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Cette fiche vous est proposée par : Siegfried


Paradise Chapter

Des particules de lumière blanche s’agitaient devant les yeux du Dragon. Shiryu courait à en perdre haleine dans ce qui n’était plus un couloir sans fin, mais une pièce sans côtés, sans bordures, en dehors de tout cadre et de toute proportion. Partout où il tournait la tête, il ne voyait que du blanc à perte de vue. Pourtant, il courait dans la bonne direction et il le savait. Son instinct le savait. Ses sens aussi. Pas un seul instant, il ne pensa qu’il était tout simplement guidé par son cosmos… Lorsqu’il vit le blanc immaculé évoluer en nuances de gris, il comprit immédiatement que la sortie était toute proche. Il discerna une arche de pierre si lugubre qu’il dut en ralentir sa course, et finit par s’immobiliser avant de se décider à examiner l’inquiétant vestige.

Cette arche en ogive était ornée de figures déformées de gargouilles et de loups aux crocs acérés. Shiryu se remémora quelques passages malheureusement inoubliables de son combat contre Fenrir d’Alioth et il jura qu’un des loups posant avec agressivité sur le côté droit de l’arche était Jing, le fidèle compagnon du Guerrier Divin d’Epsilon. Même cicatrice en forme de croissant de lune et mêmes yeux vitreux lançant pourtant des gerbes d’étincelles. Réprimant un frisson désagréable, le Dragon se força à poser la main sur l’étrange porte. La pierre était très ancienne et n’avait rien du marbre blanc. C’était une pierre grise et poreuse, comme si elle avait été frappée depuis toujours par une averse.

• C’est froid comme la pluie… murmura Shiryu avant de franchir l’étrange accès.

Lorsque le Dragon pénétra dans la Sphère de Vénus, il fut d’abord surpris par la nature de l’endroit. Shiryu venait de franchir la porte d’un vieux château gothique faisant penser à la cathédrale d’Alba Julia (1), en Roumanie. La pierre qui constituait les murs immensément hauts était la même que celle de l’arche, et des colonnes de cathédrale centenaire venaient renforcer ces derniers tous les cinq ou six mètres. Des vitraux aux couleurs fades et ternes de mauvais hiver éclairaient la pièce depuis le milieu de chaque paire de colonnes, sur les murs gris et humides. Certains représentaient des scènes de chasse très tragiques où l’animal tombait dans une position théâtrale, et d’autres dont l’un était brisé, des vues extérieures de ce qui semblait être un manoir très fin s’élançant vers le ciel, avec de petits toits en ardoise noire salie et des gargouilles qui crachaient de la pluie rouge. Ou bien était-ce…

Les représentations du manoir avec ses multitudes de petites tours tordues et à demi effondrées cherchant à percer les nuages menaçants, faisaient songer à une main crochue tentant d’éventrer l’orage pour faire pénétrer les rayons du soleil dans la morne campagne. Shiryu songea que l’endroit semblait fort déplaisant et que même le Masque de Mort n’en aurait pas voulu. La pièce dans laquelle il se trouvait était un hall d’entrée westphalien (2) occupé par un gigantesque escalier évasé à sa base. Il menait au premier étage et il n’y avait aucune porte visible à son extrémité. Shiryu arrivait à voir d’inquiétantes corniches qui couraient autour de la pièce pour se rejoindre en haut de l’escalier. Celle de gauche semblait à peu près droite, et passait juste au-dessous des vitraux. Celle de droite par contre, avait dû être travaillée par le temps. Son niveau oscillait ça et là, et il était impossible de savoir comment elle n’était pas encore tombée sur le sol du rez-de-chaussée. Ces corniches avaient pour garde-fous des barreaux assez élégants de fer forgé dont certains étaient encore dorés. Tous les dix mètres environ, une tête de loup ou de chauve-souris en bronze venait orner ces rangées de fins barreaux sur un écusson.

Certains manquaient à l’appel ou étaient tordus, voire déchirés comme si une bête furieuse avait cherché une sortie improvisée. Des portes de cuir bouilli marquées au fer blanc d’étranges signes cabalistiques étaient visibles derrière chaque tête d’animal en bronze. Certaines étaient vermillon, et d’autres d’un vert assez trouble. Les symboles ressemblaient à des runes (3) écrites en lituanien ou en polonais, et prenaient presque toute la largeur des épaisses portes du premier étage. Shiryu avait l’impression de pénétrer dans un musée gothique d’Europe de l’Est ; il ne manquait plus que les briques rouges pour donner totalement dans le registre de la Mer du Nord et des Flandres.

