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Cette fiche vous est proposée par : Dyvimm


Le Jugement dernier

            Un attroupement de gardes se créait sur la plage du Sanctuaire. Jabu, qui avait entendu les bruits venant de la côte, s’était élancé aussitôt. Une jeune femme en haillons était étendue sur le sable. Les courants avaient dû charrier son corps jusqu’ici. Les soldats regardaient tour à tour la naufragée et le Chevalier de Bronze. Il ferma les yeux de cette adolescente aux cheveux émeraudes et ressentit un léger souffle lui caresser la main.


            « Cette femme n’est pas morte ! Poussez-vous ! Il lui faut de l’air pour respirer ! Allez chercher Marine et Seika ! Il faut s’occuper d’elle tout de suite ! »


            Quelques gardes exécutèrent l’ordre alors que Jabu transportait la jeune personne dans une cabane où on pourrait la soigner. Son cœur battait plus rapidement qu’il n’aurait dû au contact de cet être frêle et d’une grande beauté, qui menaçait à tout instant de perdre la vie.


            Marine et Seika arrivèrent peu après dans la cabane où Jabu avait trouvé refuge et commencé à éponger les plaies qui parsemaient son visage. Marine s’arrêta net sur le pas de la porte.


            « Dehors Jabu ! Immédiatement !
_ Mais, qu’est-ce… »


            Elle avait déjà jeté le jeune Chevalier hors de l’abri.
           
            Quelque peu secoué, Jabu s’éloigna, non sans râler sur les manières un peu rustres des femmes chevaliers. Inconsciemment, il revint vers la côte où il avait découvert la naufragée. Il aimait la mer, il l’avait toujours aimée. C’était la mer de son enfance. Que de chemin parcouru depuis. Depuis… plus rien. Jabu cherchait en vain un sens à sa vie, mais celui-ci lui échappait. Cela faisait maintenant des années que les Chevaliers Divins étaient revenus, la tristesse au ventre. Seuls trois sur les cinq avaient refait surface des Enfers, sans leur déesse… Saori. Il aurait tant aimé revoir celle à qui il vouait sa vie. Mais leur dernière Guerre contre Hadès avait décimé la Chevalerie d’Athéna. A présent, la déesse payait sa faute.
            Le Sanctuaire était moribond. La Grande Statue d’Athéna qui veillait depuis toujours sur l’île avait disparu et les chevaliers d’Or s’étaient offerts en sacrifice. Mais la Terre était sauvée. Les Chevaliers Divins restaient prostrés, Hyoga dans la onzième Maison du Zodiaque et Shiryu dans la septième. Même Ikki n’était pas reparti comme à son habitude et hantait la Maison de la Vierge. Shun n’était pas revenu des Enfers.


            Jabu n’avait su que faire. Ce n’était pas le cas de Marine qui avait aussitôt repris le Sanctuaire en main. La Guerre Sainte était terminée, mais il y aurait encore beaucoup de travail pour préparer les suivantes ; même si pour tous, cette perspective dépassait le cadre de leur courte durée de vie. Deux cents, trois cents ans de trêve… voilà ce qu’ils avaient gagné.
Marine avait reformé la garde du domaine sacré, la réduisant au minimum nécessaire en ce temps de paix. Elle avait demandé aux Chevaliers présents de continuer à s’entraîner et de former quelques disciples pour préparer la génération future.


            L’attaque d’Hadès s’était en effet produite sans préavis. Certes, Athéna avait prévu un affrontement et chacun était resté à son poste, mais qu’est-ce que des gardes auraient pu faire face aux Chevaliers d’Or ressuscités ? La déesse elle-même avait demandé que les Chevaliers de Bronze n’interviennent pas.
Pendant la nuit, tous avaient été réveillés par le bruit de batailles faisant rage dans les douze Maisons. Tous avaient vu l’horloge se rallumer et ses feux s’éteindre un à un, sans pouvoir intervenir. Leur force était tellement négligeable… . Jabu se serait bien lancé à la poursuite des Chevaliers renégats si Shina ne l’en avait pas empêché, ce qu’elle fit d’ailleurs avec tout ceux qui voulaient rejoindre les Maisons.
Au terme des douze heures, ils avaient finalement ressenti ce trouble en eux, une défaillance, un vide qui se crée. Athéna venait d’offrir sa vie. Jabu était tombé en larmes alors que tout le Sanctuaire s’était mis à trembler pour la première fois depuis des millénaires. Certains crurent que l’île allait disparaître tandis que les derniers combattants la quittaient, pour poursuivre leur combat dans un autre monde.
            Mais, elle s’était maintenue. La Terre pleurait seulement le départ de celle qui la protégeait. Peu importait dès lors Shina ou ses ordres, Jabu et les autres Bronzes n’avaient qu’un désir, venger Athéna. Shina voyait qu’elle ne pourrait rien faire pour les arrêter et aux larmes qui coulaient sous son masque, on devinait la même frustration : être restée en bas, à attendre la mort de celle qu’ils devaient protéger.


C’est alors qu’une ombre était apparue derrière un rocher. Vêtu d’une cape partant en lambeaux, un envoyé d’Hadès se présenta à eux. Les Chevaliers de Bronze n’essayèrent même pas de réfléchir avant de se lancer à l’assaut de leur ennemi. La toile se déchira mais l’homme n’avait pas bougé. Tous virent ses yeux embués de larmes et firent quelques pas en arrière, estomaqués de reconnaître l’habit que portait ce spectre. Shina elle-même avait poussé un cri en reconnaissant l’armure du Sagittaire.
            Aioros était donc également revenu des Enfers avec Saga et les autres. Pourquoi n’avait-il pas suivi les ordres de Sion et n’avait pas essayé de prendre la vie d’Athéna ? Il avait dû les surveiller. Sans doute pour éviter qu’ils n’interviennent dans le combat.
            L’ancien Chevalier d’Or se mit alors à parler. Personne n’avait trouvé la force de l’en empêcher, comme s’ils attendaient tous le discours d’un homme disparu depuis plus de treize ans, et qui même, par delà la mort, avait toujours aidé Athéna et ses Chevaliers. Jabu se rappelait encore ses paroles, mélange de tristesse et de mélancolie. Pourtant, Aioros parlait d’une voix déterminée. Il leur avait tout expliqué, jusqu’à la mort d’Athéna et son sens. Il les avait également mis en garde : ils ne devaient pas quitter le Sanctuaire. La Guerre n’était pas terminée, loin de là et il fallait des Chevaliers pour protéger cette terre Sainte, pour empêcher Hadès et ses spectres de s’y infiltrer. Tous avaient compris son message et personne n’aurait osé le contester. L’aurore avait ensuite pointé à l’horizon et Aioros s’était envolé en poussière.


