_Bon alors tu montes ?
_Je sais pas… En fait, je sais pas si c’est une bonne idée ce qu’on fait ? Et si on s’faisait gauler ! ?
_T’inquiètes pas, j’ai tout prévu : je dirais que c’est de ta faute !
_T’es pas drôle !
_Oh ! Ca va…
_T’es sûr au moins qu’on pourra débarquer quelque part sur la terre ferme, une fois montés sur cette barque ?
_Mes sources sont sûres. Je connais un des anciens gardes du Sanctuaire. Il raconte cette histoire à tout le monde mais on le prend pour un dingue… Moi, je le crois. Il paraît que là-bas vivent de vrais chevaliers dans les traditions de ce qui a été notre pays dans l’Antiquité. Y paraît même qu’ils participent à des guerres et tout… trop fort ! On pourra p’tet voir des combats !
_Non ? Ils se battent avec des épées et se protègent avec des boucliers, des armures… ?
_Ils combattent sans armes en principe, l’ex-garde m’a confié qu’ils faisaient exploser l’énergie vitale qui était en eux.
_Mais c’est pas dangereux comme procédé ?
_Si un peu, mais justement ils apprennent à s’en servir à bon escient.
_Et quand s’en servent-ils ?
_Mais t’es bête ou quoi ? Contre les méchants !
_Waaah… Moi quand je serai grand, ben j’serai Chevalier !
_Un Chevalier qui pisse au lit… ouais t’as raison ! Allez monte !
Le mouvement de la barque en bois créa des vaguelettes lorsque le second complice rejoignit son acolyte. Ils défirent la corde qui les reliait encore au ponton et quittèrent la crique. Ils se mirent très vite à rêver et imaginer à quoi pourraient ressembler ces fameux Chevaliers. Parfois, ils les voyaient hirsutes et couverts de fourrures, parfois avec des capes et des masques comme les super héros des bandes dessinées. Mais jamais ils ne se doutèrent que la plupart commençaient à être formés à leur âge. Jamais ils ne se soupçonnèrent que les Maîtres du Sanctuaire cherchaient justement des orphelins comme eux. Jamais ils n’évoquèrent les souffrances et les sacrifices qu’ils subiraient en arrivant sur l’île. Jamais ils n’imaginèrent qu’ils porteraient des armures d’argent, qu’ils posséderaient une puissance unique. Qu’ils seraient rejetés et catalogués comme traîtres pendant le règne de Saga et qu’ils manqueraient de se faire exécuter par Aphrodite des Poissons, un Chevalier d’Or.
Jamais ils ne pouvaient prévoir que leur vie ne leur appartiendrait plus. Non, jamais, jamais ils ne purent savoir, à ce moment là sur la barque en partance pour leur destin, qu’ils oublieraient leurs noms et deviendraient Cypris de l’Oiseau du Paradis et Hélénos de la Colombe. Qu’ils partiraient au secours du peuple de l’Olympe sous les ordres de Dohko, Gardien Lunaire de la Justice.
*
Brouillard. Une couche épaisse empêchait toute perception dans le Domaine Sacré des Dieux. Le groupe des Silver Saint, dirigé par le Gardien Lunaire de la Justice, s’arrêta net. Ils étaient sept au total sous le commandement de Dokho. Mais leur nombre ne les aidait pas à résoudre le problème. Ils ne pouvaient avancer davantage sous risque de s’éloigner définitivement de la Cité d’Athéna. Et leur temps de trajet se comptait déjà en heures.
_C’est le même cosmos qui nous barrait le passage dans le Colisée d’Héraclite, se prononça Dokho en premier.
_Effectivement… dit Cypris, et il existe un moyen très simple de nous en défaire.
_Nous n’avons plus les armes de la Balance, s’exprima Hélénos à son tour, mais il nous reste notre cosmos !
_Tu…
Dokho fut coupé dans son intervention verbale. Hélénos, placé en tête de peloton, croisa puis décroisa ses bras envoyant une attaque lumineuse dans le but de dissiper l’obstacle immatériel. Quand soudain…
Une sphère lumineuse lui revint aussitôt percutant son plastron, le balayant hors de sa position et le projetant dans les bras de Cypris. Heureusement que le Saint de la Colombe n’avait concentré en cette attaque qu’une infime partie de sa puissance, autrement tout le groupe aurait eut droit à une secousse généralisée.
_Non, Hélénos, dit Dokho, on ne peut remplacer les armes de la Balance. Plus que des pouvoirs physiques les armes de la Balance possèdent des pouvoirs psychiques. Elles sont capables de déjouer les illusions. Lorsque Shiryu prit l’initiative de se servir du Nunchaku dans le Colisée, il savait pertinemment que d’autres alternatives nous auraient menés dans l’impasse.
_Mais enfin… se reprit Hélénos essoufflé, Maître Dokho, voulez-vous dire qu’il s’agit d’une illusion ?
_Quelqu’un essaie de nous ralentir à tout prix, de gagner du temps ! s’exclama Dokho
_Ou bien il essaie de nous attirer dans un piège… rajouta Cypris.
