me vaincre... Je... Je dois..."
"Et tout ce qu'il y a sur Terre va s'endormir..."
"Je dois me reprendre ! Il le faut..."
" s'endormir..."
"Il le faut... pour..."
"s'endor..."
"POUR LA GLOIRE D'HADES !!"
Surpris par ce sursaut brutal, Véga s'arrêta de jouer la Death Trip Serenade, cligna des yeux à plusieurs reprises et vit le spectre de la Harpie sur ses deux pieds et le regard plein de détermination. D'un ton inquiet, le chevalier de la Lyre lui demanda :
"Comment as-tu pu résister à ma sérénade ?"
La réponse ne se fit pas attendre :
"PRENDS ÇA, CHEVALIER !!"
Une décharge d'énergie partit du poing de Motta et frappa violemment Véga à l'abdomen. Le souffle coupé, le chevalier d'argent alla percuter toute une rangée de bambous qui amortirent sa chute. Alors que le sang coulait de sa bouche, il regarda lentement le spectre de l'étoile céleste de la lamentation et lui dit d'une voix tremblant sous l'effet de la colère :
"Espèce... Espèce de fourbe..."
"Je ne vois pas pourquoi j'aurais répondu à ta question avant de t'attaquer, chevalier ; rien ne m'y obligeait ! Maintenant que tu es à terre, je veux bien satisfaire ta curiosité : j'ai une volonté inouïe de combattre au nom de sa majesté Hadès ! Et c'est cette volonté qui m'a permis de résister à ta mélodie mortelle et de reprendre l'avantage ! Je suis l'un des serviteurs les plus dévoués de l'Empereur des Ténèbres, chevalier, seuls les trois Juges des Enfers sont plus déterminés que moi à vaincre Athéna et ses chevaliers !"
Véga, qui ne s'était pas encore relevé, songea :
"Quel guerrier redoutable..."
Ce fut alors que Motta lui lança :
"J'espère que tu as fini par le comprendre, chevalier : si tu es vraiment capable de rivaliser avec les chevaliers d'or, il va te falloir plus d'ardeur que cela pour me vaincre !"
"Il a raison, pensa le chevalier d'argent non sans amertume... Je ne peux me permettre de me reposer sur des techniques relativement défensives... Il va falloir que je me montre plus offensif, sinon, je perdrai ce combat !"
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John toussota un bref instant, avant de reprendre son récit :
"Au même moment, dans le monde des ténèbres, les chevaliers égarés de façon mystérieuse n'allaient pas tarder à reprendre conscience... et à savoir à qui ils auraient affaire."
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Un endroit inconnu, dans le Meikai
Eon, Emma et Lévi ignoraient tous combien de temps avait duré leur voyage dans une dimension parallèle depuis la première vallée du monde des ténèbres. La seule chose dont ils étaient certains, c'était que la fin de leur voyage ne s'était pas réalisée en douceur : ils avaient fait une chute de trois mètres dans un tas de sable. Le chevalier de la Licorne, bien qu'ayant été durement éprouvé par son combat contre Rael, fut le premier à se relever, car il souhaitait vivement se débarrasser du sable qu'il avait dans la bouche :
"Pouah !!... Combien de temps vais-je encore devoir réaliser des voyages pareils... surtout avec une pareille compagnie ?"
Eon et Emma venaient de se relever à leur tour. Le chevalier des Poissons, qui semblait plus sûre d'elle depuis sa victoire sur les Acolytes Végétaux, signala d'un ton impétueux au chevalier de bronze :
"Lévi, je te rappelle que je suis l'un des douze chevaliers d'or ! Par conséquent, tu es sous mes ordres, que cela te plaise ou non !"
Courroucé, Lévi voulut répliquer, mais il en fut empêché par une curieuse mélodie. Une mélodie douce et triste à la fois, mais nettement plus agréable à entendre que les cris des âmes qui avaient été condamnées à la mare de sang. Emma tendit plus attentivement l'oreille :
"On... On dirait le son d'un instrument à cordes... D'un violon, peut-être..."
"Tu y étais presque, chevalier, répondit une voix... C'est le son d'un violoncelle, en fait..."