 


            Jabu marchait lentement, les pieds dans l’écume, perdu dans ses pensées. Ils avaient fait ce que le Chevalier d’Or du Sagittaire leur avait dit. Pourtant, un goût amer persistait, celui de n’avoir servi à rien. Aucun spectre n’était venu les affronter sur Terre. Les seules attaques qu’ils avaient dû parer étaient celles du Dieu de la Mort, Thanatos. Jabu aurait presque préféré périr sous les coups du Dieu que de se sentir inutile.
La fin de la Guerre Sainte avait fait s’envoler l’énergie de chaque Chevalier et Marine avait beau s’escrimer, le cœur n’y était plus pour personne.


Cela avait duré quelques temps jusqu’à ce qu’un événement extraordinaire se produise. Tous les Saints avaient perçu ce jour-là, un immense cosmos qui avait envahi le Sanctuaire. Au début, les Chevaliers de Bronze avaient cru à une attaque, mais très rapidement, ils avaient ressenti l’aura bienveillante qui avait englobé le domaine. Cette énergie provenait de la plus haute salle, du palais d’Athéna lui-même. Si Jabu avait au début espéré le retour de la déesse, il ne s’agissait pas de son cosmos. Tous avaient traversé les douze Maisons du zodiaque et lorsque enfin, ils avaient pénétré dans le Palais du Pope, Shiryu, Ikki et Hyoga étaient à genoux en signe d’allégeance envers celui qui siégeait sur le trône du représentant d’Athéna sur terre. Le Grand Pope était de retour.
Shina et Marine avaient immédiatement reconnu son autorité mais il avait fallu quelques minutes aux Chevaliers de Bronze avant, à leur tour, d’accepter comme tel, celui qui dégageait une si puissante, mais en même temps si paisible, cosmo énergie.
Aussi incroyable que cela aurait pu paraître, le Grand Pope était revenu sur Terre et il n’était pas seul. La statue d’Athéna avait également fait sa réapparition. Personne ne savait qui il pouvait bien être, mais Athéna l’avait reconnu comme son représentant et tous lui accordèrent leur vie.


Depuis, la vie du Sanctuaire s’était réorganisée. Hyoga et Shiryu étaient assignés à la protection des Maisons du Zodiaque. Ils avaient également pris des disciples, même si les meilleurs guerriers ne faisaient pas forcément les meilleurs professeurs. Kiki poursuivait sa formation pour devenir, au plus vite, Chevalier d’Or du Bélier. Cependant de nombreuses questions restaient en suspens, comme l’absence des Armures d’Or. Bien que descendant du peuple de Mû, Kiki était incapable de reproduire de tels modèles.
Pour tous, la présence du Grand Pope et de la statue d’Athéna avait permis aux blessures de guérir plus vite. La déesse de pierre était de retour au Sanctuaire et sur Terre. Les Chevaliers avaient repris leurs entraînements, et certains étaient partis pour former des apprentis en dehors de l’enceinte sacrée.
Mais Jabu, lui, restait ici. Il avait pris un groupe de gardes sous son aile, tentant de leur inculquer quelques méthodes de combat plus efficaces, à défaut de les éveiller au cosmos. Et aujourd’hui, une étrangère avait échoué au Sanctuaire et un sombre pressentiment lui disait que cet évènement ne serait pas dénué de nouvelles batailles…


 


Arrivée à Delphes

            « Cet endroit est absolument magnifique ! J’avais jamais vu des temples comme ça ! C’est les hommes qui ont bâti tout ça ?
_ Exactement. Il y a de cela plusieurs siècles, ce sanctuaire a été bâti en l’honneur d’Apollon. C’est là que la Pythie donnait ses prédictions.
_ Tout ça pour moi !
_ Oui. La Pythie respirait des effluves venant des profondeurs de la montagne. Elle entrait ainsi en transe et avait des visions qu’elle transmettait à ses prêtres. Ces derniers étaient alors chargés d’interpréter ses paroles et de donner une prédiction aux hommes. Mais tu n’as encore rien vu, il y a quelque chose d’encore plus fantastique que toutes ces ruines. Suis-moi Nan Li ! »


            L’homme aux longs cheveux de nacre, accompagné du jeune métis, s’éloigna du groupe de visiteurs, comme l’avait précédemment fait Thali. Ils doublèrent les monuments antiques, l’amphithéâtre où s’étaient déroulés tant de Jeux, pour commencer à gravir la paroi du mont Parnasse. Nan Li suivait avec précaution son précepteur qui le devançait de quelques pas. Il s’engouffra dans un interstice et plongea au cœur de la montagne. Nan Li lui emboîta le pas, se demandant bien où Urani voulait l’emmener. Pourtant, il n’avait nulle crainte. Urani était plus qu’un précepteur ou qu’un cousin.
Bientôt, le jeune garçon ne distingua plus que la chevelure argentée de la Muse, éclairant légèrement la grotte dans laquelle ils s’enfonçaient. Après quelques minutes, Nan Li remarqua une faible lumière qui s’amplifiait à l’extrémité du tunnel. Cette lueur explosa soudainement à ses yeux tandis qu’il s’avançait plus en avant. Urani l’y attendait.