_ Eh bien ! Qu’il vienne ! dit Polydectès de Persée remettant son bouclier de la Méduse sur son avant bras, ce piège sera son tombeau !
Atrée de la Boussole, Chiron du Centaure, Augias de l’Autel et Cédalion d’Orion restaient bien silencieux mais ils n’en demeuraient pas moins intrigués. Tous ressentaient très fort la cosmoénergie qui se rapprochait. Le groupe se mit en cercle parfait de façon à ce que tous aient le regard rivé vers l’extérieur.
Mais la défense en cercle ne suffit pas. Des cris étouffés et étouffants explosèrent sur le chemin reliant le Cité d’Héraclite à celle d’Athéna.
*
Sindar, Gardien Céleste de l’Offrande se dirigeait vers le Sanctuaire de la Déesse de la Sagesse. Il sentit, en chemin, des éclats de cosmos très vite étouffés. Pas de temps à perdre avec des détails, il arriva aux portes du Sanctuaire. Il traversa à toute vitesse les colonnes dévastées et deux choses attisèrent sa curiosité aux pieds des marches qui menaient à la Première Maison.
Deux statues de glace improvisée ouvraient la montée des escaliers. Un Chevalier d’Or et un Gardien Lunaire étaient tenus prisonniers à l’intérieur. D’ailleurs, c’était sûrement mieux comme cela. Morts, ils auraient fait bien pâle figure en ce lieu. Vivants, ils n’avaient qu’à s’en sortir eux-mêmes. Merci au Treizième Gardien au passage qui permettait, tout de même, à Sindar d’avoir une entrevue exclusive avec son frère. Melkor… lui par contre n’était pas prêt à se laisser enfermer par une couche de glace.
Le Guerrier Céleste jeta un œil distrait sur son reflet dans le cercueil glacé de Shiryu. Il pouvait admirer la chevelure noire du Libra Saint et son air sérieux, trop sérieux. L’armure en lapis-lazuli de Sindar reluisait d’un éclat particulièrement étincelant dans ce miroir de glace : un bleu du ciel et des reliures dorées comme le soleil.
Pas de doute, aujourd’hui est un beau jour pour mourir.
Il s’attarda encore un moment sur le regard figé et surpris du Chevalier de la Balance. Sindar pouvait se voir en lui. Un sourire naquit sur son visage trop longtemps impassible. Avant de rejoindre la Maison du Bélier, il ne put s’empêcher de prononcer un dernier mot (d’adieu ?) au disciple de Dohko.
_Contre un autre, tu serais déjà mort, conclut-il.
*
Première Maison du Zodiaque. Premier Rempart. Sans les hommes, la Maison du Bélier ne serait qu’un tas de pierre. Les remparts ce sont eux : Mû du Bélier et Auron du Serpentaire. Mais jamais ils ne passent à l’offensive si les envahisseurs ne commettent pas d’acte d’agression.
Ixion, Eclair de la Destruction, continuait à les fixer. Le rejeté des Dieux, banni, condamné au Tartare les transperçait du regard. Il voyait à travers les deux Saints d’Athéna comme il entendait les pas provenant du Temple d’Aries. Le bruit métallique de la marche se fit plus proche et plus inquiétant.
Auron se retourna par précaution. Le Serpentaire Saint gardait un œil sur l’entrée de la Maison du Bélier tandis que Mû surveillait Ixion et ses sbires. Ils se retrouvèrent dos à dos. Le Premier et le Dernier signe du Zodiaque combattraient au nom du cycle de l’écliptique, au nom des étoiles baignées par les rayons du Soleil.
Et les pas résonnaient. Telles des cloches du macabre qui ne cesseraient de battre qu’une fois les victimes achevées. Une grande force, une grande puissance allait faire son entrée sur le parvis de la Maison d’Aries. L’homme se rapprochait et Auron distinguait une silhouette gigantesque. Mais l’être à la carrure d’acier n’était pas seul. Il y avait définitivement deux silhouettes se détachant de la pénombre.
Auron se mit en garde et en état d’alerte maximal, il venait de reconnaître l’individu sortant de la Maison. L’homme portait à bout de bras un Chevalier d’Or. Le Serpentaire Saint écarquilla les yeux lorsqu’il vit l’état dans lequel se trouvait son frère d’armes. Surtout que le Gold Saint était également réputé d’une force hors du commun. Et pourtant, Leo Gold Saint fut déposé, inconscient au pied d’une colonne de pierre telle une dépouille qui servirait de festin aux charognards.
Après avoir posé le corps de son adversaire, Melkor s’approcha dangereusement du duo formé par les deux Chevaliers d’Or. Auron eut le temps de dévisager celui qu’il avait combattu dans la Maison du Taureau. Le Serpentaire Saint put parfaitement identifier toutes sortes d’attaques que le Gardien Lunaire de la Force avait eût à subir durant sa traversée des Douze Maisons.
Sur l’armure bâtie de pierres précieuses se lisaient les traces de chacune des attaques portées par un Chevalier d’Athéna : de l’Aiguille Ecarlate au Lightening Plasma en passant par l’Explosion Galactique et la Pluie des Astéroïdes.