Des tentures rouges et vertes pendaient ça et là au rez-de-chaussée entre les têtes d’animaux naturalisées. Une bonne dizaine d’Armures reposaient avec cérémonie de chaque côté de la pièce, juste au dessous des vitraux. Elles étaient comme gardées par les très épaisses tentures qui les encadraient et il fallut un moment à Shiryu pour deviner la vérité.

• Ce sont… des Armures du Zodiaque ? demanda le Dragon, comme s’il se parlait à lui-même.

Il y en avait bien une ou deux puisque Shiryu reconnut avec certitude celle de la Voile, mais les autres étaient des Armures parfaitement inconnues. Pourtant, impossible de les confondre avec des armures médiévales purement terrestres. Il y avait ici une Armure qui ressemblait aux gravures que Shiryu avait vues de Quetzalcóatl (4) et là-bas ce qui ressemblait à un Surplis du Loup-Garou… Shiryu remarqua que les Armures en question étaient recouvertes de poussière, ce qui pouvait indiquer qu’elles étaient là depuis plusieurs années comme depuis plusieurs siècles. Elles étaient ternes et manquaient cruellement de vie.

• Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire, se demanda Shiryu, encore à haute voix. Comment une Armure pourrait-elle accepter de rester ici pour toujours ?

Puis le Dragon vit très clairement les deux marques de morsure dans l’épaulière droite du Surplis du Loup-Garou. Il se retourna vers l’Armure de Quetzalcóatl, et aperçut avec difficulté les deux petits trous remplis de poussière sur la protection du col. Idem sur cette Armure semblant représenter un incroyable Dragon hexacéphale, qui possédait des dents impressionnantes sur ses deux jambes, ses deux bras, son torse et son casque. Idem sur celle-ci qui arborait fièrement une tête d’Oiseau de Paradis sur son casque, ainsi que sur la plus proche de Shiryu qui devait être une Armure de l’Araignée, mais cette fois-ci au niveau de la cuisse. Une odeur de renfermé et de poussière emplissait l’étrange salle et l’humidité de l’air ambiant trempait Shiryu jusqu’aux os. Des gouttes de pluie tombaient d’un trou dans le plafond en ogive très particulier vers lequel toutes les colonnes des murs convergeaient. On pouvait voir au travers le ciel obscur d’une averse qui ne finirait sans doute jamais.

Pas de tapisseries, pas de tables ni de meubles. Rien d’autre que les Armures, les rideaux, les vitraux et ces portes inquiétantes pour toute décoration. Un tapis rouge incroyablement long courait des pieds de Shiryu jusqu’au premier étage en couvrant presque tout le majestueux escalier en arc brisé. On pouvait clairement distinguer les barres de cuivre qui maintenaient le tapis plaqué au sol, dans le creux de chaque marche. Certaines étaient elles-aussi tordues, et d’autres avaient disparu. Lorsqu’une goutte d’eau glacée tomba dans son cou, le Dragon frissonna et reprit ses esprits, chassant les images de l’horrible bâtisse de sa tête. Il découvrit un Shun terriblement mutilé, allongé devant les premières marches de l’escalier, son sang mêlé à la pluie dans des méandres macabres.

• Shun ! s’exclama Shiryu en accourant vers son ami.

• Shi… ryu… balbutia Shun.

Sa main droite fut prise de spasmes et il cracha du sang dans un accès de toux. Andromède était couché en position fœtale, une plaie impensable découpée dans son Armure Céleste au niveau du ventre. Les épaulières surdimensionnées de l’Armure d’Andromède avaient été brisées comme de simples vitres et les couleurs argentées des arabesques de ses chaînes ne brillaient plus. Les jambes de Shun étaient elles-aussi lacérées, mais pas de blessures hémorragiques mortelles. Seule la pluie leur conférait cet aspect dégoulinant. Les yeux de Shun étaient vitreux et Shiryu comprit immédiatement qu’il ne pouvait plus voir.

• Mon dieu, Shun… Mais qu’est-ce qui s’est passé ici ? demanda Shiryu, la gorge remplie de peine.