            « C’est étrange. On dirait qu’il y a déjà eu des combats ici. Pourtant rien n’a encore commencé. Où est donc Alcyon ? »


            Indifférent aux remarques d’Urani, Nan Li contemplait la vaste salle. Deux colonnes marquaient l’entrée de la grotte dans laquelle ils venaient de pénétrer, le sol était dallé et deux flambeaux entouraient les montants de portes massives qui scintillaient comme de l’or pur.


            « Et bien, puisqu’il n’y a personne ici, av… »


            Avant qu’Urani n’ait pu finir sa phrase, les gonds frémirent puis grognèrent en s’ouvrant. La force de mille hommes était nécessaire pour faire bouger les deux battants et pourtant, un unique homme apparut aux yeux des deux visiteurs. D’une stature exemplaire et hors du commun, un géant couvert de bandages s’approcha de Nan Li avant de mettre un genou à terre.


            « Seigneur, pardonnez-moi de ne pas avoir pu vous accueillir à temps. Je suis Alcyon, Gardien Doré de votre cité et je m’en remets à votre bon vouloir. »


            Nan Li regardait ce colosse qui venait si brusquement de lui donner le titre de Seigneur. Cet homme était-il à son service, comme Urani ? Il jeta un regard interrogateur à son précepteur qui ne disait mot. C’était donc à lui d’intervenir.


            « Alcyon, je m’appelle Nan Li et suis heureux de te rencontrer. Relève-toi. D’où te viennent toutes ces blessures ?
_ De ma négligence. Je suis chargé de protéger l’entrée de cette Cité et quelqu’un a voulu y pénétrer.
_ Je vois que tu prends ton travail très à cœur. Conduis-moi avec Urani vers cette cité que je ne connais pas. »


            Alcyon se releva péniblement et regarda pour la première fois Urani qui, en un éclair, avait perçu ce qui s’était passé ici ; puis il invita les deux étrangers à le suivre.


Monts Kouen Louen, Chine

            Sanosuke jeta nerveusement un coup d’œil sur l’arène centrale cernée de ses puissantes colonnades. Tous étaient là, tendus comme lui, vingt-deux samouraïs, prêts à combattre et mourir pour leur Dieu, entraînés dans ce but depuis des générations. Le moment allait enfin venir où ils devraient montrer leur courage et leur force. Un moment unique puisque jamais cela ne s’était produit par le passé. Alors pourquoi maintenant ? Même Diomède dont la mémoire était infaillible, ne pouvait le dire.
            Diomède, leur chef spirituel, les avait guidés tous jusqu’à ce niveau d’excellence mais ne participerait pas aux combats. Nul n’aurait su dire quelle était sa force physique, mais tous connaissaient sa force de caractère et son charisme. Debout devant le temple principal, appuyé sur sa canne en équilibre sur la dernière marche, ses yeux étaient plongés dans le lointain, dépassant l’enceinte de l’enclave au travers de ses impressionnantes grilles, jusqu’à la vallée escarpée des Monts Kouen Louen.


            A ses pieds, s’étendaient les trois légions guidées par chaque Séphire : Gaboria, Séphire de Yésod, Mintaka, Séphire de Malktuh et Raphaël, Séphire de Tiphéreth, les plus redoutables combattants. Chacun menait une légion de six à sept combattants répartis en Ishims, Kéroubims, et Malachims.
Sanosuke scrutait ceux qu’il dirigeait en tant qu’Empereur de l’Equilibre. Les apprentis avaient reçu l’ordre de se tenir de chaque côté de l’enceinte, formant deux rangées aboutissant devant Sanosuke, vêtu de son habit d’apparat noir, rouge et or. Les autres portaient le traditionnel kimono que les trois Séphiroth avaient plus fins et brodés de signes ésotériques.


            Des nuages s’amoncelèrent. Il arrivait, ce ne pouvait être que lui. Serait-il seul ? Vraisemblablement pas. Sanosuke percevait sa formidable aura qui peu à peu se développait dans toute la vallée. Les cris des faucons s’étaient tus. Sanosuke aperçut un groupe de cinq hommes apparaître derrière les grilles de l’enclave. Aussitôt, genou à terre, il baissa la tête en signe de soumission alors que, derrière lui, l’ensemble des combattants faisait de même. Pas un bruit ne venait troubler cette étrange atmosphère. L’aura de leur Majesté était impressionnante,  jamais Sanosuke n’en avait ressenti de pareille.
Un homme accompagnait leur Dieu, vêtu d’un pantalon et d’une veste de coton blanc. Derrière eux venaient trois vieillards. Ils avancèrent au milieu de la haie d’honneur formée par les apprentis à l’échine courbée et s’arrêtèrent devant Sanosuke. L’empereur sentit une main se poser sur son épaule. Pas de doute, il s’agissait bien de la Sienne.


            « Empereur de l’Equilibre, Mars est venu te confier une importante mission ! Relève-toi que je te présente ceux qui me suivent ! »


            Sanosuke put enfin contempler le visage de son Dieu, il était rayonnant. Le jeune garçon lui faisant face était illuminé de toute sa divinité. Les noirs nuages qui s’étaient accumulés à leur arrivée sur toute la vallée, formaient une trouée qui laissait passer les rayons du soleil dont leur Dieu était baignés. A cet instant, il sut qu’il était prêt à mourir pour Lui.


            « Armée de l’Equilibre ! Le temps est venu pour toi d’entrer en action ! Samouraïs, pour la première fois depuis la nuit des temps, vous allez quitter ces montagnes et vous rendre en Grèce pour affronter les Chevaliers d’Athéna ! C’est à vous, que reviendra l’honneur de me représenter dans le défi qui nous oppose ! Samouraïs, levez-vous ! »


            Tous purent alors contempler leur Dieu nimbé de lumière. Il avait dressé les mains au ciel. Le regard et l’aura qu’il dégageait, imposaient le respect.