Mais pourquoi diable Melkor avait-il interrompu sa montée des marches, après avoir souffert le temps d’une journée ? A quoi tout cela lui avait servi ? Pourquoi son regard était-il différent, désormais ? Pourquoi n’était-il plus aussi rouge de folie et de rage incontrôlée ? Et maintenant il parlait ! ?
_Shaka a pris possession de la Maison des Gémeaux, dit Melkor sur un ton affirmatif, je ne peux aller plus loin.
Silence total du reste des protagonistes. Le Gardien Céleste d’Héraclite adressa ses paroles à Ixion, comme si Mû et Auron n’existaient pas. Et l’Eclair de la Destruction lui répondit, sur le même ton.
_Tityos nous rejoindra sous peu, dit Ixion, nous n’avons pas le droit de mourir, pas maintenant.
_Qu’as-tu fait à Aiolia, espèce de monstre ! ? s’insurgea Auron, que s’est-il passé avec Kanon ?
_Tous ont accompli leur devoir, tous ont suivi la voie de leur destin, lui répondit tranquillement Melkor, mais il arrive parfois, lorsque deux destinées se croisent, que les voies restent sans issues. Alors pour sortir de l’impasse, il faut, pour certains, expérimenter la mort.
Le Serpentaire Saint fronça les sourcils. Il quitta sa posture de combat. Il se mit à une distance très rapprochée du Gardien Lunaire qui regardait toujours dans le vide comme si les faits et gestes d’Auron étaient insignifiants. Melkor avait sûrement raison. Et même qu’il ne vacilla pas d’un cil lorsque le coup de poing du dépité Serpentaire atteignit sa lèvre inférieure créant un mince filet de sang.
« C’est inutile ! Si Melkor avait eu à périr, il serait déjà tombé, tu ne crois pas ? »
Une voix venait de s’élever de derrière et acheva définitivement le moral d’Auron. Le Serpentaire Saint tomba à genoux. Mû identifia immédiatement le nouvel arrivant qui venait des franchir les premières marches du Sanctuaire Céleste d’Athéna.
_Hyoga, dit Mû, serais-tu le seul qui sois parvenu jusqu’ici ?
_Non… dit étrangement l’héritier de Camus.
Pendant ce temps, Melkor vint rejoindre en silence Ixion et son armée. Ils étaient tous tellement imposants et bien disposés qu’ils créaient l’illusion d’une armée. Le Gardien Lunaire de la Force se plaça à la droite de son général, tel un lieutenant fidèle.
_Où sont les autres, Hyoga ? poursuivit Mû, j’ai senti d’autres cosmos que le tien approcher du Sanctuaire d’Athéna.
_Je ne sais pas, dit froidement l’Aquarius Saint.
Cette fois Melkor frappa le sol de son épée. La secousse détacha les cheveux du Gardien d’Héraclite qu’ils se mêlèrent à la brise légère.
_Ca suffit, Chevalier d’Or du Verseau ! cria Melkor, range-toi du côté qui te semble juste !
*
Deux Maisons plus haut, dans la demeure de Gemini qui a vu les dernières heures de la vie de Kanon, un Chevalier d’Or accomplissait son devoir face à un Titan. Après un débat titanesque, les deux vis à vis étaient prêts pour l’affrontement physique.
Soudain une musique étrange et envoûtante envahit le Temple des Gémeaux. Elle évoquait le calme et la sérénité. Tityos mit un certain temps avant de réaliser que les notes harmonieuses venaient de la poussière d’étoile s’échappant des mains de Shaka. Peu à peu, les particules lumineuses se fondirent avec les sons et s’éparpillait, elle aussi, dans toute la demeure.
_C’est encore une de tes illusions, tenta Tityos, mais je ne me laisserai pas prendre aussi facilement à ce jeu.
_Peut-être, reprit Shaka, ce n’est pas à moi d’en juger. Il est fréquent que l’on compare la vie à une illusion. Et pourtant, la perception, par nos cinq sens, est appelée communément « Réalité ».
_Et alors ?
_Alors cette même réalité est une illusion…
_Où veux-tu en venir, Shaka ?
_Parce qu’une réalité objective n’existe pas. Tout comme la réalité, c’est une notion qui n’existe pas. Chacun a sa propre perception du réel, chacun a sa propre définition de ce qu’il perçoit. Alors tous les dénominateurs communs sont illusoires. Cette poudre étoilée et les sons qu’elle renvoie est une chose que nous distinguons parfaitement. Mais notre distinction diffère. Or une chose n’existe que lorsque l’on peut la nommer… On nomme les choses mais finalement leur dénomination n’existe guère. Puisqu’elle est commune et non individuelle.
_…
_Et pourtant l’action de cette masse poussiéreuse n’aura rien d’irréel.
_Comment peux-tu dire ça ?
_Tout simplement parce que cette poussière prendra la forme de souffrance que tu voudras. Elle prendra ta perception des choses et non la mienne. Ainsi, j’aurais les réponses à toutes mes questions.