Intrigués, les trois chevaliers se retournèrent et furent témoins d'un spectacle particulier. Ils étaient en face d'une femme spectre, qui portait un surplis pourpre ressemblant à un hybride de femme et de créature démoniaque et qui jouait inlassablement du violoncelle. Ce fut alors qu'elle s'arrêta de jouer et s'adressa aux trois serviteurs d'Athéna en ces termes :
"Je vous souhaite la bienvenue, chevaliers d'Athéna..."
"Où... Où sommes-nous ?"demanda Eon.
"Vous vous trouvez près de la sortie de la troisième vallée, là où sont condamnés ceux et celles qui ont sombré dans le plaisir et la débauche..."
La description de l'endroit ne fut pas inconnue à la gardienne de la douzième maison du Zodiaque :
"Je m'en souviens... C'est la prison où ont été condamnées Delphine et Anissa... Et c'est aussi là que Rune voulait m'envoyer..."
Emma demanda à la femme spectre :
"Et... Et tu es celle qui garde la sortie de cette prison ?"
"En effet, répondit d'une voix douce la jeune fille. Je suis Tamsin de la Succube, spectre de l'étoile céleste du contrôle."
La dénommée Tamsin posa alors son archet au sol, puis ôta d'un geste son masque. Les trois chevaliers virent alors le visage d'une jeune fille de seize ou dix-sept ans, un visage aux beaux yeux bleus et aux longs cheveux bruns. Lévi, intrigué par ce geste, lâcha :
"A... A quoi rime ce manège ?"
"Chevalier, je crois que tu sais quel est le sort réservé aux hommes qui ont vu le visage d'une femme spectre ?"
Le descendant du troisième fils de Jacob se mit à déglutir :
"Oui... C'est..."
"...la mort, tout simplement, acheva Tamsin sur un ton de conversation. Cela dit, tu ne seras pas le seul concerné par ce sort... Tes deux compagnes te rejoindront, elles aussi, dans l'autre monde."
"Et peut-on savoir comment une femelle comme toi compte s'y prendre ?"fit Lévi d'un ton railleur.
Tamsin regarda le chevalier de la Licorne d'un air étrange, avant de lui dire :
"Tu n'as pas idée des pouvoirs que je possède... Mes dons pour le violoncelle, mêlés à ma cosmo-énergie, m'ont permis de vous amener jusqu'à moi... Mais surtout, ceux qui entendent ma mélodie n'échappent pas à un sort funeste..."
"Comment ?!"lâcha Emma, qui gardait un très mauvais souvenir de la musique émise par la harpe de Ramsès du Sphinx.
"Tu as bien entendu... Mais avant... Puis-je connaître vos identités, chevaliers d'Athéna ?"
Les réponses ne se firent pas attendre du côté des deux amantes :
"Je suis Eon, chevalier d'or des Poissons !"
"Je suis Emma, chevalier de bronze de la Colombe !"
Mais ce fut Lévi qui fut le plus réactif :
"Et moi, je suis Lévi, chevalier de bronze de la Licorne !... Prends ça, Tamsin !... UNICORN GALLOP !!"
Lévi bondit tout droit sur le spectre de la Succube, mais cette dernière, nullement contrariée, joua une rapide mélodie qui, comme par magie, bloqua le chevalier de bronze dans son élan :
"Que ?... AAARGH !!!"
Lévi eut l'impression que la foudre s'abattait sur lui, une foudre néanmoins invisible à ses yeux. Tamsin joua encore quelques secondes de son violoncelle, puis s'arrêta et le descendant du troisième fils d'Israël retomba brutalement au sol. Eon, bien qu'elle sût parfaitement l'hostilité que Lévi lui portait, accourut vers lui :
"Lévi !!"
"Oh, ne t'inquiète pas, chevalier des Poissons... Ce n'était qu'un avant-goût..."
"Comment ?"
"Oui, chevalier... Ce que j'ai infligé au chevalier de la Licorne n'était rien... Par rapport à ceci..."
La jeune fille reprit son archet et se mit à jouer d'une manière plus saccadée. Eon, sans bien réfléchir, se boucha les oreilles, bien qu'elle se souvînt de l'inutilité de ce geste lorsqu'elle avait fait face à Ramsès. Alors qu'elle voyait Tamsin jouer, elle réalisa qu'elle ne sentait rien, bien qu'elle entendît plus ou moins la mélodie jouée par le spectre de l'étoile céleste de l'illusion. Se croyant tirée d'affaire, elle commença à sourire, mais ce sourire s'éteignit rapidement quand elle entendit un hurlement strident qui manqua de lui percer les tympans :
"AAAH !!!"