            « Empereur, je te présente Ayar Manco, Empereur de la Miséricorde. »


            Le compagnon de Mars fit un pas en avant et s’inclina devant Sanosuke. Que cet homme semblait simple, lui qui était également Empereur. Il lui rendit son salut.


            « Je suis ravi de vous rencontrer, Sanosuke. On m’a dit énormément de bien de vous et je vois que votre sanctuaire est bien dirigé.
_ Merci à vous, Empereur, mais celui qui ici dirige cette enceinte, est Diomède. 
_ Empereur, voici Numa, mon fidèle conseiller ainsi que deux prêtres Saliens qui nous accompagneront en Grèce. »


            Les trois vieillards s’approchèrent à leur tour et s’inclinèrent légèrement devant Sanosuke. Le plus âgé d’entre eux prit la parole.


            « Bonjour à vous, Empereur de l’Equilibre. Où se trouve donc Diomède ?
_ Il vous attend à l’entrée du temple pour vous rendre ses hommages, Grand Conseiller.
_ Très bien, allons le rejoindre.
_ Attends Numa ! J’ai auparavant quelque chose à remettre à l’Empereur. Sanosuke, approche-toi ! »


            Ce dernier s’avança devant Diego, comme il l’avait ordonné.


            « Samouraïs ! Je viens également vous remettre un présent qui assurera votre victoire contre les Chevaliers d’Athéna. Empereur, ce que j’ai à vous remettre est plus ancien que bien des trésors oubliés sur cette Terre. Elles ont été formées au moment de la création, baignées de la puissance des Monts Kouen Louen. Indestructibles, elles feront de vous les meilleurs combattants de cette planète ! Voici les Arcanes de Mars ! »


            Trois raies lumineuses s’élevèrent au ciel depuis les mains de Diego et se divisèrent chacune en huit autres rayons, perçant l’obscurité de la vallée et frappant les monts environnant l’enclave. Le sol se mit à trembler alors que de multiples explosions déchiraient la terre. De chaque alvéole ainsi créée, scintillèrent de multiples formes. Une musique résonna dans toute la vallée, un chant soulevé par l’appel de toutes les armures que porteraient les défenseurs de Mars.
            Les Arcanes s’élevèrent à leur tour et s’unirent dans le ciel de Chine avant de venir se positionner sur trois rangées, entre Diego et Sanosuke. Sur le devant, scintillait une étonnante Arcane formant une couronne de rameaux aux feuilles de diamant, perchée sur les ramures d’un arbre. Derrière, venaient trois autres Arcanes. Une première composée de plumes d’améthyste mauve, une autre dont l’éclair de béryl jaune frappait un nuage de béryl blanc et une dernière, en forme de croix bleue d’opale. Une vingtaine d’autres Arcanes étaient alignées derrières elles. Numa ouvrit les bras à son tour.


            « Combattants ! Ces Arcanes sont les protections les plus solides de l’Univers ! Elles sont réalisées à partir de toutes les pierres précieuses de la Terre. Elles accroîtront vos capacités et feront de vous les plus forts. Néanmoins, vous aurez à les mériter pour pouvoir les revêtir. Chacun d’entre vous va devoir partir dans cette montagne pour les retrouver. Vous aurez à unir votre aura à la leur, c’est à cette seule condition que vous pourrez vous les approprier !… »


            Une décharge d’énergie s’élança brusquement vers le ciel, interrompant Numa. Sanosuke sentait vibrer en lui un appel comme il n’en avait jamais connu. Tout son être était secoué de soubresauts. En face de lui, l’Arcane Principale répondait à cet appel et fondit sur lui. En un instant, il fut recouvert de cette protection de la tête aux pieds et il sentit fuser en lui une énergie nouvelle, incommensurable. Peu après, il vit les trois Arcanes suivantes disparaître pour recouvrir les trois Séphiroth. Bientôt, toutes les autres fondirent également sur les combattants présents. Il ne restait plus que quelques unes d’entre elles qui n’avaient pas trouvé de possesseurs.
Numa écarquillait les yeux, prêt à protester, mais avant qu’il n’ait pu ouvrir la bouche, une autre voix se fit entendre.


            « Et bien il semblerait que tous les combattants se soient déjà accordés avec leurs Arcanes, Numa ? »


            Le Grand Prêtre ne trouvait les mots pour répondre. Diomède était descendu sans que personne ne s’en aperçoive et avait traversé l’arène pour rejoindre Mars et ses compagnons.


            « Votre Majesté, je vous souhaite la bienvenue à Kouen Louen ! »


            Diomède s’inclina vers Mars qui le regardait très sérieusement.


            « Relevez-vous Diomède ! Il n’est pas besoin que vous vous incliniez devant moi. Vous devez posséder plus de mille fois mon âge. Expliquez-moi pourquoi les Arcanes sont venues recouvrir si promptement vos combattants.
_ Mais cela est clair. Tout comme votre Conseiller l’a dit, les combattants doivent s’unir avec leurs protections pour pouvoir les revêtir. Il semblerait que cela soit chose faite depuis longtemps. Ils se sont entraînés ici, dans ces montagnes et les connaissent mieux que personne. Même s’ils ignoraient la présence de ces Arcanes, inconsciemment ils ont progressé en s’accordant avec elles.
_ Très bien. Dans ce cas, je pense que l’enseignement qui leur a été fourni ici devait être des meilleurs et j’en suis heureux. Il est maintenant temps que nous discutions entre nous.
_ Comme vous le désirez, Majesté. Sanosuke, je pense que tu devrais t’occuper de l’Ayar Manco et lui montrer le fonctionnement de notre enclave. Cela devrait beaucoup l’intéresser.
_ Effectivement, je suis curieux de savoir comment vous fonctionnez ici. Sanosuke, je vous suis !
_ Quant à vous, Samouraïs, je pense que le moment est venu de célébrer la venue de votre Dieu ! »


            Tous les apprentis et les combattants entamèrent un chœur de chants tout en dégageant un passage à travers l’arène jusqu’au temple dans lequel Diego put assister, pour la première fois, à la ferveur de ses combattants animés de l’énergie nouvelle fournie par les Arcanes.