_Tu crois ça, Shaka ?
La poussière d’étoiles se fit de plus en plus insistante et consistante. Elle illuminait entièrement et dissipait l’ambiance morbide de la Maison, dans laquelle l’avait plongée Tityos. Des reflets sur les murs naissaient des couleurs vives et féeriques. La Maison du Zodiaque, qui servait généralement d’arène aux combattants, ressemblait à une fontaine de jouvence.
La matière étoilée entama son processus sur le Titan Maudit. Elle le recouvrit de la tête aux pieds. Tityos s’en trouva paralysé.
_Maintenant, tu es sous l’emprise du sort jeté, dit Shaka, tu ne peux plus t’enfuir. Tityos… dévoile les secrets enfouis au plus profond de toi !
La poussière d’étoile créa un tourbillon lumineux tout autour du corps du Titan, perçu par Shaka comme inoffensif.
_Chevalier d’Or de la Vierge, dit Tityos, il est temps que tu appliques tes propres conseils.
Sur ces mots, la poussière cessa sa danse de lumière autour du Titan Maudit. Le corps de ce dernier commençait à disparaître, à devenir transparent.
_Comment est-ce possible ?
_Une fois celui choisi agissant de son propre gré, il n’a plus besoin de moi.
_Que veux-tu dire ! ?
_Melkor agissait de son propre gré. Et il le fait toujours. J’avais juste veillé au bon déroulement du plan. Sa folie meurtrière n’était qu’une illusion, comme tu dis, puisque Melkor aurait préféré être fou que d’admettre ses actes inconsidérés. Il devait passer par-là, il devait voir son vrai côté, la face cachée de la Vérité, de sa Vérité.
_Je comprends mieux…
_Mais tu comprends bien tard… dit Tityos, peut-être que la vision que tu as de moi n’est pas tout à fait réelle, peut-être que tout ceci n’est qu’un rêve… ou plutôt un cauchemar. Il est temps, pour toi, d’ouvrir les yeux. La matérialisation de mon corps n’était que le fruit de ton imagination. Il est bien entendu très simple, beaucoup plus simple, d’imaginer un être qui s’oppose à toi de la façon la plus morbide. Mais la « réalité » n’est pas si simple Shaka. Tu me l’as toi-même dis : « Elle n’existe pas », tout comme mon corps meurtri dans cette Maison, il n’existe pas. Si tu cherches un jour, tu comprendras le véritable sens derrière le sacrifice de Kanon, le Gardien de cette Maison. Et si tu me cherches, tu me trouveras, Chevalier d’Athéna.
La vision du corps de Tityos paralysé par la poussière tergiversante disparut progressivement. Puis totalement. Cette Maison avait vu trop de morts, trop d’inhumanité déjà. Il fallait la laisser tranquille. Il fallait la laisser respirer, la laisser vivre. Alors le Gardien de la Maison de la Vierge se retira.
Shaka n’irait pas au combat ce jour là. Il partit gravir les marches du Sanctuaire pour aller rejoindre sa déesse au Temple Céleste d’Athéna. En chemin, il croisa un autre Guerrier de Lumière qui se dirigeait à toute vitesse vers l’entrée du Sanctuaire, aux pieds des Douze Maisons.
Ils restèrent immobiles un moment, sans mot dire. Le Combattant lisait l’état de la situation sur le visage de Shaka. Il y lisait le doute. Il y voyait une tranquillité certaine dans les Maisons des Gémeaux et du Taureau. Mais à l’entrée de la Maison du Bélier, des événements inquiétants se déroulaient.
Le Chevalier d’Or aux ailes angéliques reprit sa descente vers le lieu de toutes les rencontres et alla, lui aussi, à la rencontre du lieu où se croisaient les destins.
Shaka comprit une chose en sortant du Temple de Gemini Saint : la voie de la sagesse se trouve dans le doute et non dans la certitude, c’est certain.
*
_Choisis ton camp, Saint du Verseau ! répéta Ixion sans état d’âme.
Hyoga était, à son tour, sur le point de se placer, à l’instar de Melkor, aux côtés d’Ixion, quand Mû tenta de le raisonner.
_Chevalier ! Ne te laisse pas corrompre par les voix des ténèbres ! Reprends-toi !
Mais l’Aquarius Saint ne prêta qu’une attention ironique aux paroles du Chevalier du Bélier. Hyoga avançait tranquillement vers Ixion et Melkor. Il fut sur le point de se placer à la gauche de son général tel un lieutenant discipliné…
Quand tout à coup, une salve de coups pourfendit le sol traçant une ligne du non-retour juste devant l’ancien Chevalier de Bronze du Cygne.
« Je ne le permettrai pas ! »
Une voix s’éleva de la Maison du Bélier jusqu’au Ciel olympien en traversant les Cités des Dieux en passant par le Sanctuaire athénien. Cette voix fit naître un sourire sur le visage de l’Aries Saint. Cette voix, par magie, releva le Serpentaire abattu. Cette voix enjouée réveilla le Lion endormi.