Se retournant vivement, elle aperçut son amante qui se bouchait vainement les oreilles, car la mélodie de Tamsin semblait la torturer de l'intérieur. Horrifiée, le chevalier des Poissons se mit à hurler :
"EMMA !!!"
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Un endroit inconnu, dans le Meikai
Bosching et Néhémie étaient étendus sur un sol sombre et rugueux et trois mètres les séparaient. Le chevalier des Gémeaux, qui bénéficiait d'une armure plus résistante, fut le premier à se relever, d'autant qu'il avait été moins éprouvé par les combats que le chevalier de la Coupe. Ce dernier finit par se relever dix secondes après Bosching, auquel il dit :
"Chevalier des Gémeaux ?... Où... Où sommes-nous ?"
Le gardien de la troisième maison du Zodiaque se frotta la tête avant de répondre :
"Je n'en ai aucune idée... Parker... Il nous a bien eus..."
"Si seulement nous étions restés vigilants jusqu'à son trépas définitif... Athéna seule sait où il nous a emmenés..."
Néhémie s'interrompit brièvement, avant de prendre conscience de l'ambiance qui les entourait, lui et Bosching :
"Quelle... Quelle chaleur écrasante... C'est... Jamais je n'ai ressenti pareille chaleur depuis que je suis arrivé dans le Meikai...!"
Il s'interrompit à nouveau. Il venait de se rendre compte que lui et le chevalier des Gémeaux étaient cernés par des flammes qui dansaient dans les environs et qu'ils semblaient se trouver sur une grande île entourée par de la lave. Le disciple de Christian balbutia :
"Je... Je comprends mieux pourquoi je ressentais une chaleur pareille... Quel... Quel est cet endroit sinistre ?"
Bosching s'apprêta à répondre qu'il n'en avait aucune idée, quand tout à coup, il lâcha :
"Attends ! Je... Je ressens une puissance... Une puissance terrifiante !"
"Serait-ce l'Empereur des Ténèbres en personne ?"demanda Néhémie d'une voix qui trahissait son affolement.
"Non, je ne pense pas, mais... Jamais je n'ai ressenti un pareil cosmos depuis que je suis devenu chevalier d'or... Ce cosmos... Il est aussi intense que le mien !"
A ces mots, le chevalier de la Coupe se mit à penser :
"Un cosmos aussi puissant que celui du chevalier des Gémeaux... Non... Est-il possible que ce soit..."
Soudain, l'étrange cosmo-énergie devint plus intense et se fit plus ressentir auprès des deux chevaliers sacrés, qui étaient paralysés par une telle puissance. Bosching eut à peine le courage de murmurer :
"Il se rapproche... Nous allons être bientôt fixés..."
Ce fut alors qu'au beau milieu des flammes, une silhouette entourée par un halo pourpre fit son apparition, avant de se montrer au grand jour. Bosching et Néhémie se trouvaient en face d'un jeune homme aux cheveux lavande et aux yeux verts, et qui portait un surplis qui incarnait un étrange animal ailé. Il sourit, puis s'adressa aux deux chevaliers en ces termes :
"Je vous souhaite la bienvenue, chevaliers d'Athéna ! Vous avez l'honneur de vous trouver dans le huitième maleboge des Enfers !"
"Le huitième maleboge ?"fit Néhémie.
"C'est là où se trouvent les pécheurs qui se sont livrés à de sinistres complots de leur vivant... Certes, pour vous, le Cocyte serait plus approprié, mais il se trouve que sa majesté Hadès, par l'intermédiaire du seigneur Moloch, m'a ordonné de me rendre ici... Parker avait en effet fait en sorte que vous tombiez entre mes mains !"
Alors qu'un mauvais pressentiment commençait à gagner l'esprit du disciple de Christian, Bosching demanda à son futur adversaire :
"Et toi, qui es-tu ?"
"Je suis Minos du Griffon, spectre de l'étoile céleste de la valeur !"
Un tel nom ne fut pas inconnu au chevalier des Gémeaux :
"Minos !?... Tu es donc l'un des trois Juges au service d'Hadès ?"