Visite guidée de la Cité d’Apollon

            Nan Li n’en revenait pas du paysage qui s’offrait devant lui. Après une descente de plus d’une heure, Urani et Alcyon l’accompagnèrent dans un endroit extraordinaire. Il était sûr de se trouver sous la montagne et pourtant, il régnait ici la même atmosphère, la même luminosité qu’en plein air. A ses pieds, s’étendait une vision fantastique, peuplée d’arbres, de temples, de fontaines, de fleurs… un Paradis végétal. Un chemin dallé, d’un blanc pur, descendait dans la vallée et se perdait en méandres avant de remonter au loin, ligne sinuant jusqu’aux temples les plus imposants, dont le principal était sculpté directement dans la paroi de cette caverne souterraine.
            Urani et Alcyon avaient échangé quelques paroles durant la descente et la Muse avait appris qu’ils étaient attendus devant Erophile, la Pythie.


            « Jeune Maître, nous devons suivre cette allée, la Via Dei, qui nous conduira de l’autre côté de la cité, devant la Pythie qui vous accueillera et vous fera passer le test. Au cours de ce chemin, qui durera plusieurs heures, vous aurez l’occasion de rencontrer tous ceux qui vous vénèrent et sont prêts à mourir pour vous. Cela fait si longtemps que l’on vous attend… »


            Nan Li vit les larmes qui emplissaient les yeux d’Alcyon. Était-il possible que ces hommes le vénèrent à ce point ? Lui, le petit garçon des rizières. Urani dévia son attention.


            « Je te présenterai ceux que tu rencontreras. Tous ne sont pas encore arrivés. Ils sont à ton service et s’ils te doivent le respect, tu le leur dois également. Ce sera ma dernière leçon. Au terme de ce voyage, tu rencontreras ta destiné puisque la Pythie en a décidé ainsi. Alors tu sauras qui tu es vraiment. Maintenant allons-y. »


            Décidés, les trois hommes s’avancèrent sur la Via Dei. Ils traversèrent divers paysages verdoyants, des bois parcourus de rivières emplies de poissons chatoyants. Ils y rencontrèrent plusieurs musiciens et musiciennes, des nymphes pour la plupart qui peuplaient ces étendues.
Puis ils arrivèrent aux abords des neuf Temples des Arts. Chaque Muse y gardait précieusement un trésor inestimable, présent des Dieux pour Apollon. Ils passèrent le temple de la Poésie Lyrique dont la Muse était absente, puis celui du jeune Euterpe, Muse de la Musique qui joua de sa flûte à Apollon. La Muse de l’Ecriture était également absente, ainsi que Thali, Muse de la Comédie dont on l’avertit qu’il se remettait d’un combat dans le Palais d’Esculape. Terpsichore, Muse de la Danse s’inclina et se mit à danser pour son Dieu. On lui expliqua qu’il était muet mais toujours joyeux. Urani, Muse de l’Astronomie présenta son propre temple au fronton orné d’étoiles d’or incrusté. Melpomène, Muse de la Tragédie vint rendre ses hommages en portant son masque de nacre. Nul ne savait où la Muse de l’Histoire se trouvait. D’aucun prétendait qu’elle était en mission secrète pour Erophile. Enfin, Calliopé, Muse de la Poésie Epique s’inclina avec dévotion devant le jeune Dieu. C’était elle qui avait la direction des neuf autres Muses au service d’Apollon.


« Majesté, au nom de toutes les Muses qui gardent vos Trésors, je vous souhaite la bienvenue au Sanctuaire. Veuillez accepter ce verre d’ambroisie avant de poursuivre votre route. »


            Après le passage des neuf Trésors, l’allée continuait puis se divisait en ramifications pour rejoindre le Palais d’Esculape qu’Hippocrate, un des cinq Sacrificateurs, gardait, ou encore celui de Neoptolemus, gardé par Cyparissus. Les autres sentiers conduisaient aux temples de Leuketes, Hyacynthos et Admète, les trois autres Sacrificateurs. Thali, Muse de la Comédie attendait au bord d’un de ces chemins, le passage d’Apollon. Le jeune homme, le bras enroulé dans un linge, une béquille sous l’autre, sanglota de bonheur à l’arrivée du cortège. Son émotion non contenue mit Nan Li dans l’embarras, lui qui se sentait également sur le point de pleurer. Finalement, les deux garçons se prirent dans les bras l’un de l’autre et Thali se joignit au groupe qui suivait Apollon.


            Après avoir remonté la longue pente de l’autre versant, l’allée déboucha sur plusieurs habitations formant un petit village rassemblé autour d’une place octogonale, au milieu de laquelle Castalie, la fontaine sacrée, répandait une eau pure et transparente, s’écoulant en huit ruisseaux identiques avant de rejoindre Céphise, le fleuve du Sanctuaire. Autour de cette place, sept magnifiques demeures abritaient chacun des Sages : Thalès, Pittacos, Solon, Cléobule, Myson, Chilon et Bias. Urani expliqua à Nan Li qu’il s’agissait là des hommes les plus sages de leur époque, qu’Apollon, en son temps, avait choisi de récompenser en les installant dans sa cité. Ils ne l’avaient plus quittée depuis.


            De majestueuses marches de la même pierre blanche dont était construit la plupart des temples : l’omphalos, s’élevaient sur la huitième portion de la place. Sur les côtés, des colonnes torsadées formaient des arches ouvrant sur d’autres marches et guidant à travers les bois vers de nouvelles Maisons, plus modestes. Nan Li en dénombra douze de part et d’autre. Calliopé lui expliqua que ses demeures étaient celles des prêtres Exétèges, les Traducteurs de la Pythie qui, en ce moment, attendaient sa venue auprès de leur maîtresse. Leur comité avait la charge de l’intendance du Sanctuaire et du Conseil sur lequel se reposait la Pythie.
            La montée vers le temple, que l’on distinguait plus en haut contre la paroi du repère souterrain, parut interminable. La lumière qui diffusait depuis l’artéfact solaire au centre de la voûte, n’avait pas diminué le moins du monde. Au pays du jour éternel, Apollon était roi.