_Où es-tu ? cria Ixion.
« Je suis ici ! »
Melkor, Hyoga, Auron, Mû, Aiolia et tous les Gardiens Lunaires derrière Ixion regardaient de chaque côté mais ne trouvaient personne.
« Je suis ici. »
Ils finirent par lever les yeux vers le Ciel et restèrent ébahis, amis comme ennemis, devant le spectacle qui leur était offert. Un être ailé imitait le Soleil tellement son cosmos était brillant et brûlant. Ils virent tous, une armure d’or portée avec la grâce de l’espoir. Ils virent le Centaure. Le Centaure Doré. Le Centaure Ailé. Le Sagittaire ! Le Chevalier d’Or du Sagittaire !
Le Sagittarius Gold Saint redescendit lentement, porté par son cosmos. Il se plaça en face de Hyoga et le regarda droit dans les yeux.
_Mon frère ! Je te revois, enfin ! Ensemble nous allons vaincre, une nouvelle fois !
_Alors… tu as survécu… marmonna Hyoga, tu as survécu à l’épée des Illusions plantée en plein cœur par un Dieu…
_J’ai survécu parce que j’avais offert ma vie !
_Je le savais…
_Les Chevaliers d’Or dont seules les âmes étaient revenues pour endosser une ultime fois leurs armures du Zodiaque, décidèrent de les sacrifier pour redonner vie à la mienne, qu’elle réintègre mon corps dont les sens furent paralysés par l’Epée d’Hadès. Je n’oublierai jamais le don des Chevaliers d’Or, qui après avoir offert leur sang, ont éclairé le chemin de la vie par la lumière de leurs esprits. Masque de Mort, Aphrodite, Camus…
_Maître Camus…
… Aldébaran, Shura et … Aioros ! Chacun d’eux a décidé de devenir l’un de mes Cinq Sens et Aioros nourrit mon cosmos ! Désormais, dans chacune des Maisons de ce Sanctuaire Céleste une effigie immortalise ces êtres de légende qui furent prêts à donner leurs vies même après leur mort ! Moi, Seiya, Chevalier du Sagittaire, je leur rendrais hommage à chaque instant, à chaque seconde, à chaque battement de mon cœur, parce que mon corps ne m’appartient plus ! Ma vie ne m’appartient plus ! Je suis plus qu’une seule existence car plusieurs d’entre elles vivent en moi !
_Seiya… dit Hyoga en refermant les yeux et en se tournant de profil.
_Nous sommes, désormais, des Chevaliers d’Or ! Notre devoir est de repousser l’envahisseur ! Nous devons nous montrer dignes de notre rang !
Le Gold ailé pointa Melkor du doigt en guise de défi. Le Gardien Lunaire approuva et quitta son supérieur pour se mettre en face de Seiya. Le Chevalier du Sagittaire tenait son doigt pointé vers son adversaire et finit par s’avancer en dépassant Hyoga.
_Ta conduite, ici, est inacceptable ! affirma Seiya. Je t’accuse d’avoir profané ce Sanctuaire ! Je te tiens pour responsable de la mort de Kanon ! Je t’accuse d’avoir agressé et blessé plusieurs Gardiens de ce Domaine : Auron, Mû, Milo et Aiolia ! Et foi de Chevalier, tu paieras tes crimes, qui que tu sois !
_Je n’ai pas de comptes à rendre, dit Melkor.
_Alors… Reçois les Météores du Sacre ! ! !
Ce que Hyoga prit, un court instant, pour une imitation des Météores de Pégase se changea en une pluie de sons et lumières. Comme si toutes les étoiles, de toutes les galaxies se fondaient avec l’énergie qui se dégageait de ses poings. Il créait une nébuleuse entière rien qu’en projetant seulement quelques coups.
Mais la démonstration de Seiya fut de courte durée. Son vis à vis embrasa son cosmos, couleur de l’arc-en-ciel. Melkor mit en place un système de défense en déployant des ondes qui déformaient toute matière. Ainsi toute la cosmoénergie envoyée par le Chevalier du Sagittaire se brisa et se transforma en poussière d’étoile qui s’éparpilla pour s’effacer dans le vide.
Le Gardien Lunaire improvisa, rapidement, une sphère concentrée en cosmos multicolore et la lança sur Seiya. Ce dernier arbora, par réflexe, une posture défensive. Il était prêt à recevoir la contre-attaque. Mais une chose invraisemblable se produisit.
Au bout d’un moment, ne sentant pas la masse d’énergie le percuter, Seiya rouvrit les yeux. Il vit la mini-sphère, parcourue d’éclairs, surélevée à hauteur de sa poitrine, à une distance de trois pas. Mais la vision de l’ancien Chevalier de Bronze de Pégase était brouillée, comme déformée. Il voyait les matières rectangulaires ou carrées s’arrondir. Les visages des ennemis ou amis paraissaient complètement méconnaissables. Le temps s’était arrêté. Leurs mouvements et leurs gestes se déroulaient au ralenti.
Soudain, Seiya vit Melkor se mouvoir d’une façon normale et nonchalante. Le Gardien Lunaire l’avait invité à partager une excursion dans un autre espace-temps.