• Je… commença Shun. Je…

Le Chevalier du Dragon commença à pleurer doucement. La couleur de la peau de Shun… Ses yeux… Sa blessure… Son ami était en train de s’éteindre et il ne pouvait plus rien y faire. Stopper l’hémorragie ne changerait plus rien. Andromède s’était vidé de presque tout son sang et il devenait de plus en plus bleu. Shiryu prit son ami dans ses bras, revoyant son visage sourire après que son frère eut corrigé Seiya lorsqu’ils étaient enfants. Il revit l’expression gênée de Shun qui venait de déposer June du Caméléon aux pieds de l’avion de la Fondation, alors qu’il partait avec ses amis pour le Sanctuaire. Il repensa à toutes les fois où son compagnon avait souri, certaines avec mélancolie, alors que Shiryu n’en avait pas été capable. Il revit le visage d’Ikki et fondit en larmes dans un faible spectre de cosmos d'un vert émeraude.

• C’est impossible… Après Seiya… Pas toi Shun, je…

Le Dragon sentit la main prise de convulsions de Shun se calmer, puis il entendit son souffle s’éteindre progressivement.

• Shiryu… Je suis… heureux… de…

• Tais-toi, Shun ! lui ordonna un Shiryu en larmes qui refusait d’entendre les derniers mots de son ami. Tais-toi je t’en prie…

Il renforça son étreinte et n’eut pas l’occasion de voir que l’homme qu’il serrait dans ses bras possédait un regard vide et une Armure qui n’avait rien de celle d’Andromède. Une mèche rose tombant sur son visage mouillé par la pluie et les larmes du Dragon, Vlad du Vampire, Chevalier Céleste de Vénus, planta ses canines dans l’épaulière de Shiryu et aspira sa vie…

Les veines vertes de l’Armure Céleste du Dragon se ternirent à la vitesse du son, et on pouvait très clairement voir un poison se répandre en elles et leur retirer leur éclat. Avant que Shiryu put réagir, son Armure semblait déjà dater d’il y a mille ans, tellement elle était devenue incolore et diaphane. Plus aucune vie ne la faisait résonner avec son héritier, qui paraissait infecté lui-aussi par le poison. Shiryu était livide, à bout de forces, et la vue et le goût l’avaient déjà abandonné. Il sombra dans l’inconscience aussi vite qu’on l’avait attaqué et expira lentement. Vlad se releva avec lenteur, laissa la tête de Shiryu heurter l’escalier, et salua le Dragon d’une manière très aristocratique sans être outrancière. Sa peau bleue irradiait d’une vigueur renouvelée et sa longue chevelure rose ondulait comme des fleurs prisonnières de la brise. Un peu de cosmos s’écoulait encore des canines du Gardien sous forme de flocons.

• Quel délicieux cosmos, Chevalier du Dragon. Cela faisait une éternité que je n’avais pas bu de nectar divin. Quel délice. J’ai enfin retrouvé mon pouvoir trop longtemps endormi dans les limbes (5), dit Vlad en lituanien.

Le Gardien de la Sphère de Vénus brûla un cosmos noir comme la nuit qui explosa littéralement dans la pièce. Il se déploya à la vitesse de la lumière alors que Vlad serrait les poings de toutes ses forces, fichant ses ongles dans sa chair. Les yeux fermés, il se délectait de son nouveau pouvoir.

• Parfait, dit-il en ouvrant des yeux infernaux totalement noirs et opaques. J’avais oublié ce cosmos si particulier, Dragon… ajouta Vlad en se forçant à retrouver la langue de Shiryu. Je suis Vlad, Guerrier Céleste du Vampire, et Gardien de cette Sphère.

Le Vampire attrapa Shiryu par la gorge et le souleva comme une brindille de bois. Son Armure n’était plus qu’une pâle copie de l’originale. Sa tête penchait sur le côté et de longues mèches de cheveux noirs descendaient jusqu’aux marches de l’escalier. Vlad écouta avec saveur son étreinte se renforcer et faire craquer les vertèbres de sa proie.

• Je suis heureux que tu n’aies pas pris tes jambes à ton coup comme l’avait fait ton Maître, jeune Dragon. Bien entendu, tu aurais peut-être pu si je t’en avais laissé le temps…

Le Chevalier Céleste portait un casque à l’effigie d’une inquiétante chauve-souris vampire aux oreilles ciselées avec un soin incroyable. Ses yeux rouges semblaient vous traverser l’âme de part en part, et de dangereux crochets finissaient son Armure noire et bleutée au niveau des genoux et des coudes. La protection était encore plus minimaliste que pour Fo de Tirynthe, et rappelait celle des anciennes Armures de Bronze. Une paire d’ailes de Vampire était déployée dans son dos et lui donnait des allures de Seigneur. La pureté de son visage et la couleur de ses cheveux auraient pu faire de lui et de Mû des frères.