            Enfin, le jeune suzerain posa le pied sur la dernière marche, atteignant une esplanade constituée de statues d’or et d’omphalos. Au bout de cette place, des colonnes de plusieurs mètres de haut encadraient l’entrée du Palais d’Apollon. Les douze prêtres Exétèges formaient une haie d’honneur pour accueillir leur Dieu. Tous s’inclinèrent très bas devant le jeune garçon, alors que des pétales de rose fleurissaient à ses pieds. Nan Li était impressionné et ne savait comment se comporter.


            « Relevez-vous mes amis… »


            Les prêtres joignirent leurs mains en forme de prière et le bruissement de leurs toges blanches accompagna le cortège d’une cinquantaine de personnes.


            L’intérieur du temple était aussi illuminé que l’était tout le Sanctuaire. Les colonnes s’élevaient vers un plafond invisible, nimbé de lumière. Les statues représentaient tous les exploits du Dieu Apollon depuis la nuit des temps. Sa participation aux Jeux, ses amours avec Daphné, sa sœur Artémis… Nan Li dévorait des yeux ces vestiges d’une autre époque dont il n’avait aucun souvenir.
            Un bassin d’eau les interrompit. Quelques marches conduisaient les visiteurs à s’y baigner. Au fond de celui-ci, scintillaient de nombreuses pierres précieuses multicolores. Une passerelle enjambait l’étendue et au centre du pont, Nan Li leva les yeux vers la coupole de verre qui reflétait mille rayons.
            Puis, ils passèrent le rideau de velours bleu, suspendu depuis les hauteurs du palais, pour pénétrer dans une nouvelle salle où se dressait un puits envahi par le lierre. Tout autour, cinq athlètes attendaient la venue d’Apollon.


            « Bienvenue à toi, jeune Nan Li. Je me nomme Hippocrate et je suis le représentant de ton fils Esculape dans ce Sanctuaire. Voici Admète, Hyacinthos, Leukates et Cyparissus. Nous sommes les cinq Sacrificateurs, ceux par qui quiconque voulant consulter la Pythie est obligé de passer. Nous jugeons les demandes des hommes en quête de réponse. Erophile, Pythie de ce Sanctuaire nous a chargés de te juger. Tu es la réincarnation d’Apollon mais l’esprit du Dieu ne s’est pas encore réveillé en toi. Notre devoir est de t’éveiller à cette autre dimension. Maintenant, tu dois échapper à ton destin de mortel pour devenir un Dieu sur Terre.
           La Pythie nous a remis cette corne. Elle contient l’eau de Castalie et les effluves d’Adyton, l’antre d’Apollon, et a été préparée par Erophile en personne. Nulle autre que la réincarnation d’Apollon n’est capable de boire ce breuvage. Avant de rencontrer la Pythie, il te faudra l’avaler.
            Jeune homme, es-tu capable de t’abreuver à cette corne ? »


            Nan Li était impressionné. Devait-il accepter l’épreuve ? Il n’avait que huit ans et tant de choses s’étaient produites depuis les dernières semaines. Il chercha des yeux Urani, qui l’avait toujours guidé, mais ce dernier n’était plus à ses côtés. Il avait pris place parmi les autres Muses. Quel risque avait-il à se désaltérer avec cette boisson alors que sa gorge commençait à s’assécher ? L’eau serait sûrement rafraîchissante.


            Urani vit son disciple et Dieu approcher d’Hippocrate. Ainsi, il avait choisi de renoncer à sa jeunesse d’homme, renoncer au destin paisible de tout autre petit garçon pour devenir une divinité. Comment Apollon allait-il investir le corps de ce jeune enfant ? Urani avait peur de perdre Nan Li. Que subsisterait-il de lui après la transe ? Si la Muse avait toujours su que ce moment arriverait, comment aurait-elle pu se douter que ce serait si tôt ? Les choses s’étaient précipitées et malheureusement, la Terre avait besoin d’un nouveau protecteur. Urani ne put retenir une larme lorsque Nan Li porta la corne à ses lèvres. Il pleurait la mort de son jeune élève.


Les Enfers, Première Prison

 


            Une prairie à perte de vue. Le ciel d’un tendre bleu domine au dessus de nos têtes. De ci, de là, quelques arbres foisonnent de pommes pourpres. Des animaux sauvages vagabondent en toute liberté : biches, cerfs, lapins... Six jeunes gens sont réunis sous l’ombre d’un saule. Près d’eux, un cours d’eau chuinte tendrement. Une jeune femme chante et tous l’écoutent attentivement. Ce n’est pas tant son incroyable beauté que la manière dont elle captive l’attention par la mélodie de sa voix, qui attire le regard. Ses longs cheveux d’un noir profond ondulent délicatement et retombent en fines mèches jusqu’au creux de ses reins, cintrés d’un paréo à la blancheur immaculée.
Autour d’elle, trois garçons sous le charme ne peuvent la quitter des yeux. Deux autres jeunes femmes accompagnent la première, mais leur présence passe inaperçue. Ces six créatures sont en osmose, sans pudeur les unes vis-à-vis des autres. La blanche poitrine des femmes se soulève au rythme de leur gaîté alors que la musculature parfaite des mâles luit au soleil.