_Les Chevaliers d’Or ont le pouvoir de se déplacer à la vitesse de la lumière, dit le Gardien de la Force, mais les Guerriers de Zeus, héritiers des pouvoirs de Cronos, peuvent moduler le Temps. Et dépasser cette vitesse… Infiniment !
_C’est impossible !… Aucun être humain ne peut dépasser la vitesse de la lumière !
_Exact. Sauf que tu oublies un petit détail, Chevalier : tu n’es plus sur Terre !
Sur ces paroles, la boule d’énergie percuta Seiya et provoqua une distorsion de tous ses membres, ainsi que de l’armure d’or. Ils revinrent dans l’espace-temps commun. Le Chevalier du Sagittaire fut propulsé dans les airs et retomba violemment sur le sol creusant un cratère.
Mis à part Ixion et le reste des Gardiens Lunaires, personne ne comprit vraiment ce qui venait de se passer. Dans la confusion la plus totale, Mû et Auron s’unirent se ruèrent, encore une fois, sur le Gardien d’Héraclite.
_Stardust Revolution ! ! !
_Asteroïd Explosion ! ! !
Les deux attaques conjuguées semblèrent avoir atteint leur but. Le tourbillon d’étoiles et la pluie d’astéroïdes creusèrent, elles aussi, un cratère à l’endroit où se trouvait Melkor. Mais personne ne vit de victime agonisante à l’intérieur ! Mû saisit Auron par le bras et le tira en arrière puis prit une autre précaution.
_Crystal Wall ! ! !
Mais l’Adversaire était déjà dans son dos. D’un coup de genou de la jambe droite, il envoya Mû briser son propre mur de cristal. Auron s’élança, à ce moment là, dans les airs, le pied en avant. Mais Melkor le balaya d’un revers de la jambe gauche et le Serpentaire vint manger le sol, encore une fois.
Hyoga regardait le spectacle stupéfait. Même après avoir été un demi-dieu le temps d’une bataille, il n’avait jamais rencontré l’expression d’une telle puissance concentrée ainsi dans une technique guerrière. Celle capable de terrasser trois Chevaliers d’Or simultanément et en utilisant des techniques de combat inconnues jusqu’ici.
Tout à coup, le Gardien de la Force mit un genou à terre. Il se tordait de douleur. Son ventre le brûlait. C’était l’Aiguille Ecarlate de Milo, plus précisément l’Antarès. L’attaque du Chevalier d’Or fut exagérément dévastatrice. Melkor ne comprit pas tout de suite. Ceci dit, pour en réduire les effets, il fallait prodiguer les soins nécessaires. C’était bientôt l’heure du repli.
_Messieurs ! écuma Melkor se relevant et se tenant le ventre, ne vous inquiétez pas. Aller profaner le Temple Céleste d’Athéna au sommet de la route des Douze Maisons, n’est pas dans nos habitudes. Elle descendra, d’elle-même, nous livrer ce que nous sommes venus chercher ! En attendant, affrontez plutôt des adversaires de votre taille ! Hyoga, refroidis leurs ardeurs !
Seiya releva la tête et se mit sur ses deux jambes, non sans mal. Il titubait toujours mais était encore paré au combat. Dans une expiration, rappelant le souffle de l’espoir, le Sagittaire fut sur le point de s’élancer, le poing en avant, sur le Gardien Lunaire. Mais l’Aquarius Saint se mit en opposition, les bras en croix.
_Il ne faut plus attaquer Melkor, il nous faut attendre la décision d’Athéna, dit amèrement Hyoga.
_La décision de Saori… d’Athéna ! ? répliqua Seiya aussi sec, mais qu’est-ce que tu racontes, Hyoga ! ? Tu vois bien que lui et les autres ont commis des actes irréversibles ! Ixion est venu semer le chaos et a blasphémé les Dieux ! Melkor a tué l’un des nôtres ! Combien de morts encore faudra-t-il ?
_Ixion vient chercher ce qui lui est dû, Athéna le sait, murmura Hyoga. Kanon savait ce qu’il faisait. Fais-moi confiance et attends patiemment. L’horloge du Sanctuaire n’a jamais été allumée…
_Je n’arrive pas à croire ce que j’entends ! Je suis resté, ici, dans le Domaine Sacré car je savais que vous me rejoindriez un jour ! Athéna avait prédit ces événements tragiques ! Elle avait réuni le Conseil des Dieux ! Ixion est l’Ombre, la face cachée de l’Olympe, celle qui devait venir nous défier ! De la même manière que les dieux défièrent les Titans ! Ceux-là reviennent ! Ils viennent se venger, pour éradiquer la hiérarchie en la consumant de l’intérieur… La corruption du Sombre ! Hesychias ! C’est l’état d’alerte ! Tu l’avais transmis à Dohko !
_Non, non, le contredit Hyoga, tu ne comprends pas.
_Ca suffit ! Ecarte-toi, au nom de notre fraternité, de toutes ces batailles où nous avions souffert ensemble ! Chevalier, je t’en conjure, ne me pousse pas à commettre l’irréparable !