"En effet. L'Empereur des Ténèbres m'a confié le commandement des troupes du Meikai... Depuis la Toloméa, où je me trouvais, je dois dire que vous m'avez particulièrement surpris, chevaliers d'Athéna... A vous tous, vous vous êtes débarrassés de douze spectres et vous deux, vous êtes parvenus jusqu'au huitième maleboge, bien que Parker y soit pour quelque chose... Cela dit, la situation n'est guère en votre faveur : vous n'êtes plus que huit, donc cinq en sursis, alors que nous autres spectres du front du Meikai sommes encore vingt-quatre, moi y compris !"
Les regards des deux chevaliers sacrés se tendirent en entendant les propos de Minos, qui jubilait intérieurement. Tout à coup, Néhémie se tourna vers Bosching :
"Chevalier des Gémeaux !"
"Oui, Néhémie ?"
"Il n'y a plus un seul instant à perdre ! Nous ne devons plus être très loin d'Hadès ! Pars en avant, tandis que j'affronterai Minos !..."
Mais avant que le gardien de la troisième maison du Zodiaque n'ait eu le temps de répondre, il sentit une violente douleur en pleine poitrine avant d'être envoyé plusieurs mètres en arrière du chevalier de la Coupe. Minos avait en effet profité de la brève conversation entre les deux chevaliers pour ouvrir les hostilités et frapper violemment Bosching. Néhémie regarda brièvement le chevalier d'or, qui gisait à terre, puis dit d'un ton outré au Juge des Enfers :
"Sale lâche !"
Minos répondit en croisant les bras :
"Au cas où tu l'ignorerais, chevalier, tu te trouves sur mon territoire ! C'est moi et moi seul qui décide du début des affrontements en ces lieux ! Par conséquent, si ton ami n'a pas eu assez de réflexes pour esquiver mon attaque, je n'y puis rien..."
Le disciple de Christian serra les poings, indigné par tant de mépris, quand le spectre du Griffon lui lança :
"Assez bavardé, maintenant, prépare-toi au combat !... Mais avant, j'aimerais quand même savoir l'identité de celui que je vais faire passer de vie à trépas..."
Néhémie répondit aussitôt :
"Je suis Néhémie, chevalier d'argent de la Coupe !"
"Tu es donc celui qui a vaincu Fausto... Pas mal, fit Minos en souriant... Mais face au Juge des Enfers que je suis, ta puissance sera dérisoire..."
"Et qu'en sais-tu ?"
Minos étouffa un petit rire, avant de lâcher :
"A en juger par ton apparence, il semble que Parker ne t'a guère ménagé... Tu peux t'estimer heureux de t'en être sorti vivant... Mais il n'en reste pas moins que tu as eu du mal à vaincre un spectre terrestre, que tu as manqué de mourir face à un spectre céleste... Alors face à un Juge des Enfers, l'un des trois plus puissants guerriers au service de sa majesté Hadès..."
Outré par l'arrogance du spectre de l'étoile céleste de la valeur, le chevalier de la Coupe s'apprêta à répondre avec virulence, quand soudain, des propos que Parker lui avait tenus lors de leur combat lui revinrent à l'esprit :
"Tu n'as pas idée de l'écart de puissance entre un Juge des Enfers et un chevalier d'or... Autrement dit, si toi, simple chevalier d'argent, tu te trouvais face au seigneur Minos, tu ne tiendrais pas cinq minutes contre lui !"
Et, comme un écho, le Juge des Enfers lui lança :
"Mettons les choses au point, chevalier ; pour te tuer, il ne me faudra pas plus de cinq minutes !"
Néhémie fronça les sourcils, alors qu'il songeait :
"Qui sait... Ce.... Ce sera peut-être mon dernier combat... Mais je dois au moins faire honneur à l'enseignement de maître Christian ! Je dois rester impassible face à Minos et je dois tenir contre lui le plus longtemps possible ! Ne... Ne serait-ce que pour permettre au chevalier des Gémeaux de se relever et d'atteindre Hadès... Au moins, pour cela, je dois résister à ce Juge des Enfers !"