            Je m’avance et à mes pieds l’herbe noircit. Les bourgeons éclosent, les fleurs se fanent et les pétales retombent en poussière. Mes pas se dirigent vers le groupe de chanteurs. Comment ne remarquent-ils pas ma présence ? Tout autour de moi meurt. Un des garçons expose ses biceps au groupe. Il est sans doute très fort. Voilà, elle a levé les yeux sur moi et son regard ne s’en détache plus. Elle est magnifique, elle n’a pas peur. Pourtant, moi je suis terrorisé. Les autres sont interloqués et ils se sont levés. Ma présence ne les réjouit pas, je les effraie.
Je ne suis plus qu’à une dizaine de pas de cette merveilleuse femme. Elle reste assise dans l’herbe fraîche, au milieu des fleurs et me regarde tendrement… Je ne vois qu’elle, ses traits délicats… Un des athlètes vient à ma rencontre, il est furieux. Son poing brandi ne me ralentit guère. Ma bien-aimée s’amuse de l’action de son protecteur mais il ne reste bientôt plus rien de ce jeune fou. A mes pieds, son corps n’est que cendres. Les autres sont affolés. Les deux chanteuses se mettent en travers de mon chemin et cachent l’objet de mon attention. Mais rien ne m’arrêtera. Les autres fuient.
Leur panique m’indiffère, seule compte cette perle qui n’a pas peur de moi. Mon noir cosmos les écarte irrémédiablement de mon chemin. Leurs cris se perdent au loin et effraient les bêtes jusqu’à présent indifférentes au massacre. Elle est là, en face de moi et je ne peux la toucher. Je ne veux pas lui faire de mal… Elle est ma vie, mon essence… cette main qu’elle tend dans ma direction…


Shun se réveilla en sursaut. Des gouttes de sueurs perlaient sur son visage. Tout son corps ruisselait, mais il était surtout affolé. Les battements de son cœur heurtaient douloureusement sa poitrine. Ses yeux cherchaient dans le vide un élément auquel se rattacher, mais dans la petite pièce aux murs drapés de longues tentures rouges, rien ne lui était familier. S’y ferait-il jamais ? De son lit à baldaquin retombait une mousseline fine et transparente l’isolant du reste du monde.
Shun attrapa la toge qui reposait sur le fauteuil doré et enfila la soie blanche sur laquelle ses mèches retombèrent délicatement. Elles étaient de plus en plus longues et lui atteignaient la moitié du dos. Quelle majesté dans cette tenue. Mais il se préoccupait peu de son apparence, il venait de refaire ce rêve étrange. Ils lui étaient devenus quotidiens et sans doute devrait-il les subir pour l’éternité. Comment échapper à son destin ?


Depuis plusieurs années terrestres, il vivait ici, sans plus voir le ciel au dessus de sa tête. Il avait lui-même choisi son châtiment : les Enfers. Sa dette serait trop longue à expier et toute sa vie, il en subirait les conséquences. Athéna elle-même, dans son infinie sagesse, l’avait pardonné mais, quoi qu’en dise les autres, il était seul face à sa faute.
Il se dirigea vers un lavabo de marbre duquel s’écoulait en permanence, un filet d’eau fraîche et s’humecta les lèvres. Dans le miroir, Shun ne voyait plus son visage, son esprit se portant une fois de plus sur l’image de ses amis… ceux qu’il ne reverrait sans doute plus jamais. Son frère Ikki, que faisait-il sur Terre ? Etait-il heureux ? Shun savait qu’il se portait bien, il le sentait au fond de lui. Pourtant, ce trouble dans son cœur… Ses compagnons devraient se battre sans lui. Hyoga, son entraînement en Asgard, dans le froid intense du Nord… Comment continuer à vivre après ce qu’ils avaient vécu ? Finalement, chacun avait trouvé une façon comme une autre de donner un sens à leur vie. Shiryu, aux cinq pics, avec Shunrei et le fils qu’elle portait en elle. La meilleure nouvelle que Shun ait pressentie depuis longtemps. Quel dommage qu’il ne puisse jamais voir son neveu. Jamais…


Le repos qu’il prenait le laissait chaque fois plus faible. Son corps se portait à merveille mais pas son esprit. Se remettrait-il un jour des séquelles de la possession ? Comment oublier quand les souvenirs de l’autre remontaient perpétuellement à la surface ? Il n’y avait pas d’échappatoire. Son seul soutien, c’était la déesse qu’il avait choisie de servir à jamais et dont il sentait l’influence partout dans ce royaume. Chaque pierre transpirait de l’incroyable bonté qu’elle dégageait. Cependant, dans ce monde, tous ne pouvaient pas profiter de cet amour. Certains étaient là pour souffrir et même Athéna en avait conscience. Elle n’y pouvait rien. Pardonner n’était plus possible, et pour Shun non plus.


Pour celle à qui il avait juré fidélité, le chevalier de bronze d’Andromède avait quitté son armure. Il était maintenant un des piliers fondamental des Enfers. Chargé de sonder les âmes arrivant de ce côté du Styx, Shun décidait des tourments à infliger, et tellement peu de personnes étaient destinées au bonheur. Au début il avait cru pouvoir changer cette loi, être un juge bon et aimant de l’humanité. Hélas, il avait vite compris que les âmes ne voulaient pas de cet amour. Pour une personne méritant le Paradis, un millier d’autres était destiné à souffrir pour se racheter.
Il n’était pas le seul à pâtir de cette situation. Saori était plus affaiblie que jamais. Son cœur d’humain ne pouvait se résoudre à ces douleurs. Il lui fallait toute la puissance d’une déesse pour continuer à répandre ainsi sa douce chaleur et diffuser l’espoir dans le cœur des suppliciés.
Pourtant les choses s’étaient améliorées. Le travail immense qu’Athéna avait commencé aux Enfers se poursuivait. Les Cercles s’amélioraient, les âmes ayant la possibilité de se racheter, n’étaient plus condamnées à une éternité de peine et pouvaient choisir le repentir et le réexamen de leur jugement. Shun s’y attelait avec énergie et il n’était pas seul.
Comment rebâtir une prison qui a perdu ses gardiens ? Pour cette tâche impossible, Athéna et Shun avaient dû trouver des renforts. Contre toute attente, ce fut parmi les éternels geôliers infernaux qu’Athéna avait pu en recruter. De nouveaux spectres faisaient leur apparition, des hommes et des âmes qui, comme Shun, avaient choisi de servir la déesse de la sagesse, revêtant les puissants surplis d’Hadès. Ils s’acquittaient désormais de leur devoir avec ferveur et discipline.
Le chaos qui avait suivi la défaite du Dieu était à présent résorbé, et Shun avait dû pour cela mener d’âpres combats contre des âmes et autres créatures infernales dont certaines étaient aussi vieilles que le monde lui-même.