_Seiya, je ne bougerai pas.
_Quatre ans… Quatre longues années passées dans l’ignorance, dans l’inactivité, l’anonymat. Ainsi les astres l’avaient prédit, aujourd’hui sera une effusion de sang fratricide.
_Si mon sang doit être versé pour le fleuve de la justice alors je suis heureux de te l’offrir, je sais que tôt ou tard, tu entendras raison, Seiya.
_J’espère que tôt ou tard, tu reviendras à la raison, Hyoga.
Aiolia finit par se remettre sur pieds et se précipita vers les deux Saints d’Athéna parés au duel. Il voulut intervenir mais Mû se saisit de sa cheville.
_Que fais-tu, Mû ? hurla Leo Gold Saint, vas-tu regarder tranquillement deux Chevaliers d’Or livrer un combat de mille jours et mille nuits ?
_Non, Aiolia, laisse-les. Ils doivent s’affronter.
_As-tu perdu l’esprit ! ? cria le Lion enragé.
Auron rejoignit Aiolia puis releva l’Aries Saint.
_Je vous en prie, Maître Leo Saint, je ressens la même chose que Seigneur Mû.
Le Lion finit par se résigner. Le Gardien Lunaire d’Héraclite se replia, aussi, la main sur son abdomen. Une sorte d’arène s’improvisa. Au milieu se dévisageaient deux anciens frères d’armes et de sang, jadis liés par une déesse mais divisés par le temps et l’excès.
***
_Tu as entendu, ce choc des cosmoénergies dans la Cité d’Athéna, Shina ?
_Oui, je les ressens à travers tout mon corps, Marine.
_On dirait que deux armées entières sont en train de s’affronter.
Nous avons été chargées de surveiller les routes qui mènent aux différentes Cités de l’Olympe et faire notre rapport à Héraclès mais j’ai envie d’être auprès de ceux qui risquent leur vie pour Athéna !
_Moi aussi. Mais j’ai comme une sensation étrange concernant l’un des cosmos qui s’est manifesté, il y a quelques instants…
_Je l’ai ressenti également. Marine, je sais ce que tu penses mais ne te fais pas d’illusions.
_Non, c’est même plus que ça. J’ai l’impression que plusieurs cosmos sont regroupés en un seul ce qui explique l’extraordinaire puissance de ce dernier, n’as-tu pas remarqué ?
_Oui, tu as raison. Et celui faisant face en ce moment est…
_Hyoga !
_Il n’a aucune chance face à son adversaire ! Il faut faire quelque chose !
_Oui, et tu perçois aussi, comme moi, les faibles cosmos de Shun et de Shiryu…
_Il se passe des choses très inquiétantes au Sanctuaire Céleste d’Athéna.
Marine et Shina étaient revenues sur les lieux qu’elles traversèrent la veille. Les colonnes d’entrée de la Cité se devaient d’être inspectées. Philos et Philias, Gardiens d’Héraclite, ouvraient la marche, en compagnie de Jabu. Le trio se rapprochait déjà des deux colonnes : Ceuta et Calpée.
Mais les deux Silver Saint ralentirent spontanément devant l’Arche de pierre, dans laquelle fut gravé le chant de l’ «Ultime Chance» :
Même si l’univers implose, il reste cette unique chance
Même si l’univers explose, il laisse cette infime chance
Les deux femmes se regardèrent un moment. Shina enleva son masque. Puis le serra très fort dans sa main droite.
_Comment nous ne l’avions pas vu, plus tôt ! ? cria l’Ophiucus Saint.
_Parce qu’une fois qu’on nous avait mises ces masques… Nous oubliâmes qui nous étions !
_Oui… Incapables d’aimer…
Le masque éclata en morceaux, à jamais.
*
Seiya et Hyoga.
Deux orphelins abandonnés aux griffes du destin. Deux frères unis et envoyés subir les inhumanités couvertes par des promesses sans lendemain. Deux solitaires, orphelins enragés d’amour, à la recherche d’une mère, d’une sœur… D’une branche, ne serait ce qu’infime de l’arbre d’une famille perdue.
Deux chevaliers de Bronze, rampant dans le sang et la boue, créant des miracles, entrouvrant le Ciel et pourfendant la Terre. Allant jusqu’à défier l’ordre corrompu trompant les êtres de Lumière, même eux.
Deux parmi les privilégiés qui goûtèrent à la suprématie du sang des demi-dieux. Ils renversèrent les Ténèbres et purifièrent le sombre Dieu ! Les voici, désormais, tout d’or vêtus. Prêts à se salir les mains dans un duel fratricide, sans doute l’Ultime Epreuve pour l’un des deux…
_Reçois les Météores du Sacre ! ! !
La pluie cristalline de sons et lumières s’abattit sur le Verseau. Chaque coup était un concentré de nébuleuses comme si Seiya projetait des galaxies entières !