Bien qu'il sût qu'il s'engageait peut-être dans le dernier combat de son existence, le chevalier de la Coupe commença à accroître son cosmos et fut entouré d'un halo immaculé. De son côté, Minos avait lui aussi accru sa cosmo-énergie, faisant apparaître derrière lui la silhouette d'une créature hybride de lion et d'aigle...
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"Le caractère dramatique du combat entre le chevalier de la Coupe et le Juge Minos prenait toute son ampleur, car le premier savait qu'il n'aurait que peu de chances de tenr face au second, mais qu'il devrait lutter pour permettre au chevalier des Gémeaux d'arriver jusqu'à Hadès et pour faire honneur à son titre de chevalier sacré..."dit John d'un ton plus sombre que jamais.
Les yeux du révérend Trevor se remplirent alors d'une étrange appréhension, ce que remarqua aisément son ami, qui reprit aussitôt son récit vers le front de Skygard.
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Les plaines de Skygard
Hérodote et Akela gisaient à terre, leurs corps couverts de plaies sanguinolantes. Kurt tendit attentivement l'oreille, puis lâcha, la mine un peu déconfite :
"Pff... Ils ne sont pas morts... Ils tiennent vraiment à périr dans la souffrance..."
Comme un écho, un râle se fit entendre, puis Hérodote se releva péniblement, soutenant par l'épaule un Akela à moitié conscient. Le spectre du Basilic soupira :
"Tss, tss... Vous êtes plus têtus qu'une mule, chevaliers d'Athéna ! Pourquoi n'êtes-vous pas restés étendus pour attendre la mort ?"
Le chevalier du Grand Chien fronça les sourcils et s'apprêta à répondre, mais Polyphème l'interrompit :
"Garde ta salive, nous savons déjà pourquoi... Il y va de votre honneur de chevaliers, n'est-ce pas ?"
Akela, qui commençait à reprendre ses esprits, hocha la tête.
"Bon... Je crois qu'on devrait abréger ce simulacre de combat !"lança Casey d'un ton enthousiaste.
"En effet ! approuva le spectre du Cyclope en intensifiant sa cosmo-énergie. Et je vais m'en charger personnellement !"
Il se jeta alors sur les deux chevaliers impuissants :
"BIG..."
Tout à coup, il crut recevoir une dizaine de coups de pieds au visage, puis fut renvoyé auprès de ses deux compagnons. Casey du Dulahan lâcha :
"Mais qu'est-ce qui s'est passé ?... Mais ?! Qui es-tu ?"
Ce fut Hérodote qui, fort surpris de cette intervention providentielle, répondit :
"Omar !?"
"Lui-même, fit le chevalier de Persée... Heureusement que je suis arrivé à temps !"
"Mais... Comment se fait-il que tu sois là ?"demanda Akela.
"Eh bien, il se trouve que j'ai été le seul survivant du groupe dans lequel on m'a envoyé, puis je suis tombé sur le chevalier du Verseau, avec lequel j'ai eu un... petit différend sans importance, puis je suis reparti vers l'ouest et je suis tombé sur vous ! Voilà ce qui s'est passé en substance !"
Kurt du Basilic demanda :
"Tu es donc un chevalier sacré d'Athéna, toi aussi ?"
"En effet, je suis Omar, chevalier d'argent de Persée et disciple du plus puissant chevalier d'Athéna, Bosching des Gémeaux !... Quant à vous, je vois que vous êtes des spectres d'Hadès..."
Polyphème, qui s'était relevé, mit en garde Omar :
"Prends garde à toi, chevalier ! Nous sommes plus puissants que tu ne sembles le penser ! Nous avons déjà vaincu l'un des tiens !"
Le chevalier de Persée jeta un coup d'oeil négligent au cadavre de Robin, puis rétorqua :
"Je vois..."
"Et cela ne te fait rien du tout ?"s'étonna le spectre du Dulahan.
"Maître Bosching m'a toujours dit qu'il était inutile de pleurer pour les morts... S'il n'a pas été assez puissant pour vous résister, je n'y puis rien... Ce qui compte pour le moment, c'est de vous vaincre, spectres d'Hadès ! Nous sommes de nouveau à armes égales !"
Hérodote et Akela, quelque peu revigorés par les paroles d'Omar, se placèrent face à Kurt et Casey, tandis qu'Omar faisait face à Polyphème. Un nouveau combat allait commencer...