Son Armure de jais reflétant les couleurs les plus profondes de l’océan était discrète et subtile, tout comme ses moindres mouvements. La seule chose qui contrastait avec cette élégance naturelle était la voix de Vlad. C’était une voix si grave qu’aucun humain n’aurait pu l’imiter, et elle sonnait comme le vent dans une église. Le temps semblait parfaire son accent, même si des sonorités slaves persistaient. Le Guerrier regarda Shiryu avec dédain.

• Lorsque j’ai mordu l’Armure Céleste du Bélier et pris tout le pouvoir de son ami, ton Maître s’est enfui comme un chien implorant pour sa vie. Il a réussi à emporter le corps meurtri de son compagnon et m’a privé d’un des mes plus beaux trophées. Tu vas devoir laver cet affront dans ton sang, mon garçon… cracha Vlad avec un dégoût presque palpable.

Il lança Shiryu en l’air comme un vulgaire pantin, vers le haut de l’escalier. Le corps du Dragon sembla flotter dans les airs au ralenti lorsque Vlad s’élança à une vitesse supérieure à celle de la lumière, la bouche ouverte et les dents démesurément longues. Il brûla un cosmos noir qui emplit très vite la pièce pourtant gigantesque. On aurait dit qu’il se développait à l’infini, vers des volutes rouges plus lumineux. Il monta vers le ciel jusqu’au plafond, aidé par la physique, et s’échappa par le trou pour ne pas faire exploser la salle qui tremblait et se lézardait de toutes parts. Le pouvoir du Vampire pouvait sembler sans limite alors qu’il était en l’air, à mi-chemin de Shiryu qui entrouvrit les yeux dans un soubresaut de conscience. Le bras droit de Vlad s’entoura d’une étrange énergie mauve. Cette spirale sans fin s’allongea jusqu’à incarner une lame de plus d’un mètre dans des tons violets. La spirale constituait le manche de l’épée et la garde se forma pour supporter la lame violacée.

• L’Épée Sanguinaire du Vampire… murmura Vlad comme pour ne pas réveiller sa proie.

Quand le Dragon ouvrit totalement les yeux et leva son bouclier céleste par pur réflexe, il était toujours en l’air. C’était déjà bien trop tard. Shiryu vit une silhouette noyée dans une nuée de chauves-souris se rapprocher de lui à une vitesse vertigineuse renforcée par les traînées laissées par ses yeux noirs. Il eut le temps d’apercevoir une lame fantomatique enracinée sur le bras de son adversaire par une spirale de cosmos violet, et d’entendre les cris des animaux qui se jetaient sur lui. Il revit le visage si doux et si fier d’Altéa, et lorsqu’il referma les yeux en s’imaginant assoupi aux côtés de Shunrei, L’Épée Sanguinaire avait déjà transpercé son bouclier, son Armure et son cœur. Il s’étrangla de douleur et n’eut la force de dire au revoir à aucune des deux femmes. Puis il fit tout-à-coup noir, très noir… Et froid.


Notes de l'auteur :

(1) En latin "Alba Julia", en Slave "Belgrad" (ou Balgrad), en Hongrois "Gyulafehérvar", en Allemand "Weißenburg" (pendant l'Etat de Siebenburg) puis depuis 1715 "Karlsburg" (ou Karlsberg), Alba Iulia (en Roumain) est située en Transylvanie sur la rive droite de la Mieresch (Mures).

(2) La Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Nordrhein-Westfalen) est l'un des Länder allemands composant l'Allemagne. Capitale : Düsseldorf. Le Land comprend la partie septentrionale de la vallée du Rhin en Allemagne de l'ancienne capitale fédérale Bonn jusqu'à Clèves, près de la frontière hollandaise. C'est là que se situe la région industrielle de la Ruhr. La partie orientale du Land est l'ancien royaume de Westphalie.

(3) Une rune est un caractère de l'ancien alphabet des langues germaniques orientales (gotique) et septentrionales (nordique ou norrois).

(4) Quetzalcóatl dont le nom signifie "serpent à plumes" et "jumeau précieux", était une divinité majeure du panthéon aztèque, aux origines archaïques. En tant que l'un des quatre dieux créateurs, il joua un rôle déterminant dans le mythe des cinq Soleils. Il revêtait aussi de nombreuses formes, les plus célèbres étant le dieu du vent Ehecatl (le dieu bienveillant du Savoir et des Artisans, le dieu des Jumeaux) et le Serpent à Plumes.

(5) Les limbes sont le séjour des âmes des justes avant la Rédemption ou des enfants morts sans baptême, pour les catholiques. Le terme n'est pas originaire de la Grèce ni de la mythologie.

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