« Seiya… En quatre années, tu n’as pas changé de technique. De plus, tu me l’avais déjà montrée face à Melkor. Tu ne peux pas m’atteindre avec ça ! »
Hyoga évita avec une facilité déconcertante, tous les météores du Sagittaire. Il passa au travers comme si la décharge de coups n’était qu’un courant d’air. L’Aquarius Saint se rapprochait dangereusement.
Seiya interrompit son attaque et fit un salto avant, par-dessus son adversaire, pour éviter la charge.
_Diamond Dust ! ! !
Hyoga frappa le vide et sa poussière de diamants se dissipa aussitôt. Les deux vis à vis, dos à dos, se retournèrent pour se remettre face à face. Et se ruèrent, sans hésiter, l’un sur l’autre pour un choc frontal. Mais au moment de la collision, ils s’écroulèrent tous les deux.
Le Verseau se tenait l’épaule gauche et commençait à saigner. Le Sagittaire pouvait à peine se servir de son genou droit gelé.
_Ce sont deux adversaires qui ont la même particularité, dit Mû, celle de toucher leur opposant sans que celui-ci ne s’en rende compte… Le premier qui sentira la douleur, mordra la poussière.
Les deux Gold se remirent debout avec un grand sourire aux lèvres.
*
Shaka pénétra dans le Temple de la déesse de la Sagesse plongé dans la pénombre. On pouvait distinguer des voiles transparents reliant les colonnes aux murs et aux plafonds. Elles diffusaient une certaine visibilité qui permettait à Shaka d’avancer. D’un pas prudent.
Le trône, peu à peu, se profilait. Et Athéna, assise dans ce meuble en carrare, cachait son visage derrière ses mèches de cheveux. Shaka, en bon soldat, s’agenouilla et entama son rapport.
_Déesse Athéna, plus personne ne traverse la route des Douze Maisons. Vous pouvez être tranquille pour le moment.
Sa seule réponse fut un souffle léger et aigu provenant d’une fine bouche dissimulée dans la chevelure. Inquiet, le Chevalier d’Or se releva et s’approcha.
_Vous sentez-vous bien ? articula-t-il.
_J’ai vu Milo, tu sais, dit-elle enfin, lui ne se sentait pas très bien. Et celui qu’il portait n’était plus en mesure de ressentir quelque chose.
_Je regrette que l’on vous donne un tel spectacle… Ceci n’est pas digne des Gardiens d’une Déesse.
_Je me meurs…
_Que dites-vous ?
_A chacun des êtres offrant sa vie pour moi, je me meurs… je meurs à chaque vie éteinte. Mais moi, je n’ai pas le droit de me laisser doucement glisser vers le sommeil éternel… Je dois me relever pour honorer ces sacrifices, pour qu’ils aient un sens ! Voilà le sens de l’existence d’une déesse : vivre avec la mort !
_Athéna, nous avions, tous deux, franchi le cap de la mort pour vaincre Hadès, le Seigneur des Enfers, ce n’est qu’une étape. Il nous faut apprendre à la maîtriser et à la respecter.
_J’ai l’impression d’être déjà morte, d’être oubliée… Quatre ans, quatre longues années que je n’ai pas vu la Terre et que personne sur terre ne m’a vue. On finira par m’oublier. Mon Sanctuaire Terrestre disparaîtra, avec ce qu’il reste de moi dans la mémoire de ceux qui m’avaient connue.
_Pourtant, vous connaissez très bien la mission qui vous attend ici, déesse.
_Je dois servir de bouclier. Encore une fois. Un bouclier divin, mais ce qu’ils ne savent pas…
_Votre corps est descendu des Cieux sur Terre, donc il provient d’ici, telle est votre patrie : le Domaine des Dieux.
_Peu importe l’origine, c’est l’environnement qui forge un être. Un homme délaissé dans la forêt sera changé en loup. Une déesse délaissée sur Terre sera changée en vous !
Shaka expira à son tour, un souffle paisible. Il posa sa main sur celle de Saori.
_Cette humanité, Athéna, vous rend supérieure aux dieux !
La femme en robe blanche de satin se redressa quittant son trône et saisit le Chevalier de la Vierge par les mains.
Est-ce que ma peine est passible de prison ?
Est-ce que ma tristesse est une damnation ?
Est-ce que mes rires sont tous désillusion ?
Est-ce que mes larmes m’enchaînent à la déraison ?
Est-ce que mes mots ne sont que fabulation ?
Est-ce que mes rêves ne sont plus prémonition ?
Est-ce que ma haine n’est qu’imagination ?
Est-ce que mon amour n’est qu’une ombre à l’horizon ?
Shaka fixa Saori de ses yeux fermés. Il voyait parfaitement clair. Il jeta un regard fermé sur l’escalier qui mène vers la statue en or de Pallas Athéna laquelle tenait le Sceptre de Nikè et le Bouclier Sacré.
_Oui, dit Shaka, pour l’instant ce n’est que l’Ombre. Donnons-lui ce qu’il veut.
L’adolescente déesse, qui se transformait en femme, tomba dans les bras du Chevalier d’Or. La déesse et l’être le plus proche de Dieu étaient, à cet instant profondément humains.