Shun quitta la pièce de velours rouge. Il devait reprendre sa place dans le temple d’un de ses anciens adversaires. Comme à son habitude, il s’installa sur le trône de marbre qui était devenu le sien, en face d’une table sur laquelle s’empilaient des milliers de parchemins. Fermant les yeux, son cosmos doré se répandit autour de lui. Il en avait acquis une parfaite maîtrise. Laissant ses ondes spirituelles se corréler avec celles de la déesse, il appelait à lui les âmes défuntes. Il ne lui fallait maintenant que peu de temps pour les diriger vers la prison adéquate pour l’éternité de leur existence. Leurs moindres faits et gestes étaient connus et pesés, elles-mêmes connaissaient pour la plupart ce qui les attendait.
Quelle sagesse Shun avait dû acquérir pour être capable de cet exploit. Il repensa au puissant Shaka, défunt Chevalier d’Or de la Vierge, l’homme le plus proche de Dieu et infiniment sage. Shun avait également dû comprendre le Monde pour se permettre d’effectuer sa tâche. Cela n’avait pas été si difficile car Hadès lui avait laissé bien plus que ses souvenirs. Mais il restait toujours un doute au moment de décider du sort du défunt. Shun était-il vraiment capable de juger autrui ? Les critères définis par les Moires étaient-ils justes et appropriés ? Qu’en aurait dit Shaka ?


Les Chevaliers d’Or… Ces êtres exceptionnels… tous disparus… comme Seiya… Une larme coula de ses yeux clos. Son frère de combats, disparut également dans cette bataille dantesque… à jamais. Son esprit avait quitté ce monde. Personne n’aurait pu dire où il se trouvait, pas même les Dieux, pas même Athéna. Parti tout comme les Chevaliers d’Or, aspiré par le Néant. Leurs âmes ne sont pas revenues aux Enfers. Les morts terminent leur existence ici, mais ceux que ce monde a rejetés, où vont-ils ? Une seule personne disposait peut-être de la réponse à cette question, et malheureusement, elle-même avait subi un sort identique : Hadès, l’Empereur des Enfers. Le seul Dieu possédant l’ultime réponse avait disparu lui aussi.
Pour son ami et pour les Chevaliers d’Or, Shun avait tenté l’impossible. Dans le magma de la présence d’Hadès qui restait au fond de lui, il avait fouillé. Mais jamais il n’était parvenu à le contrôler. A chaque tentative, Shun était menacé de se perdre et le risque était trop grand de ne jamais pouvoir en revenir. Alors, à tâtons, il poursuivait la recherche d’un savoir qu’il ne pourrait sans doute jamais acquérir.


Souvent, il se rendait avec Saori à Elysion pour y contempler la dépouille de Seiya. Saori s’effondrait systématiquement en larmes et Shun devait la raccompagner. Saori… Athéna… une seule et même personne… et pourtant deux personnalités. Athéna la déesse de la Guerre et de la Sagesse et Saori, une humaine éveillée aux sens d’une déesse. La communion des deux en faisait cet être fragile qui souffrait pour l’Humanité et avait dû renoncer à sa propre vie.
Shun aurait tant aimé l’aider dans son actuel palais de Giudecca, devant le mur des lamentations perforé à jamais des rayons du soleil. Mais chacun portait son fardeau et il savait maintenant que personne n’en réchappait. Il était heureux que ses autres frères aient pu continuer à vivre à peu près normalement. Certes, ils mourraient comme tous les hommes, mais que le repos est doux après la vie sur terre. Non, la mort ne lui faisait plus peur. Au contraire, il avait compris toute son utilité et la paix qu’elle apportait. Si les âmes devaient souffrir pour leurs péchés, toutes finissaient par trouver l’éternel repos, un sommeil infini et bienveillant. Lui avait dû y renoncer.


De rapides flux d’énergie traversaient la pièce entourant Shun, très faibles, mais si nombreux. Ils virevoltaient autour de sa puissante aura avant d’être dirigés vers le lieu qui les méritait.
Shun sentit son cœur se serrer. Rien de ce qui se passait sur Terre ne lui était totalement étranger. Il pressentit la guerre. A nouveau, la Terre allait entrer en conflit contre elle-même. Il ne pouvait rien faire, ce n’était plus son rôle. Ses frères qui avaient si vaillamment gagné le droit de vivre, devraient à nouveau se battre. Athéna ici ne pourrait cette fois rien pour eux. Ils seront seuls avec leur foi pour défendre la Terre car, malheureusement, un nouvel ennemi venait de refaire surface et avait décidé de contrôler la planète contre le choix des Dieux eux-mêmes.
Athéna était absente pour s’y opposer mais sa chevalerie, ou ce qu’il en restait, se devait de tout faire pour l’en empêcher. Shun était inquiet. Les Chevaliers d’Or n’étaient plus, ses frères commençaient tout juste à goûter au plaisir de la vie et la relève n’était pas prête. Comment allaient-ils pouvoir faire face ? Surtout sans leur atout majeur, celui qui leur avait toujours apporté la force de continuer : l’espoir de vaincre.
Seul le représentant d’Athéna sur Terre pourrait maintenant éviter cela. Mais y parviendrait-il ? Le Grand Pope. Le plus puissant des Chevaliers, seul face au plus belliqueux des adversaires…


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